La Cour d’appel du Québec a cassé un verdict de la Cour supérieure ayant trait à un cas de versements de prestations en assurance invalidité.

L’Industrielle Alliance assurances et services financiers devra finalement payer à l’appelante la totalité des prestations mensuelles auxquels son état d’invalidité lui donnait droit. Par le fait même, la Cour d’appel maintient des droits que lui confère son contrat d’assurance pour toute la durée de l’invalidité ou du contrat.

La Cour d’appel a jugé que la décision de première instance est entachée d’une erreur de fait, aggravée par quelques facteurs qui ont été passés sous silence.

Mise sous surveillance de l’assurée

À la suite d’un diagnostic de syndrome de fatigue chronique, Pascale Forest a bénéficié de prestations d’invalidité de la part de son assureur, Industrielle Alliance, à partir de mai 2008. En avril 2011, l’assureur y met fin puisqu’une filature révèle qu’elle semblait aller mieux et semblait vaquer à ses activités habituelles. La mise sous surveillance de l’assurée découlait d’une hypothèse d’amplification et de simulation soumise par deux neuropsychologues.

En janvier 2016, la Cour supérieure du Québec avait rejeté la requête de l’assurée qui réclamait des dommages-intérêts et demandait que soient rétablies ses prestations d’assurance invalidité. La juge, Johanne April, ne croyait pas en la crédibilité de Mme Forest. Comme exemple, la juge cite que la demanderesse s’était présentée au procès en fauteuil roulant avec des lunettes de soleil, alors que la vidéo tournée lors de la filature la montre faire son jogging et autres activités demandant une certaine forme physique.

Décision de la Cour d’appel

Selon la Cour d’appel, l’assureur n’a pas agi de manière abusive en ce qui concerne la légalité de la filature, puisque la persistance de l’état de l’assurée malgré un programme de réadaptation et les doutes par rapport à la crédibilité soulevée par les deux neuropsychologues dans leur rapport constituait des motifs « sérieux et raisonnables ».

Toutefois, la Cour d’appel indique que le rapport de filature et la vidéo ont faussé l’évaluation de la preuve, compromettant ainsi la conclusion voulant que l’assureur se soit déchargé de son fardeau de preuve de démontrer l’incapacité de Mme Forest à exercer un emploi rémunéré. En effet, la Cour indique que la vidéo démontre que l’assurée peut vaquer à des activités quotidiennes, mais rien ne prouve qu’elle soit en état de travailler.

De plus, la Cour d’appel a démontré son désaccord face à un propos de la juge de première instance. Cette dernière aurait dit que personne n’a témoigné pour contrer ce qui apparait sur la vidéo de surveillance, alors que trois témoins se seraient prononcés sur le sujet.

Il faut éviter les conclusions hâtives, dit un avocat

Maurice Charbonneau, avocat chez Charbonneau, avocats conseils, a fait connaitre l’existence du jugement au Journal de l’assurance et l’a commenté. Selon lui, « il faut éviter de tirer une conclusion médicale sur la base de l’apparence de l’assuré lors du procès lorsque la question à débattre et celle de la persistance ou de la cessation d’un état d’invalidité ».

Il fait ainsi référence aux commentaires de la juge de première instance sur l’état de santé de l’assurée lors du procès en comparaison à la vidéo tournée à son insu. Me Charbonneau rappelle que 44 mois se sont écoulés entre les deux évènements et qu’un état de santé peut changer en une aussi longue période.

Peu de signes objectifs

L’avocat considère aussi que la condition de l’assurée observée par les professionnels de la santé générait peu de signes objectifs mesurables de façon empirique. « Si la juge de première instance estimait que des éclaircissements étaient nécessaires, elle aurait dû offrir aux parties l’occasion de combler les lacunes dans la preuve », ajoute-t-il.

L’appel a été accueilli en partie par le tribunal. Les dommages moraux occasionnés par le litige seront indemnisés par le versement rétroactif des prestations d’invalidité, des intérêts et le versement des prestations à venir.