Au cours des cinq dernières années, les inspecteurs de la Chambre d'assurance de dommages ont mené près de 1 000 inspections dans des cabinets de courtage d'assurance et d'expertise en règlement de sinistres. Après analyse, l'organisme d'autorèglementation en est venu à une conclusion étonnante : près du quart des cabinets de courtage présentent des lacunes lors du renouvellement des contrats d'assurance des particuliers.C'est ce qu'ont révélé Maya Raic, PDG, et Nadine Martin, avocate aux affaires institutionnelles et responsable de la conformité des pratiques, en entrevue au Journal de l'assurance. Les deux femmes ont présenté les résultats des analyses menées à la suite des inspections.
La Chambre a reçu le mandat de l'Autorité des marchés financiers d'inspecter les cabinets de 24 représentants et moins il y a cinq ans. Ainsi, du 1er mai 2005 au 30 avril 2010, les inspecteurs de la Chambre ont réalisé 986 inspections, soit environ 200 par année.
De ce nombre, 719 cabinets de courtage ont été visités, ainsi que 43 succursales de ces cabinets. Par la suite, 114 de ces cabinets ont été revus pour une visite de conformité. Par ailleurs, 98 cabinets d'expertise en règlement de sinistres ont été visités, dont 7 de leurs succursales. Cinq d'entre eux ont ensuite reçu les inspecteurs de la Chambre pour une visite de conformité.
Lors du passage des inspecteurs, 30 points sont à l'étude, en lien avec le profil du cabinet, sa certification, ses obligations légales, sa tenue de livres et ses procédures, entre autres.
Dans les cabinets de courtage, ce sont 3 697 lacunes qui ont été constatées, pour une moyenne de 4,6 lacunes par cabinet. La plus fréquente a trait au renouvellement des contrats d'assurance des particuliers.
Chez les cabinets d'expertise en règlement de sinistres, 350 lacunes ont été identifiées. Il s'agit d'une moyenne de 3,3 lacunes par cabinet.

Conformité plus difficile pour les petits cabinets
La taille des cabinets de courtage au Québec rend difficile le respect des normes de conformité. Selon les données compilées par la Chambre de l’assurance de dommages, 60 % des cabinets de courtage au Québec ont deux représentants ou moins. Ces cabinets n’ont donc pas les moyens d’embaucher une personne responsable de la conformité.
« L’inspection devient ainsi une occasion pour le cabinet de recevoir de l’aide en matière de conformité, dit Nadine Martin. Nous sommes très bien accueillis lors des inspections. On voit qu’il y a une volonté de se conformer. Ce sont les outils qui ne sont pas nécessairement là. La visite des inspecteurs vient combler ce vide. »
L’avocate ajoute que les inspecteurs de la Chambre ont une vaste expérience dans le domaine. « Nos trois inspecteurs sont des experts reconnus. L’un d’entre eux a dirigé son propre cabinet de courtage pendant de nombreuses années », dit-elle.
Maya Raic ajoute que l’inspection demeure préventive. Lorsque des éléments non conformes y sont relevés, le cabinet dispose d’une certaine période pour corriger la situation, qui varie selon l’infraction commise.
Néanmoins, sur les cinq dernières années, 120 fautes plus graves ont été dénoncées à l’Autorité des marchés financiers pour une ou plusieurs déficiences majeures. La plupart des cas plus graves relevés avaient trait à une pratique illégale. La Chambre a aussi dû dénoncer des cabinets n’ayant pas de compte séparé ou n’ayant pas d’assurance responsabilité professionnelle.
La Chambre a aussi référé à l’Autorité 74 cabinets de courtage qui n’ont pas apporté les correctifs nécessaires à la suite d’une inspection ou qui ont refusé de le faire. Quatre cabinets d’expertise en règlement de sinistre ont aussi été référés au régulateur.

Renouvellements déficients
Ainsi, les inspecteurs de la Chambre ont constaté que 25 % des cabinets doivent améliorer leurs pratiques lors du renouvellement du contrat du client en assurance des particuliers. Pour les grands cabinets, soit ceux qui comptent de 21 à 24 représentants, 39 % d'entre eux présentaient une telle lacune.
« Le code de déontologie qui encadre la pratique du courtier l'oblige à s'assurer que son client est bien protégé. Lors du renouvellement du contrat de son client, il ne doit pas juste jouer au facteur, explique Mme Martin. Il doit à nouveau s'assurer que la police convient toujours aux besoins du client. Nous avons toutefois constaté que plusieurs courtiers font un renouvellement automatique, sans vérifier si les besoins ont changé. Par exemple, on doit vérifier la couverture pour le cout de reconstruction, l'ajout de pièces au bâtiment ou l'inflation. »
La Chambre se dit toutefois consciente qu'un cabinet de courtage ne peut appeler tous ses clients en assurance des particuliers lors du renouvellement de leurs polices. Toutefois, l'organisme d'autorèglementation estime qu'il doit à tout le moins leur envoyer un avis de renouvellement qui contient les éléments que leurs clients doivent considérer avant de renouveler leur contrat d'assurance.
La Chambre a d'ailleurs mis au point son propre avis de renouvellement. « C'est un moyen qu'on propose au cabinet pour qu'il informe son client des points à considérer lors du renouvellement, dit Mme Raic. Si le courtier a un autre outil en main qui lui permet de faire le travail, c'est tant mieux. »

La Chambre amorce sa deuxième phase d’inspection
La Chambre de l’assurance de dommages a amorcé sa deuxième phase d’inspection des cabinets de courtage et d’expertise en règlement de sinistre. Elle se terminera en 2015.
Ainsi, tous les cabinets ayant accueilli les inspecteurs de la Chambre seront à nouveau visités. L’organisme d’autorèglementation pourra ainsi dresser des comparatifs pour voir si la conformité de ses membres s’améliore.
La Chambre ajoutera alors un autre volet à ses inspections. Les compétences des représentants des cabinets seront évaluées. Ainsi, une attention particulière sera portée aux procédures du cabinet et à l’inscription des notes au dossier d’un client.
Les inspecteurs de la Chambre se concentreront aussi sur les nouveaux règlements mis en vigueur, tels la divulgation des liens d’affaires et l’obligation de mettre en place un plan de continuation des activités. La Chambre inspectera aussi une autre problématique, soit celle des dirigeants de cabinets non certifiés.
« Il est difficile pour eux de s’approprier le code de déontologie de la Chambre puisqu’ils ne sont pas certifiés. Il y a donc un risque qu’ils introduisent des pratiques d’affaires contraires au code », explique la PDG Maya Raic.

Lacunes dans le compte séparé
Par ailleurs, les inspecteurs de la Chambre ont constaté que 21 % des cabinets de courtage n'utilisaient pas adéquatement leur compte séparé. C'est dans ce compte qu'ils doivent déposer l'argent qui ne leur appartient pas, telles les primes et les ristournes (sommes payées en trop et primes non acquises). Le compte séparé des cabinets de courtage est semblable au compte en fidéicommis des avocats, sauf que les déplacements d'argent n'y sont pas enregistrés.
Les infractions en lien avec le compte séparé avaient trait à un solde négatif dans le compte, ce qui est illégal, ou encore à des transactions non permises. Les inspecteurs ont relevé certains cas où le compte séparé servait à payer les salaires des employés, les factures de téléphone et autres, ce qui est illégal.
Autre lacune propre aux cabinets de courtage : la divulgation des liens d'affaires. Le tiers des cabinets inspectés par la Chambre ne divulgue pas adéquatement leurs liens d'affaires. L'organisme d'autorèglementation estime que la complexité de la règlementation, qui a été modifié en 2007, explique la situation.
De plus, près d'un cabinet de courtage sur deux (44 %) présente des lacunes liées à ses obligations de mandataire. Cela inclut notamment l'acceptation de mandat, le rôle-conseil, la reddition de compte dans l'exécution du mandat et la fin de mandat.

Précision
Une erreur s’est glissée dans notre édition de mars, en pages 29 et 32. En ce qui a trait à l’évaluation d’une clientèle en placements, on aurait dû y lire que cette évaluation doit se faire selon un pourcentage de 1,5 % des actifs et non selon un multiple de 1,5 fois les actifs. Par ailleurs, dans les propos attribués à Alain Vézina, président de Nessa Capital et comptable agréé, en page 33, on aurait dû lire qu’un acheteur d’une clientèle en services financiers payera cinq fois la trésorerie nette (BAIIA), et non les revenus annuels projetés.

Traitement des plaintes déficient
Une autre lacune touche autant les cabinets de courtage que les cabinets d'expertise en règlement de sinistres : l'absence d'une politique de traitement des plaintes. Les plus petits cabinets, composés d'un seul représentant ou d'un représentant autonome, sont particulièrement touchés. Environ 65 % d'entre eux n'ont pas une telle politique. La loi oblige tous les cabinets à en avoir une.
Autre lacune couramment relevée : l'utilisation de titres inexacts ou non autorisés. Elle est revenue dans 80 % des inspections. Elle a été observée dans 86 % des inspections des moyens et grands cabinets et à 65 % dans les cabinets d'un seul représentant.
Fait cocasse : les inspecteurs de la Chambre ont couramment relevé que plusieurs cabinets étaient mis à la faute malgré eux. À titre d'exemple, un imprimeur à qui a été confié le mandat de réaliser les cartes d'affaires du cabinet peut avoir décidé d'éliminer un titre ou de changer un mot pour rendre celle-ci plus attrayante. Néanmoins, le représentant a l'obligation de présenter les bons titres, autant celui de la Chambre que celui de l'Autorité.
Par ailleurs, les inspecteurs de la Chambre ont constaté que 36 % des cabinets d'expertise en règlement de sinistres présentaient des lacunes sur le plan de la protection des renseignements personnels. L'un des manquements les plus couramment identifiés est lié au défaut du cabinet de s'assurer que ses employés non certifiés comprennent et respectent les obligations en matière de confidentialité.
De plus, 19 % des cabinets en sinistres démontrent des lacunes en ce qui a trait aux documents remis aux sinistrés. Bien souvent, soit le cabinet ne respecte pas les exigences liées au formulaire de consentement à la collecte de renseignements personnels ou soit il ne le remet pas.
Là aussi la Chambre a bâti un formulaire standard. « On encourage les cabinets à l'utiliser. On les invite à mettre leur logo dessus. Il y a d'ailleurs une dizaine d'assureurs qui le font. C'est tant mieux, car notre but est que tout le monde soit conforme », souligne Mme Raic.