Plusieurs assureurs ont mis fin à leurs unités spéciales d’enquête au cours des dernières années. Aviva Canada maintient le sien, avec des résultats probants. Au cours de la dernière année, l’assureur a économisé 8,6 M$ en réclamations frauduleuses.Plusieurs intervenants ont d’ailleurs confié au Journal de l’assurance qu’Aviva Canada possède au Québec un département d’enquête digne de ce nom. Au Canada, l’assureur compte une cinquantaine d’enquêteurs. Une quarantaine sont en Ontario, vu le fort nombre de réclamations frauduleuses liées aux blessures corporelles. Les enquêteurs du Québec tirent tout de même leur épingle du jeu malgré leur nombre plus réduit.

Robert Lamarre et Gilles d’Anjou, deux enquêteurs régionaux employés par Aviva Canada, ont présenté les procédures d’enquête de l’assureur lors d’un séminaire de formation organisé par la firme de repérage Tag. Les deux hommes comptent plus de 30 ans d’expérience en enquête au sein de divers corps policiers.

Les deux ex-policiers soulignent que le phénomène de la fraude à l’assurance n’est pas nouveau. Il sera d’ailleurs toujours présent, selon eux, même s’ils croient que des moyens doivent être pris pour tenter de l’enrayer.

« Aviva Canada croit au combat contre la fraude à l’assurance, dit M. Lamarre. Les gains que l’on génère sont de bons moyens d’économiser pour un assureur. On voit aussi l’implication des courtiers depuis quelques années. Ils font plus de vérifications sur leurs nouveaux clients. Ils s’impliquent davantage. Cela a son importance quand on sait que 55 % des dossiers de fraude auraient pu être détectés au moment de la souscription. Il faut comprendre qu’on enquête sur le risque qui est amené devant nous, pas juste sur le danger d’incendie ou de vol. Si une mauvaise identification du cas est faite, la réclamation frauduleuse va arriver. »

Les deux hommes estiment d’ailleurs que de 15 % à 20 % des dossiers de réclamation sont frauduleux. Malgré cela, plusieurs assureurs ferment les yeux sur le phénomène.

« Plusieurs assureurs ne croient pas au combat contre la fraude à l’assurance. Dans d’autres cas, ils n’ont pas les compétences pour enquêter ou ne s’entourent pas de gens capables de le faire. Ils ne s’engagent donc pas dans cette lutte. Si une compagnie d’assurance vérifie ses réclamations, le fraudeur la quittera. Il s’en ira toutefois vers une compagnie qui ne surveille pas cela », dit-il.

Combattre les réclamations frauduleuses permet aussi de faire diminuer le prix des primes, souligne M. Lamarre. « Certains assureurs craignent que trop enquêter nuise à leur image. Ils ont un rush [une surcharge de travail] et veulent sortir des règlements de réclamations. Ils veulent donner un bon service à la clientèle. On a un peu de difficulté avec cela », dit-il.

M. Lamarre dit que son propre service d’enquête a ses lacunes. Il pointe notamment les centres de collision. « Nous avons une liste de garages problématiques à surveiller. Pourtant, nos experts en sinistres ne la consultent pas toujours. Il y a beaucoup d’énergie à mettre dans la supervision de nos experts pour qu’ils puissent bien détecter des cas potentiellement frauduleux », dit-il.

La concertation avec les autres assureurs est aussi un autre point à améliorer. M. Lamarre dit toutefois voir des percées. Il a confié avoir récemment collaboré avec des gens de Desjardins Assurances sur certains dossiers.

Aviva a aussi durci le ton face aux fraudeurs. L’assureur n’hésite plus à les traduire devant la justice. « Si nous sommes victimes d’une fraude, nous portons plainte à la police et nous allons en cour. Nous démontrons notre sérieux, car ce sont des dossiers que nous portons au criminel », dit-il.

Pour sa part, Gilles d’Anjou souligne qu’il est important que les assureurs prêtent attention au problème, car les corps policiers n’ont plus de ressources à consacrer au phénomène de fraude à l’assurance et au vol automobile. « Il n’y a plus d’expertise au Québec dans les organisations policières à cet effet. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a fermé sa section en 2002, la Sûreté du Québec (SQ) a suivi peu après. Ça n’aide pas les assureurs », dit-il.

M. D’Anjou a aussi révélé que certains assureurs évaluaient la possibilité de créer une banque centrale listant les fraudeurs. « C’est en discussion », s’est-il limité à dire.

André Boulay, vice-président de Tag, souligne que d’autres industries ont établi une concertation pour combattre la fraude. « Les compagnies de crédit partagent cette information entre elles. Elles s’appellent aussitôt qu’elles détectent un cas de fraude provenant d’un client d’un concessionnaire automobile. Ce n’est pas le cas en assurance », dit-il.