Si Gore Mutual acquiert des cabinets de courtage, ce ne sera plus uniquement comme geste défensif. Sa plus récente acquisition le démontre d’ailleurs, a affirmé l’assureur en entrevue au Journal de l’assurance.

Fin juin, Gore a annoncé l’acquisition de Howard Noble Insurance, un cabinet établi à Collingwood en Ontario. C’est le troisième cabinet que l’assureur achète en trois ans, les deux autres étant St. Clair, établi à Windsor, et Jamieson Hilts, à Woodstock, tous deux en Ontario. Paul Jackson, vice-président, distribution, de Gore, a fait le point sur la stratégie d’acquisition de l’assureur avec le Journal de l’assurance.

« Nous ne sommes pas délibérément entrés dans le marché d’achats de cabinets. L’industrie évolue toutefois, ce qui amène des changements dans la distribution. La démographie alimente le tout. Plusieurs propriétaires de cabinets de courtage de petite et moyenne envergure se retirent. Ils veulent aller chercher la pleine valeur de leur actif et jouir de leur retraite. Il y a toutefois de larges consolidateurs dans le marché, qui ne tiennent pas nécessairement à détenir un contrat d’agence avec nous », dit M. Jackson.

Outiller les courtiers de demain

Les intentions de Gore étaient défensives au départ. Elles ne le sont plus.

« Au cours des 12 à 18 derniers mois, nous avons vu qu’il y avait une opportunité stratégique d’acquérir des cabinets. Acheter des cabinets simplement pour préserver notre volume ne nous semblait plus la meilleure stratégie. »

En acquérant des cabinets de courtage, Gore fait le pari qu’elle pourra outiller les courtiers qui dirigeront ces cabinets face aux défis de demain. « Acheter des cabinets ne représente qu’un pan de notre stratégie pour faire face aux nouveaux modèles qui émergeront du numérique. Oui, on défend notre volume en le faisant. On contribue aussi à la modernisation du courtage, tout en l’aidant à aller de l’avant. »

Quels consolidateurs ont incité Gore à prendre ce virage ? M. Jackson reconnait que BrokerLink, une filiale d’Intact Corporation financière qui acquiert des cabinets, est le principal joueur responsable du changement de vision de Gore.

« Nous avons travaillé très fort au cours des dernières années à travailler au développement et à soutenir des cabinets consolidateurs nationaux et régionaux. Le tout faisait toutefois en sorte que nous étions peu représentés au sein des grands cabinets. C’est en train de changer. »

M. Jackson ne cache pas que l’achat par BrokerLink de cabinets ayant un contrat d’agence avec Gore a fait perdre du volume à son entreprise. Il n’a toutefois pas voulu dévoiler de quel ordre. Il précise toutefois qu’aucun cabinet autre que BrokerLink qui a acquis un cabinet ayant un contrat d’agence avec Gore n’a annulé celui-ci. « C’est une façon pour nous de gagner de nouveaux marchés. Et ça doit fonctionner, car les cabinets qui acquièrent continuent de traiter avec nous. »

Malgré ses visées d’acquérir des cabinets, Gore entend bien que ceux-ci demeurent indépendants dans leur processus de gestion et d’opération. « On respectera le modèle d’indépendance des courtiers. On parle à beaucoup de courtiers de notre approche d’acquisition, mais beaucoup la rejettent. On respecte cela aussi. Ils savent toutefois que nous pouvons mettre des capitaux à leur disposition », dit M. Jackson.

Notion d’influence

L’offre de Gore inclut aussi une prise d’équité. M. Jackson précise que plusieurs cabinets de courtage se sont prévalus de cette option auprès de sa compagnie. Il n’a toutefois pas voulu dévoiler combien l’ont fait.

Quant à l’influence que Gore peut avoir sur les cabinets qu’elle acquiert ou dans lesquels elle a une participation, M. Jackson assure que la compagnie n’intervient pas dans la gestion de ceux-ci. « Notre philosophie est que le courtier doit offrir le bon produit au bon prix. C’est à l’assureur de faire en sorte de lui offrir le produit et le prix qui convient à son client. On n’entrera pas dans le jeu des transferts ou des conversions de volume. On veut que le cabinet s’opère indépendamment de notre contrôle », dit-il.

Les courtiers hors Québec doivent se préparer à l’assaut des directs

Un courtier d’assurance du Québec a confié au Journal de l’assurance que lorsqu’il tentait de sensibiliser ses confrères des autres provinces à la montée des assureurs directs, il faisait face à un grand scepticisme. Ce courtier disait ainsi craindre que ses collègues canadiens soient démunis face à la montée des directs qui déferlera hors des frontières du Québec.

Lorsque le Journal de l’assurance lui a exposé ce cas, M. Jackson a dit être en total accord avec celui-ci. « Il y aura beaucoup de changements dans le marché, comme le Québec l’a connu. On ne peut démentir cela. Internet et les nouvelles technologies l’accentueront. C’est pourquoi du point de vue de l’assureur, il fait du sens de développer des outils pour les courtiers pour qu’ils puissent concurrencer les directs. »

M. Jackson croit que le courtier moderne sera capable de concurrencer effacement les assureurs directs. « Il ne pourra pas se battre au niveau de la taille. Les courtiers doivent toutefois comprendre que c’est une vraie menace. Ils devront faire face aux directs et aux nouveaux joueurs qui s’en viennent. Ceux-ci ne disparaitront pas. On s’attend à ce les courtiers qui ne font pas ces changements soient obligés de quitter l’industrie, car ils ne seront plus concurrentiels. »