Les assureurs et fournisseurs technologiques sont partagés sur la possibilité de voir le portail unique se réaliser. Avec l’abandon de la Centrale RCCAQ, ils conviennent qu’ils auront des réserves si un tel projet se représente. Pour le moment, ils travaillent à promouvoir leurs solutions aux courtiers.Richard Taschereau, vice-président ventes et marketing en IARD chez AXA Assurances, qui était l’assureur pilote dans le développement de la Centrale, croit que c’est le chant du cygne du portail unique.

« Le projet avait débuté avec un fort degré de scepticisme chez les courtiers. Au niveau des assureurs, ça va créer des réserves si jamais un projet de même nature se présente. Il y a de nouveaux projets et systèmes qui vont continuer à se développer pour aider les courtiers à faire de la vente. S’il y a un autre projet du genre, on ne lui donnera pas une fin de non recevoir, mais on le regardera d’un autre œil », soutient M. Taschereau.

AXA mise maintenant sur une nouvelle solution lancée il y a quelques mois, soit le portail Allegro, qui s’occupe de la gestion des contrats. Il remplace le système Télécourtier iSeries. Le portail est installé chez quelques courtiers et AXA travaille présentement à la conversion complète de tous les contrats automobiles. Les contrats habitations suivront en 2009.

Louis Gagnon, premier vice-président Québec d’ING Assurance, ne croit pas que la décision du RCCAQ entraîne la mort du portail unique. « Ce n’est pas réaliste de penser une telle chose. Les discussions sur la Centrale ont amené plusieurs joueurs à développer des outils. On ne sait jamais ce qui peut arriver à la vitesse à laquelle les choses se développent », croit-il.

M. Gagnon ajoute que sa compagnie travaille depuis quelque temps à développer divers outils de connectivité pour faciliter l’échange de données avec les courtiers. « C’est quelque chose de continuel pour nous. Ces outils étaient déjà en développement avant les travaux de la Centrale et ça continue », dit-il.

Ron Pavelack, vice-président exécutif et chef de l’exploitation de La Fédération et La Missisquoi, croit que le fardeau de trouver une nouvelle solution repose sur les épaules des fournisseurs de logiciels et des assureurs.

« Ils doivent faciliter la tâche des courtiers pour échanger des informations. Les courtiers doivent être à jour au point de vue technologique. De notre côté, on développe un nouveau système au niveau de l’assurance aux particuliers, qui s’appelle Énergie et qui est basé sur Internet. Nous n’aurons probablement pas une solution unique pour l’ensemble du courtage, mais des solutions pour supporter les différentes façons de faire », anticipe-t-il.

Quatrième essai manqué

Jean Vincent, vice-président principal et chef de l’exploitation de l’Union Canadienne, voit difficilement un portail unique voir le jour avec ce nouvel échec. « On en est au quatrième essai manqué. Les courtiers avaient une opportunité unique. J’espère que ce n’est pas la fin du portail unique, mais je ne vois pas comment il pourrait se relever. On va maintenant regarder ce qui se fait sur le marché. On va réajuster notre tir et réévaluer notre stratégie », fait-il remarquer.

Pour sa part, Patricia St-Jean, vice-présidente principale du Québec pour Aviva Canada, souligne que l’assureur continuera à promouvoir son portail Aviva Avantage, lancé il y a deux ans.

« On continue à le développer pour qu’il soit plus facile à utiliser. On augmente aussi l’autorité des courtiers pour qu’ils puissent faire plus de choses à partir du portail et donner une réponse instantanée au client. On doit continuer à trouver des outils pour que les courtiers puissent concurrencer les directs. Pour ce qui est du portail unique, nous allons être prêts à supporter une autre initiative, mais ce ne sera pas à nous de la prendre », dit-elle.

Raymond Delisle, président de Deltek, croit que le portail a toujours sa place dans le marché. Il ajoute que l’interface développée par le RCCAQ pourra être reprise. « Les banques ont mis leur pied à terre pour développer leur système et ont pris le virage plastique. Pourquoi on n’a pas ça? La nouvelle m’attriste, mais on ne dira pas non si un projet de la sorte refait surface. Nous serons toujours prêts à aller de l’avant », souligne-t-il.

M. Delisle affirme que le portail unique devra se réaliser un jour. « La situation est problématique pour les courtiers qui font affaires avec plusieurs assureurs. Ils ne peuvent continuer ainsi. On ne présentera pas un projet de notre côté. On veut laisser l’industrie décider et on va se joindre à toute initiative qui va dans ce sens. Pour le moment, on se concentre à simplifier les interventions sur les écrans des assureurs », lance-t-il.

Karl Greenlaw, président de Brovada Technologies, affirme que le retrait du RCCAQ va l’inciter à être plus agressif au Québec. Sa firme travaille présentement à faciliter la connectivité entre le Groupe Ultima et les principaux assureurs du Québec pour son logiciel de cabinet. Il révèle que le Lussier cabinet d’assurance et services financiers pourrait se greffer au projet. André Lussier, président du Groupe Lussier, a confié au Journal de l’assurance que c’était une possibilité qu’il étudiait.

De son côté, Pat Durepos, PDG de Technologie Keal, croit que BComC Canada n’était peut-être pas prêt à travailler en assurance. « On va maintenant demander au RCCAQ de faire pression auprès des assureurs pour qu’ils fassent la promotion de l’intégration de Warp et de Nexysis. La raison du portail était d’aider les courtiers à être plus efficaces. Il y a plus de bénéfices à utiliser Warp ou Nexysis. Leur utilisation est payée par les assureurs et les courtiers n’ont pas un sou à débourser, ce qui n’aurait pas été le cas de la Centrale », fait-il valoir.

De son côté, Applied Systems entend promouvoir sa plateforme Warp. « Avec l’abandon de la Centrale, nous avons décidé de faire des présentations aux assureurs pour leur montrer ce que Warp peut offrir. Nous avons déjà trois présentations prévues. Pour ce qui est du portail unique, nous n’avons jamais supporté la Centrale. Nous avions déjà supporté un tel projet, autant au Canada avec le Centre d’étude de la pratique d’assurance (CEPA) qu’aux États-Unis avec queleques solutions, et il n’y en jamais eu une qui a marché», mentionne Martin Ouellet, directeur régional des ventes au Canada d’Applied Systems.

Pas d’adhésion massive

Doug Johnston, vice-président au développement des produits chez Applied Systems, ne croit pas que les assureurs vont adhérer massivement à une solution de portail unique. Ils vont plutôt travailler à rendre leurs systèmes accessibles aux courtiers.

« ING, AXA et York sont des de grandes compagnies sophistiquées qui font des millions de transactions. Elles ne vont pas simplement jeter leurs ordinateurs. Pour elles, la meilleure solution qu’il peut y avoir est de permettre aux courtiers d’avoir accès à leurs systèmes et non de remplacer ceux-ci. Ça leur prendrait des années pour le faire et ce serait un processus laborieux que de déplacer des systèmes qui marchent très bien », fait-il remarquer.