Le 1er janvier 2013, les autorités britanniques ont déposé une réforme intitulée Retail Distribution Review (RDR), visant à remplacer les commissions par un système de rémunération à l’acte payable en amont. Elles ont rehaussé les compétences minimales exigées des conseillers et créé les catégories « conseiller indépendant » et « conseiller restreint », déterminant la nature des produits et services que chacun peut proposer.La RDR est entrée en vigueur dans la foulée de nouvelles très médiatisées dénonçant les ventes abusives que certains conseillers auraient conclues auprès d’épargnants, raconte Mike Gould, conseiller principal, distribution aux particuliers, de l’organisme Investment Management Association, qui représente l’industrie de la gestion des placements au Royaume-Uni.

En fait, illustre M. Gould, il est arrivé que des conseillers vendent une police d’assurance mixte afin de rembourser un prêt hypothécaire. Ils auraient récolté au passage une « commission plutôt généreuse », alors que le produit proposé n’était pas nécessairement ce qui convenait le mieux à l’investisseur.

Méconnaissance des épargnats

Les régulateurs en ont déduit que les épargnants ne connaissent pas vraiment le mode de rémunération des personnes qui leur donnent des conseils financiers ou autres.

C’est ainsi qu’est née la réforme RDR et ses objectifs en trois volets :

Élimination des commissions, intégrées ou autres. Les frais sont désormais payés en amont par le consommateur, qui est ainsi pleinement informé du prix des services rendus.

Création des catégories « conseiller indépendant » et « conseiller restreint », afin de distinguer les conseillers autorisés à proposer tous les types de produits et services de ceux qui ne peuvent que présenter une liste limitée de produits et fournisseurs.

Compétences rehaussées

Avec ce changement, les conseillers ont dû troquer leur approche d’investissement globale et descendante contre une démarche ascendante rémunérée à l’acte, en vertu de laquelle l’épargnant est beaucoup plus au fait du montant et de l’identité de la personne qu’il paie, dit Phil Billingham, planificateur financier agréé et membre du conseil d’administration de l’Institute of Financial Planning, à Londres.

Il fait toutefois remarquer qu’on ne peut pas dire que le marché a vraiment adopté une formule misant exclusivement sur les honoraires.

« Le conseiller fait part de ses honoraires au client, et il revient au client de juger si ce montant est équitable, estime-t-il. Prenons par exemple une facture de 5 000 $ : dans les faits, le conseiller peut proposer au client de ne pas lui faire de chèque. Il peut toutefois autoriser au fournisseur, par exemple le gestionnaire du fonds, de le payer en déduisant 5 000 $ du placement initial. »

Par ailleurs, le conseiller financier pourra continuer de percevoir les frais de gestion pour les placements effectués avant le 31 décembre 2012. Les commissions applicables aux ventes d’assurance et de produits hypothécaires resteront en place. Et ce ne sont là que quelques exemples.

L’an dernier, le Royaume-Uni a aussi mis en place un régime de retraite à adhésion automatique comportant des contributions salariales et patronales, en plus d’être assorti d’un allègement fiscal.

« Ce programme qui sera déployé progressivement sur six ans a poussé bon nombre de conseillers de la région à se lancer en planification de la retraite, les autres se tournant vers la clientèle fortunée », constate M. Billingham.

Les répercussions

On a vraiment craint que la RDR anéantisse une bonne partie du solide réseau de conseillers qui dessert le Royaume-Uni. Or, en juillet dernier, un rapport diffusé par la Financial Conduct Authority (FCA) révélait que le nombre de conseillers avait augmenté de 6 %, une situation qui pourrait s’expliquer par le retour de certains conseillers sur le marché, conclut l’organisme.

« Une foule de scénarios alarmistes nous sont parvenus de l’extérieur, relate M. Billingham, de l’Institute of Financial Planning. Or, la plupart des conseillers qui ont quitté ne l’ont pas fait à cause des honoraires, mais plutôt des exigences en matière de compétence. Ceux qui sont partis sont les plus vieux, car ils n’avaient pas envie de se soumettre à des examens à ce stade de leur carrière. »

La FCA affirme que, dans les six mois suivant l’arrivée de la RDR, 97 % des conseillers avaient atteint le niveau de compétence exigé. Les derniers 3 % correspondaient à des nouveaux venus en train de terminer leurs études dans les délais prévus au règlement. Le hic, c’est qu’on ne sait pas vraiment si les épargnants aiment l’idée de payer uniquement selon une grille d’honoraires, nuance M. Gould.

Il calcule que le tarif horaire moyen dans le secteur des conseils financiers tourne autour de 160 livres sterling (260 $ CA). « On craint que certaines personnes habituées à recevoir ce service ne soient pas prêtes à payer pour l’avoir. Comme elles pourraient bien ne plus recevoir de conseils professionnels, on se demande avec inquiétude ce qu’elles feront à la place », dit-il.

M. Gould ajoute qu’en fin de compte, la nouvelle règlementation aide le conseiller à s’acquitter de ses responsabilités de fiduciaire. « En instaurant une telle règlementation, les autorités cherchent en fait à rehausser le professionnalisme du marché des services financiers offerts aux particuliers, en permettant aux conseillers d’être mieux outillés pour remplir leur obligation fiduciaire », souligne-t-il en entrevue. Il ajoute que divers pays d’Europe s’apprêtent à instaurer une règlementation s’apparentant à la RDR. « Le Royaume-Uni est peut-être allé un peu vite, mais il chemine assurément dans la bonne direction. »