Des chercheurs de l’Université Laval demande au législateur d’encadrer l’épargne collective sous un organisme unique, que ce soit la Chambre de la sécurité financière (CSF) ou l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA).

Dans un mémoire soumis en réponse au Rapport d’application sur la loi sur la distribution de produits et services financiers (Loi 188), les chercheuses de l’Université Laval, Raymonde Crête et Cinthia Duclos, demandent au ministre des Finances, Carlos Leitao, d’envisager un organisme unique pour encadrer le courtage en épargne collective.

« Il sera important, à notre avis, que le ministère envisage la possibilité de modifier l’encadrement des services de courtage en épargne collective au Québec afin qu’un même organisme de surveillance puisse intervenir en matière déontologique et disciplinaire à l’égard de l’ensemble des acteurs, soit les courtiers en épargne collective, leurs dirigeants et leurs représentants », ont écrit au ministre les membres du Groupe de recherche en droit des services financiers de l’Université Laval. Mme Crête en est la directrice, et Mme Duclos en est membre en qualité de professeure et avocate.

Les chercheuses croient qu’un encadrement ainsi unifié permettrait d’agir de manière « englobante et cohérente ». Cet encadrement tiendrait non seulement compte des actions des représentants, mais aussi de l’environnement organisationnel dans lequel ces derniers évoluent.

Le contrôle disciplinaire exercé par l’Autorité des marchés financiers et par le Bureau de révision (BDR) à l’égard des courtiers en épargne collective et de leurs dirigeants œuvrant au Québec est faible, ajoutent les auteures du mémoire. Elles le comparent désavantageusement au contrôle disciplinaire exercé par le MFDA à l’égard des courtiers et de leurs dirigeants exerçant ailleurs au Canada.

Une autre étude qu’elles ont menée suggère que les courtiers en épargne collective et leurs dirigeants bénéficient au Québec d’une immunité légale et de facto en matière déontologique et disciplinaire, comparativement à leurs homologues ailleurs au Canada.

L’encadrement des individus leur semble plus harmonisé. Or, la Chambre devrait bénéficier de pouvoirs accrus, selon les chercheuses. « Le contrôle exercé par la Chambre se rapproche de celui exercé par le MFDA à l’égard de leurs homologues ailleurs au Canada. Toutefois, l’encadrement assumé par la Chambre comporte une faiblesse : cette dernière ne peut intervenir qu’à l’égard des représentants, sans pouvoir évaluer du même coup le comportement des dirigeants et, plus globalement, du courtier », déplorent Mmes Crête et Duclos.

Deux solutions proposées

Dans leur mémoire, elles soupèsent deux solutions : reconnaitre le MFDA comme organisme d’autoréglementation unique ou élargir les pouvoirs de la Chambre pour qu’elle puisse agir à ce titre.

Selon elles, reconnaitre le MFDA au Québec allègerait le fardeau réglementaire et financier imposé aux intervenants du secteur des fonds communs. Cette avenue soulèverait toutefois des difficultés « pour les courtiers menant leurs activités uniquement au Québec de même que pour ceux cumulant plusieurs titres d’inscription, et qui demeureraient assujettis à la surveillance et au contrôle des autorités québécoises, telle la Chambre », ajoutent les chercheuses.

Elles invitent ainsi le ministre à envisager de reconnaitre la Chambre comme organisme d’autoréglementation en déontologie et discipline, tant pour les représentants que les courtiers en épargne collective au Québec.

Reconnaitre au contraire le MFDA comme organisme unique poserait des problèmes au chapitre de l’indemnisation. « La reconnaissance du MFDA comme organisme d’autoréglementation au Québec soulève un questionnement au regard des incidences de cette option sur les régimes d’indemnisation en cas de faillite ou de manquements professionnels des acteurs de l’industrie », écrivent Raymonde Crête et Cinthia Duclos. Elles reconnaissent n’avoir pu approfondir cette question dans le mémoire.


Fonds distincts et fonds communs sur un même pied

Les chercheuses de l’Université Laval, Raymonde Crête et Cinthia Duclos invitent le ministère des Finances du Québec à réfléchir à l’opportunité d’encadrer les fonds distincts de la même manière que les fonds communs. Elles notent que les fonds distincts et les fonds communs sont des produits similaires, pourtant offerts par des représentants réglementés de manière différente.

« Au cours de la dernière décennie qui a été marquée entre autres par le scandale Norbourg, des modifications importantes ont été introduites dans la règlementation touchant les fonds d’investissement en vue d’accroitre la protection des épargnants. Or, bien que les contrats de fonds distincts présentent des similitudes importantes avec les fonds communs de placement, on constate que ce nouvel encadrement demeure, en grande partie, inapplicable à l’encadrement juridique des fonds distincts offerts par les assureurs », observent-elles.

Les auteures du mémoire n’ont toutefois pas soumis de recommandations spécifiques à l’encadrement des fonds distincts. « Il apparait toutefois opportun de suggérer aux instances gouvernementales d’amorcer une réflexion sur les disparités entre l’encadrement juridique de ces fonds et celui du courtage en épargne collective au regard de la protection des consommateurs, en tenant compte de la similitude des produits et des services offerts dans ces deux secteurs d’activités », concluent-elles.