Ancien ministre délégué aux Finances, Alain Paquet se montre sceptique face à la fusion des Chambres avec l’Autorité des marchés financiers. Il craint un choc des cultures qui reléguera la déontologie au second plan.

Actuellement professeur d’économie à l’École des sciences de la gestion affiliée à l’UQAM, M. Paquet a fait connaitre sa pensée lors d’un discours prononcé au colloque du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) le 26 mai à Laval. M. Paquet avait aussi fait de même la veille devant le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), à Québec. Il a aussi accordé un entretien exclusif au Journal de l’assurance à la suite de ces deux évènements.

Lourdeur à éviter

L’ancien ministre a dit souhaiter que le législateur ne crée pas une trop grande lourdeur, et « en échappe des bouts ». Il a exprimé des craintes quant à une centralisation excessive qui risquerait de reléguer la déontologie à l’arrière-plan.

Or, le rôle des Chambres de veiller à la déontologie de leurs membres est extrêmement important, a répété M. Paquet en marge du colloque. Il a dit espérer que ni la Chambre de la sécurité financière ni la Chambre de l’assurance de dommages ne se retrouvent sous la coupe de l’Autorité.

D’emblée, il a reproché le manque de profondeur du Rapport d’application de la Loi sur la distribution des produits et services financiers. Il lui reproche de ne pas préciser ce que coute les dédoublements reprochés aux Chambres ni ce que permettrait d’économiser leur intégration au sein de l’Autorité.

Ensuite, il dit craindre l’engorgement qui résulterait de cette intégration. « Je ne veux pas défendre les Chambres ou l’Autorité. Mais le régulateur a déjà l’assiette bien remplie, avec l’accréditation des appels d’offres et l’accréditation des sociétés minières. Ce sont deux gros mandats. Est-ce une bonne chose d’en rajouter ? Je n’en suis pas certain. Il y a juste 24 heures dans une journée et les ressources sont limitées. Il y a le risque de s’éloigner des priorités », dit-il.

De plus, il estime que ramener les Chambres sous l’Autorité reviendrait à marier deux cultures différentes d’encadrement. « Toute la culture de l’Autorité a été développée autour du droit pénal. Pénal et déontologie ne sont pas le même type de droit. Si un matin, on envoie le régulateur dans un environnement déontologique, il n’a pas cette dynamique ancrée dans ses habitudes institutionnelles. Je ne dis pas qu’il ne peut pas l’acquérir. Mais je crains que sans mauvaise volonté, la déontologie puisse devenir un second violon. »

Si le gouvernement décide tout de même de retenir ce modèle, il devra y avoir des balises extrêmement serrées pour assurer que la déontologie ne soit pas délaissée, prévient Alain Paquet. « Même avec ces balises et toute la bonne volonté, j’ai bien peur que la nature fasse que les choses aillent autrement. Et là je crois que les conseillers financiers pourraient être perdants en termes d’écoute, par rapport au régulateur », a-t-il dit.

Respecter le rôle de chacun

Le modèle actuel n’est pas parfait, notamment au chapitre de la communication entre les divers intervenants, reconnait l’ex-ministre. « Mais c’est humain », dit-il. Il lui apparait primordial que les divers organismes de règlementation se parlent, et établissent des protocoles qui assurent que chacun joue son rôle et respecte celui de l’autre. Une faute de déontologie n’est pas une fraude, a-t-il rappelé. Aussi, la formation ne peut être définie uniquement par l’Autorité, ni par la Chambre ou uniquement par les professionnels, dit M. Paquet.

Il faut s’accorder, au risque de se perdre en débats, a-t-il ajouté. « Je sais qu’il y a des problèmes de communications. J’avais invité la Chambre de la sécurité financière et l’Autorité à se pencher sur un protocole pour éviter les dédoublements et cela n’a pas abouti quatre ans plus tard. Il doit y avoir plus d’interfaces pour permettre de bien diagnostiquer les problèmes, et les soumettre aux bons acteurs, ceux qui ont les bons pouvoirs », a confié M. Paquet au Journal de l’assurance.

« Il est préférable de travailler là-dessus, et après ajuster les structures, a-t-il poursuivi. On ne commence pas en changeant les structures, et ensuite espérer que tout ira pour le mieux. Si on change le modèle, les problèmes, on les verra après. Je préfère prévenir que guérir. »

M. Paquet convient qu’il y a des choses à améliorer dans le modèle actuel des Chambres, et que tous devraient être mis à contribution dans cette direction, en se donnant une vision « au-dessus de la mêlée ».

L’ancien ministre craint que l’on bouscule trop rapidement le secteur des services financiers dans un changement de voie précipité. « Il n’y a pas péril en la demeure. Ce n’est pas six mois de plus qui fera une grande différence. »

À son avis, ce ne sont pas les structures qui importent, mais leur finalité. Principes de protection du public et contrôle efficace du secteur doivent aller de pair avec le traitement équitable de tous les professionnels en matière de déontologie, qu’il agisse au sein d’une grande institution financière ou dans un petit cabinet.