La Chambre de la sécurité financière (CSF) a chèrement défendu sa peau mercredi à Québec lors de la reprise des travaux de la commission parlementaire consacrée au projet de loi 141.

La Chambre est menacée de disparition pure et simple à la suite de l’intégration de ses principaux mandats et activités à l’Autorité des marchés financiers. Les échanges entre les représentants de la Chambre et le ministre des Finances, Carlos J. Leitão, ont toutefois tourné au dialogue de sourds.

Opposition à une dérèglementation

« Qui a intérêt à dérèglementer ce secteur important de la santé financière des consommateurs, s’est interrogé Gino-Sébastian Savard, premier vice-président du conseil d’administration de la Chambre ? Qui l’a demandé ? Qui a intérêt à ce que le consommateur soit livré à lui-même alors que le système actuel le protège ? »

M. Savard a ajouté que la Chambre s’oppose à une dérèglementation dont les conséquences seront sans commune mesure pour les consommateurs. « La protection du public est une condition sine qua non à toute réforme. Elle doit guider le législateur. Est-ce que vous voulez risquer que les consommateurs procèdent seuls sans soutien professionnel à l’autodiagnostic de leur situation financière, au magasinage et à l’achat à leur guise d’un produit aussi complexe et aussi important qu’est l’assurance ? Comme société, voulons-nous vraiment ouvrir cette brèche ? »

« L’Autorité n’est pas juste là pour décorer »

« Je trouve que vous allez un peu loin…, a immédiatement réagi le ministre des Finances. Notre motivation pour proposer ces changements-là, ce n’est pas qu’on a quelque chose contre la Chambre de la sécurité financière ou la Chambre de l’assurance de dommages. Vous faites un travail correct », a dit le ministre.

« Nous pensons toutefois que d’intégrer les activités de ces deux chambres à l’Autorité est une façon plus efficace de règlementer l’industrie. Vous dites qu’on laisse le consommateur abandonné à lui-même. Et l’Autorité dans tout cela ? Elle n’est pas juste là pour décorer ! L’Autorité joue un rôle très important dans la règlementation de notre industrie ».

Réserves du ministre face aux inquiétudes des Chambres

Le ministre Leitão s’est aussi élevé contre l’idée émise par les deux Chambres que si le projet de loi 141 est adopté, n’importe qui pourrait faire n’importe quoi dans le domaine de l’assurance.

« Là, on n’a pas vraiment la même lecture de notre projet de loi, a-t-il exposé. Nous ne modifions pas l’article 12 qui dit que nul ne peut agir comme représentant ni se présenter comme tel à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité. On ne laisse pas les consommateurs livrés à eux-mêmes. Les personnes qui parlent au nom d’une compagnie d’assurance doivent continuer d’être certifiées. C’est important de le préciser ».

Le conseil : pas une activité exclusive, dit le ministre

Le ministre est aussi en désaccord sur la notion d’exclusivité du conseil défendue par les deux Chambres. « Nous pensons que donner un conseil n’est pas une activité qui doit être exclusive, a-t-il soutenu. De prétendre que seuls les courtiers peuvent donner des conseils est très limitatif. Mais quand on passe à l’acte suivant de contracter une assurance, alors là, on n’est pas dans le conseil, mais dans le contractuel et il faut un représentant certifié. Empêcher ou restreindre le conseil serait au contraire priver le consommateur d’une information qui leur serait très utile ».

La Chambre affirme que priver le public d’un organisme de première ligne comme elle équivaut à laisser le consommateur à lui lui-même. Elle doute fortement, comme l’ont fait de nombreux joueurs de l’industrie avant elle en décembre dernier, que les gens aient les connaissances financières requises pour déterminer leurs propres besoins en assurance et comprendre la complexité des contrats. Une simple erreur pourrait avoir de graves conséquences pour une famille.


Gino-Sébastian Savard

Gino-Sébastian Savard | Photo : Denis Méthot


Faire aussi disparaitre le Barreau ?

« En fait, a soutenu Gino-Sébastian Savard, c’est comme si on permettait aux patients de s’autodiagnostiquer, de magasiner un traitement sur Internet et de se procurer auprès d’une pharmaceutique le médicament qui le guérira sans l’aide d’un professionnel. En abolissant la Chambre, on abolirait la structure de surveillance et de formation des professionnels. Allons-nous faire de même avec le Barreau du Québec, le Collège des médecins, l’Ordre des pharmaciens ? »

M. Savard a aussi prétendu, en faisant référence à la taille de l’Autorité, qu’on a rarement vu une grande organisation plus efficace qu’une petite. « Je ne pense pas qu’on gagnera en efficacité et en économies », anticipe-t-il.

Les comparaisons, images et critiques de M. Savard et de ses collègues ne semblent toutefois pas avoir ébranlé le ministre Leitão, qui n’a montré aucune ouverture à maintenir en vie les deux Chambres dans leur forme actuelle.