En 2012, l’Autorité des marchés financiers n’avait pas prêté oreille aux arguments des agents généraux quant à leur encadrement. Le régulateur reconnait maintenant que toute initiative susceptible de mener à une meilleure supervision des conseillers mérite d’être étudiée de près.

Les agents généraux du Québec réclament depuis 2012 de devenir des entités légales encadrées par la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). Ils souhaitent ainsi voir leurs responsabilités reconnues dans la chaîne de distribution, dont celle de superviser les conseillers.

Au centre du modèle proposé, le cabinet mandataire serait l’unique port d’attache du conseiller dans le traitement de ses affaires d’assurance de personnes individuelles. Le cabinet de fonds communs en serait un autre, et pourrait appartenir à un concurrent du cabinet mandataire choisi par le conseiller. Enfin, le conseiller ne serait aucunement contraint de faire de même en assurance collective, où le libre marché prédomine.

Lors du Rendez-vous de l’Autorité, en novembre dernier, Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution a parlé du flou qui entoure la notion d’agent général. « Malgré la place importante qu’il occupe dans les modèles d’affaires actuels, l’agent général n’existe pas explicitement dans notre cadre réglementaire. Le concept n’est pas défini de façon uniforme par tous. »

Michel Kirouac, vice-président directeur général de Groupe Cloutier, a rappelé qu’il pouvait être ardu pour une entité de superviser les conseillers, sans en avoir le pouvoir. « Actuellement, les conseillers autonomes et les cabinets avec lesquels nous traitons ne se sentent pas du tout concernés par nos exigences. Ils disent être régis par l’Autorité, encadrés par la Chambre de la sécurité financière et par leur contrat avec l’assureur, souligne M. Kirouac. Les conseillers reconnaissent le rôle de l’agent général de traiter leurs ventes et de fournir des services, mais pas pour superviser leurs affaires. Ils ont en grande partie raison. »

Une reconnaissance qui pourrait aider

M. Stevenson a pris acte de sa position. « Les agents généraux ont des responsabilités et n’exercent pas une réelle autorité de supervision sur leurs conseillers. Une reconnaissance formelle et un encadrement plus centralisé pourraient les aider. Il faut y réfléchir. La mise en œuvre d’une telle reconnaissance va de pair avec un rehaussement de la conformité, eu égard au traitement équitable et à la protection du consommateur. »

Aussi de l’Autorité, Nathalie Sirois, directrice principale de la surveillance des assureurs et du contrôle du droit d’exercice, a affirmé que si son organisation conclut que créer une catégorie d’inscription est la meilleure option pour la protection du consommateur, il faudra apporter des changements législatifs et réglementaires. Le revers d’inclure dans la loi les responsabilités des agents généraux est de rétrécir la latitude dont bénéficie actuellement le réseau de distribution, dans lequel il existe des ententes de gré à gré entre agents généraux et assureurs, prévient-elle.

Michel Paquet, vice-président adjoint et conseiller juridique, affaires sectorielles, réglementaires et gouvernementales de Manuvie, s’est montré réceptif aux doléances de Michel Kirouac. Il estime toutefois que l’industrie doit laisser la chance aux lignes directrices de l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) de faire leurs preuves.

M. Paquet pense que Manuvie pourrait être favorable à la création d’une catégorie d’inscription pour les agents généraux, « si elle vient renforcer le traitement équitable du client ». Selon lui, une telle modification doit toutefois émaner de préoccupations soulevées par les consommateurs, être cohérente à travers le Canada et donner lieu à des travaux de consultation approfondis.

Les assureurs délèguent plus aux MGA

Pour M. Kirouac, il y a des inconvénients d’avoir des responsabilités vagues. « Les compagnies nous délèguent continuellement de nouvelles responsabilités », a-t-il dit. Ces responsabilités se limitaient auparavant à l’administration des affaires du conseiller et à leur rémunération. Au fil du temps, des obligations de soutien, de formation et de supervision se sont ajoutées aux ententes contractuelles.

Les choses ont encore changé depuis les lignes directrices de l’ACCAP, ajoute-t-il. Sans compter les recommandations du régulateur de Colombie-Britannique après son rapport de 2012 sur les agents généraux, et la surveillance du blanchiment sous la loupe du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), énumère M. Kirouac.

Il rapporte que les compagnies d’assurance exigent désormais beaucoup plus d’implication de la part des agents généraux, pour la sélection et la mise sous contrat des conseillers. Cela inclut entre autres les rapports d’enquête et de crédit, la vérification des plaintes et des suspensions de permis, l’existence d’un dossier criminel, la supervision et la surveillance des activités des conseillers.

« Il est maintenant très difficile pour nous de comprendre les responsabilités que les assureurs veulent nous transférer, dans un modèle législatif où le conseiller est autonome et devrait être responsable de ses actes, et où l’agent général n’est pas reconnu comme un intermédiaire légal, déplore M. Kirouac. Plusieurs zones grises subsistent et le réseau de distribution gagnerait à plus de clarté. »

M. Kirouac a rappelé que s’il n’est pas de son ressort d’examiner les analyses de besoins financiers et les recommandations effectuées par les conseillers, l’agent général surveille tout de même « les cas douteux ». Ce sont les conseillers aux nombreux remplacements, qui vendent toujours le même produit ou qui font souscrire à leurs clients des couvertures ou des primes beaucoup trop élevées par rapport à leurs besoins, explique-t-il.

De son côté, Michel Paquet dit que l’assureur se fie généralement au professionnalisme des représentants et du cabinet pour lequel ils agissent. « Nous restons ultimement responsables des contrats vendus », a-t-il rappelé.