En réponse à la consultation lancée par l’Autorité des marchés financiers, la Chambre de la sécurité financière (CSF) déposera au début d’avril un mémoire dans lequel elle se proposera comme l’organisme d’autoréglementation (OAR) des cabinets en épargne collective au Québec.La consultation lancée par l’Autorité s’inscrit dans le cadre d’une réforme pancanadienne qui vise à harmoniser les règlements qui régissent les valeurs mobilières au Canada. Elle porte le numéro 31-103. La consultation se poursuit jusqu’au 20 juin. Elle vise à recueillir les opinions de l’industrie sur la réforme. Les régulateurs canadiens visent à enclencher la réforme du régime de l’inscription au deuxième trimestre de l’année 2008. Le Journal de l’assurance avait dévoilé les grandes lignes du projet dans son édition de novembre/décembre.

Cette vaste réforme touche aussi le mode d’encadrement des cabinets en épargne collective au Québec. Or, l’harmonisation de la réglementation au Canada risque d’engendrer une mainmise du Mutual Fund Dealer Association (MFDA) sur les cabinets au Québec. On en compte une centaine au Québec.

C’est précisément pour cette raison qu’une autre consultation a lieu en marge de celle sur la réforme du régime de l’inscription. Elle porte spécifiquement sur l’encadrement du secteur de l’épargne collective au Québec et se termine le 23 avril.

Au Canada anglais, le MFDA est l’OAR qui supervise les cabinets et les conseillers en épargne collective. Au Québec, ce rôle est divisé entre l’Autorité, qui supervise les cabinets en épargne collective, et la CSF qui régit les représentants en épargne collective.

En vue d’harmoniser le secteur québécois avec le reste du Canada, l’Autorité propose trois scénarios pour mettre en place un OAR sectoriel. Le premier donne juridiction exclusive au MFDA. Le second va dans la même veine, mais la CSF superviserait les représentants. Un troisième scénario donnerait la juridiction du secteur à la Chambre de la sécurité financière.

Trois grands principes

« Nous avons levé la main pour dire à l’Autorité que nous voulons faire partie de la solution, a révélé au Journal de l’assurance Luc Labelle, vice-président exécutif de la CSF. Nous sommes bien enracinés au Québec et nous faisons déjà l’encadrement des 23 000 conseillers en épargne collective de la province. Nous avons déjà une expertise dans ce domaine. Nous voulons promouvoir cette option et trouver une façon de l’articuler pour que l’industrie québécoise en sorte gagnante. »

La CSF appuie sa démarche autour de trois grands principes: l’harmonisation des règles pancanadiennes, une structure de coûts comparable à celle des autres provinces, et la nécessité d’avoir un centre décisionnel proche. « Le dernier point est crucial, fait remarquer M. Labelle. Les cabinets québécois veulent un centre décisionnel près d’eux pour avoir accès à la gouvernance. Si l’OAR est au Québec, elle sera accessible aux petits cabinets du Québec ainsi qu’aux cabinets pancanadiens dont le siège social est au Québec. »

La mainmise d’un OAR du Québec sur les cabinets au Québec est d’autant plus importante, dit M. Labelle, que c’est la seule façon d’intervenir dans l’évolution future de la réglementation.

Du côté de l’Autorité, on n’envisage pas le statut quo et on désire mettre en place un OAR. « Nous pensons qu’il y a des avantages à avoir un OAR pour les firmes, car il permettrait de faire une mise à jour plus rapide compte tenu de leurs besoins. On ne peut toujours pas dire si c’est le MFDA qui va les régir. Dans notre esprit, le MFDA a la compétence et les outils pour le faire. Quelle forme ça peut prendre en bout de ligne? Ça reste à voir. Ce qu’on veut, c’est qu’un OAR prenne la responsabilité des firmes », spécifie Daniel Laurion, directeur général des mandats spéciaux à l’Autorité.

MFDA

Pour Luc Labelle, faire appel au MFDA est l’option la plus facile pour les régulateurs, mais pas la plus souhaitable. « Tout serait uniformisé. Nous n’aurions pas de centre décisionnel au Québec. Si le but du règlement 31-103 est d’éviter la mise en place d’une commission des valeurs mobilières nationale unique, comme le propose le gouvernement canadien et celui de l’Ontario, il ne faudrait donc pas en arriver là au niveau des OAR en épargne collective, avertit-il.

M. Labelle ne voit cependant pas de problème à travailler en partenariat avec le MFDA. « Notre proposition impliquera d’ailleurs un très haut niveau de partenariat avec le MFDA, avec qui nous avons commencé à discuter. Au début, la CSF épouserait les règles du MFDA selon un modèle commun. Les deux OAR devraient ensuite s’entendre pour faire évoluer ces règles », indique-t-il.

Tout changement au niveau de la réglementation au Québec comme au Canada serait alors avalisé par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, défend la CSF.

On craint Toronto

Chez Force Financière Excel, on se questionne aussi sur le rôle que pourrait avoir le MFDA. « Si tout est fait à partir de Toronto sans spécificité pour le Québec, ça pourrait être défavorable. Le MFDA ne gère pas comme l’Autorité. Il ne connaît peut-être pas autant le marché québécois », soulignent James McMahon et Normand Morin, respectivement PDG et directeur des investissements chez Force Financière Excel.

Pour Pierre Hamel, président du Conseil des fonds d’investissements du Québec, avoir recours au MFDA pour encadrer l’épargne collective au Québec n’est pas la solution souhaitée.

« Le MFDA est une barrière à l’entrée des nouveaux cabinets. Les petits se vendent entre eux ou fusionnent. C’est très difficile pour eux. Il faudra aussi voir la réaction du ministre si le MFDA rentre au Québec », fait-il remarquer.

Pour l’instant, le CFIQ se questionne à savoir de quel côté il va pencher en ce qui concerne la réforme dans son ensemble. Malgré la surprise causée par l’ampleur du champ couvert par la réforme, M. Hamel dit ne pas être réticent au changement. La rapidité des changements aux lois essouffle cependant l’industrie, défend-il.

« Nous mettons en place des comités pour évaluer le projet. Ce qui nous étonne, c’est que le projet de réforme ne vise pas que le gérant de fonds, mais l’ensemble de la distribution », lance M. Hamel. Or, ajoute-t-il, les scandales qui ont frappé l’industrie financière n’étaient pas reliés à des problèmes de distribution.