Après avoir brusquement quitté le marché québécois de l'assurance vie au printemps 2007, Co-operators y revient en force. L'assureur ouvrira ainsi cinq agences au Québec en 2010 qui se joindront aux deux démarrées en juin dernier dans l'Outaouais. En offrant vie et IARD dans ses agences, Co-operators souhaite attacher sa clientèle dans une relation multi produits.C'est ce qu'ont révélé Martin-Éric Tremblay, premier vice-président et chef de la direction de Co-operators au Québec, et Patrick Ratté, vice-président marketing et communications externes, en entrevue au Journal de l'assurance.

Les prochaines agences seront lancées dans le West Island, sur l'île de Montréal. « C'est un endroit que les assureurs à courtage québécois ont toujours eu de la difficulté à pénétrer. Nos courtiers de L'Union Canadienne n'y sont pas présents et il y a assez de potentiel pour pouvoir y développer nos agences », dit M. Tremblay.

Deux agences seront lancées au début de 2010. À la fin de 2010, Co-operators comptera sept agences au Québec. M. Tremblay avait préalablement confié en juin 2009 à FlashFinance.ca, une publication-sœur du Journal de l'assurance, que Co-operators comptait avoir 30 agences au Québec d'ici 2015.

« Pour en faire une réussite, on doit y aller graduellement. Nos agents ont débuté avec des polices IARD auto et habitation. Maintenant, ils vendent de l'assurance vie. Nos agents sont des coordonnateurs d'agences et ils comptent sur l'appui d'associés. Nous avons deux agents en place, qui doivent avoir le double permis, et quatre associés, qui sont des spécialistes en IARD ou en vie, dans nos deux agences », explique M. Tremblay.

Depuis son retour au Québec il y a deux ans, à la tête des activités de Co-operators dans la province, M. Tremblay travaille à mettre en place ce réseau d'agences, une partie importante de son plan stratégique 2008-2015. Toutefois, le modèle d'agents de Co-operators ne ressemble pas à ceux qu'on trouve chez les autres assureurs IARD ou vie.

Au Canada anglais, Co-operators recrute des gens qui ont un bagage d'assurance vie et de sécurité financière, jumelé à une expérience en assurance des entreprises. « Ce sont des gens qui sont très présents dans leur communauté. C'est le modèle qu'on va graduellement intégrer au Québec, qui fait en sorte que l'agent peut rencontrer des chefs d'entreprise dans sa communauté, offrir l'assurance aux entreprises et ensuite l'assurance collective. Ce genre de démarche peut nous positionner et nous distinguer », affirme M. Ratté.

L'assurance vie est toutefois au cœur du nouveau modèle de distribution multiproduit de Co-operators. L'assureur offre ainsi dans ses agences une gamme complète de produits comprenant entre autres la vie universelle, l'assurance temporaire, les maladies graves, l'assurance voyage, les soins de longue durée et l'invalidité.

Ouvreur de portes

« L'assurance vie sert davantage que l'assurance de dommages à ouvrir des portes. Les gens sont beaucoup plus sensibles à tout ce qui touche leur vie personnelle et leur patrimoine familial qu'à leur voiture ou leur habitation. Depuis les dix dernières années, beaucoup de joueurs se sont attaqués au marché IARD. C'est devenu un produit de commodité. Si on se présente plus au niveau de l'assurance vie et du patrimoine, c'est mieux au niveau relationnel », dit M. Ratté.

Un des principaux défis de Co-operators est de recruter des gens possédant un double permis en assurance vie et en assurance de dommages. En 2007, il s'agissait d'une denrée rare avec seulement 700 doubles titulaires de permis.

« Ça demeure une denrée rare, affirme Patrick Ratté. En Ontario, c'est beaucoup plus facile d'aller chercher les deux permis, car ça ne prend pas un certificat collégial comme au Québec. Notre défi est donc de bien encadrer notre talent. On exige qu'ils aient un permis en commençant et on les encadre ensuite pour les aider à avoir leur deuxième permis », dit-il.

Avant de lancer ses deux premières agences en juin, Co-operators a mis en place un centre d'expertise dans lequel sont regroupés tous les services administratifs de l'assureur au Québec, tels que les finances, la technologie, les ressources humaines et l'actuariat entre autres. Ensuite, l'assureur a eu les coudées franches pour mettre en place ses premières agences au Québec à Gatineau et Aylmer.

« Partant de zéro, ça nous a pris une bonne année pour préparer les premières agences, le temps de créer les systèmes et autres. On a utilisé le savoir de Co-operators à l'extérieur du Québec, qui compte près de 480 agences. On ne voulait pas réinventer la roue. Il a fallu adapter la manière de faire de Co-operators dans les autres provinces à la réalité québécoise », dit M. Tremblay.

Les gens de Co-operators au Québec ont dû franciser de nombreux documents, adapter le modèle d'agence à la réglementation québécoise et au marché existant. « Notre patrimoine au Québec, c'est le réseau de courtage IARD. On devait en tenir compte », dit M. Tremblay.

Co-operators a décidé d'entreprendre l'implantation de ses agences en Outaouais puisque l'assureur compte déjà une vingtaine d'agences à Ottawa. Co-operators est bien connu dans cette région, ce qui facilite les efforts de marketing. De plus, l'assureur n'avait pas de courtiers faisant affaire avec lui dans cette région. « Les conflits inter-réseaux ont été minimisés et c'est une philosophie qu'on veut garder tout au long de l'expansion de nos agences au Québec. Notre stratégie est de croitre partout au Québec, mais pas au détriment d'un autre réseau », dit M. Ratté.

Co-operators misera beaucoup sur les relations de ses agents dans leur communauté. « L'agent utilisera la bonne vieille recette de se déplacer le soir pour voir des familles et parler d'assurance vie. Il pourra aussi faire de l'assurance auto et de l'habitation. Ce ne sera pas l'inverse. Il ne fera pas de la sollicitation téléphonique pour donner des soumissions auto et habitation. Notre modèle fige la relation avec la clientèle et la façon d'y arriver, c'est par le multiproduits », dit M. Ratté.

Toutes les raisons sont bonnes pour maintenir le contact avec le client, ajoute M. Ratté. « Par exemple, l'agent fera les inspections, ce qu'un courtier ne fait pas. Au-delà du risque à apprécier, il y a la relation client à développer. Par la même occasion, le client peut faire des recommandations. On provoquera ce genre de déplacement, que ce soit pour une inspection ou la vente d'assurance vie », dit-il.

Chef d'entreprise

À terme, l'agent principal, qui est aussi le directeur de l'agence, deviendra le gestionnaire de celle-ci. « Après trois ans, nous voulons que nos directeurs d'agences deviennent autonomes et gèrent eux-mêmes celles-ci, comme un chef d'entreprise. Dès qu'il génère plus de revenus que son salaire, on le laisse aller. Notre modèle au Canada fait en sorte qu'en moyenne un cabinet réalise 3,5 millions de dollars de primes, ce qui génère des commissions de 500 000 $ au directeur. Il deviendra un employeur et il devra se débrouiller avec les 500 000 $. Il peut tirer de bons bénéfices », assure M. Ratté.

Martin-Éric Tremblay affirme que ce modèle connait beaucoup de succès ailleurs au pays. « Nos 50 meilleurs agents réussissent aussi bien que nos 50 meilleurs courtiers. Toutefois, dans leur cas, l'assurance vie leur permet de cautionner l'assurance IARD. Leur conducteur est vraiment l'assurance vie. Un agent qui fait juste de l'IARD ne peut réussir autant qu'un agent qui vend aussi de l'assurance vie. C'est pourquoi l'accent est mis sur l'assurance vie », dit-il.

L'agent directeur signe ainsi un contrat de trois ans avec Co-operators. « S'il n'a pas atteint ses objectifs pour devenir autonome au bout de cette période, mais qu'on observe une progression, on le garde. Sinon, on le déplace. Il doit devenir autonome. D'ailleurs, la plupart ne prennent pas trois ans pour devenir autonome. Ailleurs au Canada, on en a vu qui sont devenus autonomes en huit mois. L'agence est stratégiquement implantée dans une communauté. On ne peut toutefois pas le laisser aller seul au début, car l'investissement est trop important », dit M. Tremblay.

Le chef de la direction de Co-operators au Québec ajoute que le ratio d'affaires des agents de l'assureur au Canada est de 30 à 35 % en vie et de 60 à 65 % en IARD. Le volume IARD comprend toutefois l'assurance des entreprises et l'assurance agricole, qui génèrent des primes importantes. Autre donnée importante, 15 % des clients des 480 agents Co-operators du Canada sont multidisciplinaires et détiennent des produits des trois segments de l'assureur. De plus, 35 % ont des produits dans deux segments d'affaires.

Après s'être retiré du marché de l'assurance vie au printemps 2007, Co-operators s'est donné des objectifs modestes pour son retour dans ce segment. « Pour le moment, on veut que chacun de nos agents du Québec signe une nouvelle affaire par semaine. On relance Co-operators Vie et nos agents doivent bien comprendre nos produits. Pour le moment, on est en lien avec notre objectif. Au fur et à mesure que nos agents vont se familiariser avec le tout, nos objectifs vont être haussés significativement. On se doit de créer un processus efficace, intéressant financièrement », dit M. Tremblay.

Objectif principal

L'objectif principal de Co-operators est de créer une relation à long terme avec le client et de favoriser la rétention. « On a tiré une leçon du virage que les courtiers IARD ont pris au cours des dernières années. Certains se sont concentrés uniquement en IARD. D'autres ont ajouté la vie à leur gamme de produits. Ceux qui se sont concentrés sur les nouvelles affaires ont un peu oublié la relation avec le client. Le potentiel de développement du dossier du client n'est alors pas développé. La spécialisation et la recherche de nouvelles affaires ont fait que beaucoup de courtiers n'ont pas pris le temps de remplir complètement le dossier de leur client », dit M. Tremblay.

Il ajoute avoir tiré un autre enseignement des courtiers IARD du Québec. « Beaucoup de courtiers IARD se sont aussi lancés dans les nouvelles affaires. Quand on demande à certains s'ils ont parlé au client lors du renouvellement, ils nous répondent qu'ils n'ont pas le temps. Ils doivent pourtant le faire. Les directs le font et ils ont un taux de rétention moyen de 93 %. Dans le courtage, ça varie entre 85 et 90 %. Il faut créer de nouvelles relations. Ça a un coût de départ, mais c'est payant », dit-il

Co-operators maintient son objectif de doubler sa part de marché au Québec en IARD au cours des prochaines années. « La mise en place des agences est le premier point pour réaliser cet objectif et on travaille avec nos sept membres propriétaires à cet effet. On veut mettre au point une solution Internet et un centre d'appels avec une stratégie pour faire revenir certains clients vers le courtage. Un frein a été mis au développement de l'assurance collective. Le programme doit être francisé et certains points doivent être améliorés. L'assureur cherche aussi à faire des affaires avec un tiers administrateur », dit M. Tremblay.

M. Tremblay dit aussi que la réaction des courtiers a été bonne face à la mise en place des agences. « C'est sûr qu'il ont vu un nouveau compétiteur au départ, mais ils ont eu une bonne réaction, surtout qu'on ne s'attaque pas à des territoires où ils sont présents. Beaucoup nous ont d'ailleurs demandé pourquoi on ne l'a pas fait avant. On est les derniers ici à faire les deux segments, mais nous sommes pourtant l'assureur qui a la plus grande expertise à ce niveau », dit-il.

Par ailleurs, plusieurs initiatives seront poursuivies pour L'Union Canadienne, dont celle en assurance agricole. Une douzaine de courtiers ont participé à un projet pilote de l'assureur depuis janvier, qui a connu du succès. « On songe ainsi à une deuxième phase. Toutefois, on ne veut pas détruire le marché. On veut aller chercher une certaine part de marché, mais on ne veut pas 80 % de celui-ci au Québec. On ne veut pas se lancer dans une guerre de prix, car c'est un marché qui peut devenir non-profitable très rapidement », dit Patrick Ratté.

Co-operators veut aussi faire de L'Union Canadienne l'assureur de choix des courtiers, particulièrement en assurance aux entreprises. « En assurance des particuliers, notre objectif est de maintenir notre part de marché. On veut aussi valoriser le rôle du courtier avec les clients. Nous avons des courtiers VIP et nous sommes à l'écoute de solutions de concentration si c'est ce que le courtier envisage. On n'oblige à rien. On croit encore à la valeur du courtage, notamment en assurance des entreprises et dans certaines niches en assurance des particuliers », précise M. Ratté.

Respecter le client

M. Tremblay ajoute que les courtiers doivent respecter le désir du client. « Le client doit pouvoir choisir entre le courtier et le direct. Le client veut que le courtier lui donne le choix de magasiner avec lui. C'est quelque chose que le courtier doit respecter, ce qui n'a peut-être pas été assez fait dans le passé », dit-il.

Le rôle de L'Union Canadienne est ainsi de bien faire connaitre son offre auprès du courtier. « L'entente que nous avons signée avec Repérage Boomerang est une façon simple de retenir la clientèle. Oui, il y a un coût, mais au lieu de miser sur 56 projets, on mise sur des projets qui enrichissent l'offre du courtier. C'est d'ailleurs ce qu'on a fait avec notre programme pour les restaurateurs et ça a bien fonctionné. L'expertise est déjà existante chez Co-operators et on va piger dans le panier. C'est ce qu'on a fait pour l'assurance agricole », dit Patrick Ratté.