Les tarifs en assurance habitation sont appelés à augmenter. La dégradation continue des résultats de ce segment d’affaires au cours des dernières années a incité les assureurs à étudier cette avenue. Le climat difficile de 2008 vient de les forcer à passer à l’action.Les tarifs en assurance habitation sont appelés à augmenter. La dégradation continue des résultats de ce segment d’affaires au cours des dernières années a incité les assureurs à étudier cette avenue. Le climat difficile de 2008 vient de les forcer à passer à l’action.

Patricia St-Jean, vice-présidente principale, région du Québec, chez Aviva Canada, révèle que sa compagnie a subi 20 catastrophes en 2008 au Canada, dont six au Québec. « Nous avons subi 14 millions de dollars (M$) de dommages, mais pas juste à cause de l’hiver. Les tempêtes de vent et de pluie sont aussi en cause. Au Québec, on a enregistré plus de 2 500 réclamations. De plus, dans ces catastrophes, les dégâts de neige ne sont pas inclus. Pour les dégâts liés au poids de la neige, il faut ajouter 8 M$, tous en biens. Pour le reste des dommages, 75 % provient de l’assurance des biens », dit-elle.

Ailleurs au pays, les réclamations chez Aviva Canada sont aussi en hausse de 10 %. Au Québec, l’augmentation est de 25 %. « Déjà, nous avons commencé à augmenter les primes. On continuera à le faire tout au long de l’année et on le sentira aussi en assurance des entreprises. Ceux qui ont subi des dommages verront plus d’augmentations que ceux qui n’en ont pas eu », dit-elle.

Mme St-Jean affirme qu’il y a un déficit de tarification en ce moment. « Nos résultats n’étaient pas à un niveau acceptable l’an dernier. Cette année a révélé notre déficit de tarification », dit-elle.

La vice-présidente principale d’Aviva au Québec précise que les assureurs ont conçu leur tarification en fonction des catastrophes. Toutefois, les assureurs ont subi beaucoup de dégâts d’eau au cours des dernières années, ce qui n’était pas prévu dans la tarification, explique-t-elle. Mme St-Jean ajoute que la neige s’est ensuite ajoutée aux problèmes existants, révélant ainsi la tarification trop basse.

Augmentation souhaitable

Yves Fortin, vice-président souscription chez AXA Assurances, dit qu’il est souhaitable qu’il y ait des augmentations de tarifs en assurance habitation. « C’est un marché très compétitif, où on n’a pas été en mesure d’augmenter nos taux au niveau qu’on aimerait les voir. Il y a aussi beaucoup d’inflation. Le coût des matériaux de construction a augmenté substantiellement ces dernières années. Les maisons coûtent plus cher à construire. Le coût de couverture a augmenté pour nous, mais nous ne sommes pas allés chercher l’augmentation de primes pour couvrir ces frais », dit-il.

M. Fortin ajoute que le marché était sous-tarifé depuis quelques années. « La dernière année, on avait connu des résultats défavorables et on le sent encore plus cette année à cause du climat. Notre objectif est d’obtenir des clients au juste prix pour couvrir nos sinistres. Nous avons déjà augmenté nos tarifs. Nos courtiers étaient au courant. On devra continuer d’augmenter nos tarifs et primes de façon progressive», dit-il.

Pratiques revues

M. Fortin souligne qu’AXA revoit ses protections qui concernent les dommages causés par l’eau depuis deux ou trois ans. « Nous avons revu nos avenants pour les dommages par l’eau et certaines protections. Par exemple, l’infiltration d’eau par les toits était couverte dans le contrat de base. Maintenant, c’est un avenant et le client doit payer pour avoir cette protection. Pour les refoulements d’égouts, nous avons ajusté nos tarifs aux zones plus vulnérables », dit-il.

AXA a aussi travaillé au niveau de la prévention avec ses clients et n’exclut pas que d’autres mesures pourraient suivre. Un comité permanent y évalue la situation. L’augmentation des primes et des tarifs varie selon les produits, explique M. Fortin. « Au minimum, on doit couvrir l’inflation, mais on vise à aller chercher un peu plus. C’est un segment d’affaires qui affichait des résultats déficitaires depuis quelques années et l’année 2008 a été difficile », dit-il.

M. Fortin dit cependant que le moment est propice pour augmenter les tarifs. Les gens sont conscients que le dur hiver a fait mal aux assureurs et s’attendent à subir une hausse de leur prime d’assurance habitation « pour assurer un juste équilibre entre la croissance et la rentabilité », précise M. Fortin.

Desjardins Groupe d’assurance générales (DGAG) avait déjà effectué des changements de son côté et ne compte pas en faire d’autres.

« On considère que nous avons connu un hiver exceptionnel l’année dernière. On ne croit pas que c’est une tendance qui se poursuivra. Ça n’aura donc aucun impact sur notre tarification. On va connaître des hivers exceptionnels de temps à autre, peut-être une fois aux quinze ans. C’est donc quelque chose qui fait partie de notre couverture de risques », dit Jean Vaillancourt, directeur des opérations chez DGAG.

Les tempêtes de vent et de pluie n’auront pas non plus d’impacts sur la tarification de DGAG. « L’année dernière, nous n’avons pas eu énormément de dégâts d’eau. Toutefois, nous en avions eu plusieurs les trois ou quatre années précédentes. On avait modifié notre tarification en conséquence. On a eu beaucoup d’eau, de grêle et de pluie cette année, mais rien n’a été ajusté pour l’instant au niveau de la tarification. Il y a différents avenants à évaluer. On ne s’attend pas à faire de grosses modifications, à moins que la fin de l’année soit catastrophique », dit-il.

Luc Boissière, directeur actuariat et normes au Groupe Promutuel, convient qu’il va y avoir des changements au niveau des primes. « Ça ne sera pas pour tout le monde. Ça touchera ceux qui ont des protections liées aux dommages par l’eau et aux piscines. On a dû indemniser cinq fois plus de dégâts de piscines que l’an dernier. C’est là qu’on fera des ajustements », dit-il.

Il est néanmoins trop tôt pour dire de quel ordre seront les augmentations. « Ça variera selon la région où l’on se trouve. Par exemple, pour les dommages pour l’eau, on peut s’attendre à ce qu’une protection de 50 $ passe à 60 $ ou à 65 $. Ça s’est déjà vu dans le passé. Auparavant, il n’y avait pas de limites pour les dommages causés par l’eau dans les contrats d’assurance. Maintenant, c’est limité à 10 000 $. Si le client veut plus de protection, il devra payer en plus », affirme-t-il.

Primes trop basses

L’Union Canadienne avait déjà effectué des changements à sa tarification avant l’hiver. « Nous croyons que les primes en habitation au Québec sont trop basses en général. L’industrie devra éventuellement corriger cette situation en augmentant les taux. De notre côté, nous suivons cette situation de très près », dit Jacques Boucher, directeur des communications externes à L’Union Canadienne.

À La Capitale assurances générales, on croit devoir apporter des modifications à la tarification. « Il y aura des augmentations, mais ce n’est rien de catégorique encore. L’assurance habitation n’est pas un segment rentable actuellement à cause des variations de température. On augmentera peut-être les primes pour rendre le tout rentable. Ce n’est pas encore décidé », dit Audrey Bouchard, conseillère en communication et en relations publiques à La Capitale.