Une publicité insérée dans le quotidien La Presse du samedi 26 octobre 2015 a créé l’émoi dans l’industrie. Le feuillet publicitaire d’un jaune criard portait un titre accrocheur : Attention… Un scan corporel peut vous sauver la vie! Sauf qu’il ne sera pas couvert par un assureur, a appris le Journal de l’assurance, en investiguant auprès de quelques joueurs de l’industrie.

Offert comme moyen de prévention, les écographies en couleurs devaient se dérouler dans un motel situé à Plattsburgh, dans l’État de New York, aux États-Unis. Le laboratoire mobile de la firme Ultra Life offrait des tests ou des forfaits à un prix variable, selon les zones ou les troubles observés : 150 $ pour un scan cardiaque, 60 $ pour les membres le foie, les reins ou le pancréas, 60 % pour détecter les risques d’accident vasculaire cérébral… Ultra Life s’engageait à émettre les résultats par courrier dans un délai de 21 jours ouvrables, sous forme de sonogramme.

Plusieurs sources contactées par le Journal de l’assurance ont toutefois rappelé que de tels tests ne sont habituellement pas couverts par un régime d’assurance santé. « À l’extérieur du Québec, nous ne couvrons que ce qui est subi et inattendu », a tranché Carl Laflamme, premier vice-président, assurance collective de SSQ Groupe financier.

La poulation mise en garde

Même le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, a mis la population en garde contre de telles campagnes, a pour sa part indiqué Robert Tellier, vice-président régional, solutions épargne et retraite collectives de Manuvie. Les propos de M. Barette avaient été rapportés sur le site de CBC News le 27 octobre.

Chez Manuvie et plusieurs autres fournisseurs d’assurance collective, ce type de dépenses ne répond pas à la définition de soins d’urgence hors du pays. « Il n’est pas dans notre intérêt de couvrir de telles dépenses, lesquelles relèvent du système de santé américain », a expliqué M. Tellier. Non seulement il s’agit dans ce cas de tests préventifs, mais en plus, ils se déroulent aux États-Unis, ajoute-t-il. Même si ces tests étaient recommandés par un médecin au Québec, ils doivent être couverts par la Régie de l’assurance-médicaments du Québec (RAMQ) pour être admissibles au régime privé, a aussi souligné M. Tellier. Or, ils ne sont pas couverts par le programme de la RAMQ.

PDG du cabinet AGA assurances collectives, Martin Papillon rappelle que les régimes privés posent des limites importantes aux soins reçus hors de la province de résidence du participant. « Habituellement, seuls les soins d’urgence sont couverts, par exemple si la personne doit être hospitalisée d’urgence alors qu’elle séjourne à l’extérieur du pays. Certains régimes privés, mais pas tous, remboursent les scans et autres services diagnostiques rendus au Canada sur prescription médicale », ajoute M. Papillon. PDG de la firme BrosseauMedConsult, Johanne Brosseau souligne que les soins dispensés hors de la province de résidence sont couverts par l’assurance voyage, et uniquement s’ils sont urgents. Elle insiste sur le fait que les assureurs ne rembourseront que des examens radiologiques, et à des buts diagnostiques. De plus, ils doivent être prescrits par un médecin.

« Il s’agit de tests de dépistage et non de diagnostic. Il serait difficile dans ce cas-ci de défendre la position du diagnostic, sauf si on invoque que celui-ci résulte d’une ordonnance écrite par un médecin légalement autorisé à prescrire au Québec, médecin qui n’est toutefois pas reconnu aux États-Unis », précise Mme Brosseau.

PDG du cabinet DCI Assurance et représentant des services de Best Doctors Canada Insurance Services au Québec, Louis Carrière n’y va pas par quatre chemins. « Chez Best Doctors, nous n’utiliserions pas ce genre de service. Ceci ne semble pas tout à fait selon nos standards. Nos scans se font seulement dans des hôpitaux ou cliniques privées et non dans des motels ou hôtels », s’est-il objecté.

La difficulté de l’anti-sélection

M. Carrière dit avoir développé au sein de Best Doctors Medical Services un produit qui permet de passer des examens. « Par contre il est difficile de le mettre en place individuellement à cause de son cout de revient à l’unité. Celui-ci avoisine les 15 $ par mois, par personne, plus les frais d’administration. La difficulté tient aussi de l’anti-sélection. « Une personne passerait ses examens, et annulerait le contrat après avoir reçu les résultats. Pas très rentable », dit-il.

Le produit de Best Doctors Insurance Services serait mieux adapté à ce genre de situation. Le produit Assurance Global Medical Care peut s’ajouter à un régime collectif et est aussi disponible sur base individuelle, à un cout mensuel de 12,50 $ ou de 18,75 $. Les frais d’examens sont couverts et inclus dans la version du produit avec limite d’assurance de 5 M$. Ces soins doivent toutefois être recommandés par un médecin, dans un but de guérison et non de prévention, a précisé M. Carrière.

« L’urgence n’est pas requise et ces tests peuvent être faits ici ou ailleurs. Le tout est selon le besoin, la disponibilité et l’endroit où la personne se trouve ou veut bien se rendre, que ce soit à Montréal ou à Palm Springs », dit-il. Le spécialiste de l’assurance collective privilégie ce genre de services plutôt que ceux d’Ultra Life, qui selon lui n’apporteront pas de plan de traitement ou de confirmation de diagnostic.