Après 23 ans à la tête de Solutions AgeMan, Daniel Brisson a décidé de faire le grand saut. Il a cédé les rênes de sa compagnie pour en fonder une nouvelle : Agence d’intervention Lead-ER. Cette entreprise est le prolongement de Service Bureau, lancé l’an dernier comme test en vue de cette nouvelle aventure. Avec Lead-ER, M. Brisson dit vouloir offrir un vrai front office aux conseillers qui le suivront.

Lead-ER est le fruit d’années de réflexion, mais aussi de frustration, a dit M. Brisson, en entrevue au Journal de l’assurance. « Chez AgeMan, j’ai eu la chance de lancer diverses initiatives, notamment Boutique UFC ou encore le livre sur la segmentation et les blocs d’affaires. Les gens me demandaient de développer de tels outils. On espérait que les gens embarquent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Au fil du temps, j’ai senti que la problématique n’était pas là. Le nerf de la guerre pour le conseiller : c’est d’être bien soutenu », dit-il.

Agence d’intervention Lead-ER, dont le siège social sera à Québec, mais qui aura aussi un bureau à Montréal, s’occupera au départ de trouver des leads aux conseillers qui y adhèreront. Par la suite, un travail de segmentation sera effectué : la clientèle sera ainsi ciblée selon le profil du conseiller. Lead-ER prendra en charge la conformité pour lui. Elle s’assurera notamment que le conseiller a bel et bien remis une analyse de besoins financiers au client, comme la loi l’exige, depuis le 22 octobre.

Des adjointes prendront aussi des rendez-vous pour les conseillers. Des suivis seront faits pour s’assurer que le conseiller traite les courriels et lettres qui lui sont envoyés, mais aussi divers évènements marquants de la vie de son client, notamment son anniversaire. « On veut s’assurer que le conseiller déroule toujours le tapis rouge pour son client », dit M. Brisson.

1 M$ investis

Lead-ER assume tous les couts de sa mise en place. Un million de dollars (M$) ont été investis dans l’aventure. La rémunération de Lead-ER proviendra des commissions que le conseiller ira chercher auprès des clients référés. Quant aux conseillers qui feront appel aux services d’une adjointe, une tarification sera mise en place en fonction des services utilisés, comme c’était le cas pour Service Bureau, qui disparait au profit de Lead-ER (voir encadré en page 10). « On a tout intérêt à ce que le travail du conseiller soit bien fait, car nous serons payés à la fin à partir de sa prestation de services », dit M. Brisson.

Pour se lancer dans cette entreprise, M. Brisson s’est adjoint les services de Denis Renaud, qui compte une longue expérience dans l’industrie des services financiers. Il agira à titre de vice-président exécutif et chef des opérations. Durant ses 40 ans de carrière, il a déjà occupé des fonctions de vice-président des opérations chez des assureurs et a ensuite agi en tant que consultant, tant en assurance de personnes qu’en assurance de dommages. Aussi présent à l’entrevue, M. Renaud mentionne que son rôle sera de tout chapeauter. « Je dois m’assurer que l’appariement entre la technologie et la formation des gens est là. Je dois voir à ce que toutes les opérations chapeautées par Lead-ER, allant de la numérisation de documents au contact avec le client, soient faites à notre façon. Chez McDonald’s, la frite qu’on y achète goute la même chose qu’on la mange à Paris, New York ou Sherbrooke. On suivra ce modèle », dit-il.

M. Renaud profitera d’un important appui pour mettre en place la structure de Lead-ER. L’entreprise a embauché Yves Lefrançois à titre de directeur du développement des affaires. M. Lefrançois était jusqu’à tout récemment consultant chez AgeMan, mais il y avait occupé des fonctions similaires auparavant. « Il a un passé de conseiller. C’est important pour nous d’avoir des gens qui sont passés par là, car on doit penser nous-mêmes en conseiller », dit M. Brisson.

Privilège de traiter avec Lead-ER

M. Brisson s’attend à changer la dynamique des back-offices avec son initiative. Il assure toutefois ne pas vouloir entrer en compétition avec les agents généraux, mais bien travailler en collaboration avec eux.

« Si un conseiller décide de travailler avec nous, on s’attend à ce qu’il aille aux rendez-vous que Lead-ER prend pour lui. On va couvrir ses besoins et l’aider. Il ne faut pas oublier que les conseillers peuvent passer plus de la moitié de leur temps à faire de la paperasse. C’est là qu’on veut se positionner », dit M. Brisson.

M. Renaud affirme qu’il veut que ce soit un privilège de faire affaire avec Lead-ER. « On veut les top guns. On veut regarder dans la gamme des conseillers laissés à eux-mêmes. On veut aller chercher les passionnés. On peut comparer ces gens-là à des artistes peintres. Ils peignent de très beaux tableaux, mais n’ont pas d’entente pour les distribuer. Rendus à la fin de l’année, ces conseillers n’ont pas les revenus auxquels ils s’attendaient d’avoir, car le côté administratif a été mal fait », dit-il.

Il ajoute que bien souvent, la raison pour laquelle un conseiller se coupe de revenus potentiels est qu’il passe un grand temps à remplir de la paperasse. « Avec nous, tout est prévu à l’horaire, car il a accès à nos adjointes. Nous ne sommes pas là pour faire de la sollicitation au hasard. L’adjointe va appeler le client pour prendre un rendez-vous et se présente de cette façon. Tout est complété pour le conseiller : l’analyse de besoins financiers sera bien traitée et les formulaires aussi. Il peut se consacrer à la vente. C’est pourquoi on parle de front office », dit M. Renaud.

M. Brisson donne l’exemple du conseiller qui veut conclure une vente, mais qui n’a pas de formulaire à jour pour le faire. « Bien souvent, il essaiera de finaliser la vente quand même. On ne viendra pas remplacer l’agent général à cet effet. On ne sera pas un agent de distribution. Au contraire, on va venir l’appuyer, car on s’assurera que le conseiller a le formulaire à jour, grâce à un service développé par AgeMan, qui recense tous les formulaires des compagnies. On devient client d’AgeMan à cet effet. Se doter d’un tel mandat nous assure que le traitement des dossiers est impeccable. On ne veut pas que le client attende 90 jours avant d’avoir sa couverture. On veut qu’il l’obtienne dans le délai le court possible », dit-il.

Les conseillers qui voudront traiter avec Lead-ER devront signer un contrat s’engageant à respecter divers critères. L’agent général sera aussi impliqué dans le processus. « On va créer un trio avec l’agent général. On va s’assurer que son conseiller est conforme. Il recevra ses documents en bonne et due forme. L’économie sera là pour lui aussi », dit M. Brisson.

Pas de « portes ouvertes »

La segmentation est ainsi au cœur de l’approche de Lead-ER. « On veut créer un niveau d’intervenant qui va être le top. On veut devenir la meilleure université pour les conseillers. On ne fera pas de portes ouvertes. Chaque conseiller qui traitera avec nous aura une entente en bonne et due forme. S’il ne respecte pas nos critères, un avis lui sera envoyé. On en enverra aussi un à son agent général, avec qui nous aurons signé une entente, car nous voulons collaborer avec l’agent général », dit M. Brisson.

Lead-ER cherchera avant tout un profil qu’un revenu, dit M. Renaud. « On ne visera pas les conseillers qui ont un revenu de 80 000 $ par année. On cherche avant tout un talent. Un conseiller qui fait 30 000 $ par année, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas bon. Bien souvent, ça veut plutôt dire qu’il est mal organisé. C’est là qu’on veut l’aider. Son cercle de clients est souvent constitué de sa famille et de ses amis proches. Le revenu n’est pas un critère de qualité pour nous. On cherche avant tout des passionnés », dit-il.

Dans la même veine, M. Brisson ne vise pas un volume de conseillers pour commencer ses activités. « On ne vise pas à avoir 2 000 propositions par année en partant. Des blocs d’accès seront offerts au fur et à mesure que l’on formera nos gens. On fera beaucoup de sélection », prévient le PDG de Lead-ER.

Lead-ER ne visera pas non plus les conseillers prolifiques avec son service. « Les conseillers qui génèrent 500 000 $ de commissions ont déjà une adjointe, parfois même deux. Ce n’est pas notre marché. On vise ceux qui n’ont pas une telle organisation », précise M. Brisson.

Il cible ainsi les conseillers qui croient ne pas avoir les moyens de se payer une adjointe à temps plein. « Certains se disent qu’ils vont prendre une adjointe une journée par semaine. Ça ne peut pas fonctionner, car il n’y a pas une journée meilleure qu’une autre. Le service doit être offert en tout temps. On va donc pouvoir fournir aux conseillers une multitude d’adjointes selon les services dont ils auront besoin. Certaines auront un permis, d’autres non », dit M. Brisson.

Avenir de la profession menacé

M. Brisson va un cran plus loin dans son analyse de la situation des conseillers indépendants. « Si la profession de courtier indépendant ne prend pas un virage semblable à celui que nous lui proposons, son avenir est compromis. Pourquoi les comptes nationaux et les conseillers de carrière ont-ils autant de succès? Parce qu’ils sont réglés au quart de tour. C’est ce qu’on veut amener aux conseillers indépendants », dit-il.

M. Renaud ajoute qu’au fil des rencontres effectuées avec des conseillers et des agents généraux pour leur présenter le projet, il dit avoir vu des gens démunis par rapport aux obligations de conformité en place. « Nous serons là pour ça. On s’engage à cet effet avec eux », dit-il.

M. Brisson ajoute que la technologie a aussi entrainé de profonds bouleversements dans l’industrie. « Avant, le conseiller rencontrait son client avec du papier et un crayon. La techno est entrée dans le portrait. Certains se croient hot parce qu’ils ont un fax et un téléphone intelligent. Pourtant, le conseiller doit avant tout offrir son service. On vise donc à marier ce service aux avantages que lui confère la technologie, car les outils technologiques ne sont pas une dépense, mais un investissement. Il faut en arriver au mariage des deux », dit-il.

Il poursuit en soulignant que plusieurs conseillers ont de très bons logiciels, mais qu’ils ne s’en servent pas. « Avoir les outils les plus sophistiqués entre les mains ne sert alors à rien », dit-il. M. Brisson donne d’ailleurs l’exemple d’un conseiller membre de la Table ronde des millionnaires (MDRT) qui utilise Outlook comme seul outil technologique. « Il l’utilise toutefois à profusion. Si un client est un gros fan de hockey, il l’indique dans sa fiche pour pouvoir lui en parler. Toutes les dates d’anniversaire de ses clients y sont aussi indiquées », dit-il.

C’est pourquoi le soutien offert au conseiller est primordial. M. Renaud le compare à celui d’une équipe de football américain. « Notre ligne défensive est notre structure. Tout doit être parfait. Vient ensuite la ligne offensive, où nos adjointes vont faire les contacts pour les conseillers et aller chercher l’analyse de besoins financiers. Tous sont là pour une raison, protéger le quart-arrière, qui, dans ce cas-ci, est le conseiller. Le directeur d’agence du conseiller agit quant à lui comme entraineur-chef », dit-il.

Les deux hommes visent à ce que le botté d’envoi d’Agence d’intervention LeadER se fasse le 27 novembre prochain, dans le cadre du Congrès de l’assurance et de l’investissement. Ce sera toutefois un lancement à petite échelle. L’entreprise compte quatre adjointes seniors, provenant de Service Bureau, qui pourront servir un nombre donné de conseillers. Ceux qui voudront adhérer à Lead-ER devront au préalable s’inscrire sur le site Web de l’entreprise.

« Une soixantaine de conseillers nous ont démontré de l’intérêt jusqu’à maintenant, mais on ne pourra pas tous les accepter d’emblée. Il faut prendre le temps de bien former notre personnel, mais aussi de finaliser nos ententes avec les agents généraux. Le nombre de conseillers qui vont adhérer n’est pas important. Ce qu’on veut, c’est le résultat et la manière », dit M. Brisson.