Des courtiers d’assurance de dommages du Québec croient qu’ils peuvent récupérer les parts de marchés perdues aux mains des assureurs directs. Ceux-ci sont cependant conscients que ce revirement ne se fera pas du jour au lendemain.C’est par leur dynamisme et par un bon service à la clientèle que les cabinets qui ont participé au Top 30 2007 du Journal de l’assurance pensent qu’ils vont contrer les directs.

Bernard Provost, président du Groupe Daigneault, Provost, Joly et Lebrun (DPJL), croit que les courtiers n’ont qu’à appliquer des choses toutes simples pour contrer les directs. Il suffit d’être près de ses assurés et d’agir en professionnel.

« C’est bien beau le téléphone, mais ce n’est jamais la même personne qui te répond d’une fois à l’autre. Les directs prennent pourtant des parts de marchés aux courtiers avec cette recette. Moi, j’augmente les miennes. Même avant les acquisitions que nous avons réalisées en 2006, notre progression du chiffre d’affaires était de 3 %. C’est en grande partie grâce à nos employés heureux. Les gens aiment voir ça. C’est une vieille recette. Je suis courtier depuis 1979 et j’ai toujours eu une armoire au trésor dans mon bureau. Elle contient des jouets. Quand les clients viennent avec leurs enfants, ils jouent dans mon bureau, ce que les clients apprécient beaucoup. Ce sont des méthodes simples à appliquer », affirme-t-il.

Le dynamisme du courtier doit aussi se répercuter dans son milieu selon M. Provost. « On a qu’à prendre l’exemple des Caisses populaires Desjardins. Elles participent beaucoup à la vie de la communauté et donnent à tout le monde. Je fais exactement la même chose. Ce ne sont pas des affaires savantes qu’il faut faire. Il s’agit simplement de respecter les gens et d’être honnête envers eux et envers ses fournisseurs », soutient-il.

Yves Lapointe, du cabinet Bussière, Cauchon, Gagnon & associés, croit que les parts perdues aux mains des directs peuvent être récupérées. « C’est un travail qui prendra quelques années. Il nous faut solliciter à nouveau les clients perdus aux mains des directs et leur faire une offre de service », indique-t-il.

Pierre Boisvert, président d’AssurExperts, croit aussi que les courtiers doivent solliciter des clients. Il pense même que les courtiers devraient utiliser les mêmes méthodes que les assureurs directs.

« Comme exemple, les assureurs directs ont des centrales de télévente. Nous faisons la même chose, mais à une plus petite échelle. Les directs ont réussi en appelant des gens. Traditionnellement, les courtiers attendent l’appel du client. Il y a donc deux choses à faire. Provoquer les appels sortants et provoquer les créneaux de marché. Si on veut assurer des propriétaires de maisons de 500 000 $ et plus, il faut cibler dans quels quartiers on trouve de telles maisons. Ensuite, on leur téléphone ou on fait du publipostage. Les courtiers n’ont pas d’affaires à laisser aller des parts de marché », lance-t-il.

Sylvie Forget, vice-présidente administration chez B.F. Lorenzetti & associés, croit que les courtiers peuvent récupérer des parts de marché en offrant un service transparent. « Les parts perdues aux mains des assureurs directs peuvent être récupérées dans le cas des clients qui ne magasinent pas que la prime. C’est en pratiquant de façon transparente pour rétablir les liens de confiance entre le client et le courtier qu’on y arrivera. C’est en grande partie sur ce lien de confiance que peut se bâtir la valeur ajoutée d’un courtier aux yeux d’un client », estime-t-elle.

Pierre Thibodeau, du cabinet MP2B, croit que les assureurs ont un rôle à jouer pour que les courtiers puissent freiner la montée des assureurs directs, surtout en assurance des particuliers. « Il faut absolument que nos assureurs soient très agressifs, afin que nos tarifs soient plus compétitifs. Il faut espérer que les directs montrent suffisamment de pertes pour être plus juste à la tarification », laisse-t-il entendre.

Certains propriétaires de cabinets sont cependant plus pessimistes. Martin Avard, du Groupe DPA Assurances, voit difficilement le courtage reprendre des parts de marché aux directs. « Au mieux, les cabinets de courtage les plus performants et les plus professionnels pourront arrêter l’effritement des parts de marché en faisant l’acquisition des cabinets qui décroissent. Les directs sont là pour rester. Les meilleurs courtiers aussi », fait-il valoir.

Robert Beauchamp, président d’Invessa, ne croit pas que le courtage récupérera les parts de marché perdues aux mains des directs à court et à moyen terme.

« Le fossé va même se creuser au bénéfice des assureurs directs, considérant l’inaction de plusieurs cabinets de courtage, qui seront vendus au cours des prochaines années. Lorsque la consolidation sera terminée et que le réseau de courtage de façon globale sera en mode proactif et dynamique, les parts de marché reviendront aux bénéfices du réseau », avance-t-il.

Selon M. Beauchamp, le consommateur devra prendre lui-même conscience des risques à transiger avec un assureur direct. Il estime que ceux-ci le feront à travers les années.

« En faisant affaire avec un direct, le client est seul au monde face à l’assureur. Il n’a aucun support ou expertise pour y faire face. Le courtier agit comme un avocat pour le client et peut prendre sa part. Faire affaire avec un assureur direct est un degré de risque que le client doit expérimenter. C’est comme toucher à un rond de poêle. Tant que tu n’y as pas touché, tu ne sais pas jusqu’à quel point ça peut brûler. Entre-temps, seuls les cabinets de courtage dynamiques, solidement établis, avec une stratégie d’affaires bien définie et un bon pouvoir d’achat pourront récupérer les parts de marché perdues au cours des dernières années », dit-il.

De son côté, Claude Laneuville, contrôleur du service administratif chez Inovesco, croit que les courtiers devront partager et unir leurs forces pour prendre leur place dans le marché en tant qu’intermédiaire.

« Le milieu du courtage doit être plus solidaire. Si on voit qu’un courtier fait mieux que les autres dans un domaine, il faut l’amener à partager sa recette pour que tous les courtiers puissent l’utiliser. Le tout doit servir à avoir un ensemble plus fort », dit-il.