Les nouvelles règles fiscales ont forcé les assureurs vie à se tourner vers l’assurance vie temporaire en 2017. Ceux-ci assurent toutefois qu’ils ne vendent pas le produit à perte.

Le mois dernier, le Journal de l’assurance a dévoilé les chiffres de vente de l’industrie au troisième trimestre de 2017, tels que comptabilisés par la firme de recherche LIMRA. Ce sont ainsi 57 % des polices vendues au Canada qui sont de l’assurance temporaire, contre 27 % pour la vie entière et 15 % pour la vie universelle.

Les produits d’assurance vie temporaire affichaient aussi la valeur nominale la plus élevée. Celle-ci se situait à 461 280 $, comparativement à 298 828 $ pour l’assurance vie universelle et à 201 925 $ pour l’assurance vie entière. Pour l’ensemble de l’exercice 2017, il s’est ainsi vendu 415 011 polices temporaires, associé à une valeur moyenne de 462 000 $, a révélé LIMRA au Journal de l’assurance.

Selon les chiffres du quatrième trimestre établis par LIMRA, les produits temporaires 10 ans (T10) représentent 41 % des produits vendus dans cette catégorie. Les produits d’assurance temporaire 20 ans (T20) ont représenté 37 % du marché en 2017, tandis que tous les autres produits d’assurance temporaire – regroupés dans la catégorie Autres –constituaient 22 % du total. LIMRA calcule que 63 % des primes d’assurance temporaire versées au Canada proviennent de courtiers indépendants, et que 33 % sont le fait d’agents affiliés, les 4 % qui restent étant issus de ventes directes.

Les modifications des règles d’exonération fiscale concernant l’utilisation des polices permanentes en planification fiscale et successorale sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017. Le tout a eu un impact significatif sur le chiffre d’affaires, les conseillers comme les clients s’étant alors empressés de se procurer ces polices avant la date limite. Il en a résulté un sursaut des ventes, qui ont ensuite fortement diminué au deuxième trimestre de 2017.

Une année à part

Katrina Lee-Kwen, première vice-présidente, solutions d’assurance, de Great-West Compagnie d’assurance vie, London Life et Canada-Vie, souligne que 2017 a été une année particulière en termes de vente d’assurance vie. « Nous constatons indubitablement que les ventes d’assurance vie temporaire surpassent celles de l’assurance vie universelle et de l’assurance vie entière. La modification des règles d’exonération fiscale a eu une incidence importante sur les souscriptions d’assurance vie avec participation et d’assurance vie universelle en 2016 et 2017. »

Elle ajoute que les changements proposés par le gouvernement fédéral à la Loi de l’impôt sur le revenu ont suscité beaucoup d’incertitude. Si bien que de nombreux clients et leurs comptables n’étaient pas disposés à s’engager dans une solution permanente tant que le budget n’aurait pas été déposé et qu’une partie de ces inquiétudes n’aurait pas été éliminée. « Au fur et à mesure que l’impact de ces changements se stabilisera, il sera intéressant de voir comment la croissance de ces catégories de produits évoluera dans les années à venir », dit Mme Lee-Kwen.

Du côté de l’assurance vie temporaire, Great-West affirme que les couvertures d’une durée de 10 ans sont les plus vendues de cette catégorie, à un ratio d’environ 2 pour 1 par rapport à ses assurances temporaires 20 ans. À la Financière Manuvie, les produits temporaires 10 ans et 20 ans se vendent tout aussi bien, tandis qu’iA Groupe financier souligne que ce sont les 20 ans qui ont tendance à être les plus recherchées.

Produit moins lucratif

Les couvertures temporaires et de plus courte durée ne soient pas aussi lucratives pour les compagnies. Pour le prouver, il n’y a qu’à comparer les primes annualisées de chaque produit. En 2016, elles ont totalisé plus d’un milliard de dollars pour la vie entière. En 2017, ce chiffre est de 857 millions de dollars (M$). Pour l’assurance vie temporaire, on parle plus tôt de 369 M$ pour toute l’année 2017.

Les assureurs affirment néanmoins que leurs produits temporaires ne sont pas vendus à perte, à la manière d’un loss leader. « Nous croyons qu’il est très important de proposer une avenue abordable répondant aux besoins de nos clients et d’instaurer sans tarder une relation avec eux, explique Katrina Lee-Kwen. Avec le temps qui passe, il y aura des occasions de modifier le produit et d’en vendre de nouveaux, ce qui crée beaucoup de valeur pour notre entreprise. »

Pour les conseillers, c’est une bonne façon de constituer un bloc de clients qui pourraient avoir besoin un jour d’une plus grande couverture, dit Alex Lucas, vice-président principal et chef de l’assurance de Manuvie. Les compagnies affirment aussi que les prix du marché de l’assurance temporaire se sont stabilisés.

« On ne voit pas le niveau de concurrence par les prix que nous avons connus dans le passé, reconnait M. Lucas. Les entreprises essaient de se différencier par l’expérience offerte, l’aisance avec laquelle la transaction s’effectue et les diverses caractéristiques du produit. »

Guerre de prix

Il n’est pas évident de savoir si l’assureur fait de l’argent en vendant une T10, nuance Louis-Charles Leclerc, directeur, produits d’assurance, d’iA Groupe financier. « Ce n’est pas un produit dont on peut se permettre de diminuer la prime encore et encore. Je ne vois pas beaucoup d’assureurs baisser le prix de leur T10. Toutefois, du côté de la T20 et des assurances de plus longue durée, on constate que la guerre des prix se poursuit. Ça se calme un peu et c’est moins agressif qu’avant. Il se fait à nouveau des changements de prix en ce moment même sur le marché de la T20 et des polices de plus longue durée. »

Les compagnies d’assurance soutiennent aussi qu’il s’exerce une concurrence croissante du côté de la vente des produits de plus longue durée, tout en expliquant qu’elle est quelque peu atténuée par les prix des produits. « Les couvertures de plus longue durée, comme la temporaire 30 ans, connaissent une certaine croissance. Or, plus longue est la couverture, plus la prime est élevée, rappelle Alex Lucas. Cela rend le produit moins accessible et réduit l’écart de prix par rapport à une couverture permanente. »

Situation semblable aux États-Unis

Bien que les chiffres de LIMRA n’étudient pas l’identité des acheteurs de produits, il est intéressant de mentionner que les compagnies affirment que la plupart de leurs polices d’assurance vie temporaire sont achetées par des consommateurs de moins de 45 ans. Ce constat reflète aussi ce que l’on voit du côté des demandes de souscription présentées aux États-Unis où, dans l’ensemble, elles proviennent de clients âgés de 0 à 44 ans.

Selon l’indice MIB Life Index de 2017, 55,2 % des demandes d’assurance vie individuelle aux États-Unis ont été présentées par des clients de moins de 44 ans. Les demandes des personnes âgées de 45 à 59 ans ont diminué de 0,6 %, passant à 27 % des demandes, tandis que les 17,8 % restants provenaient de clients de plus de 60 ans.

« Le groupe d’âge des moins de 45 ans représente le plus grand pourcentage de l’indice d’assurance vie et il est en hausse, affirme Lee Oliphant, président et directeur général de MIB. Le groupe des moins de 45 ans augmente lentement quant au pourcentage de l’ensemble des demandes. Depuis plusieurs années, c’est le groupe d’âge le plus solide. »

M. Oliphant dit croire que l’industrie continue de s’intéresser à l’incroyable sous-assurance qui règne sur le marché en raison de ce groupe d’âge. Elle continue de travailler pour améliorer la souscription accélérée et l’analyse prévisionnelle, ajoute-t-il.

Investir pour réduire le temps nécessaire à l’émission d’une police

« Dans la mesure où l’industrie peut raccourcir le temps nécessaire à l’émission des polices, il y aura de plus en plus de polices en circulation et de ventes, si on parle de façon générale. Je pense que l’industrie continuera d’investir en vue de réduire le temps nécessaire pour sortir une police. Elle le fait déjà de plusieurs manières », dit-il.

Bien que le produit demeure essentiellement le même, les assureurs canadiens affirment que l’assurance temporaire a quand même quelque peu évolué sur notre marché. Manuvie indique que son programme de récompenses Vitalité constitue une nouvelle façon pour les conseillers d’échanger avec leurs clients. De nouveaux avenants consentant une réduction de primes au renouvellement sont aussi offerts par des compagnies comme Great-West.

« On assiste à beaucoup de changements dans la façon dont les produits temporaires sont obtenus, notamment grâce à la souscription accélérée, fait remarquer Katrina Lee-Kwen. On voit les entreprises faire évoluer l’expérience client, en vue d’offrir une valeur ajoutée en matière de service à la clientèle, de facilité et de commodité. »