Trois consultations et quelques années plus tard, l’Autorité des marchés financiers s’attend à publier d’ici la fin de l’année un règlement définitif sur l’encadrement des cabinets en épargne collective.Patrick Déry livre un bilan positif de sa première année à l’Autorité comme surintendant de la distribution, de l’assistance à la clientèle et de l’indemnisation. En entrevue au Journal de l’assurance le 13 juin, M. Déry a rappelé être arrivé en plein débat sur les entreprises de services monétaires. Cette consultation amorcée à l’automne a mené à un règlement au printemps.

L’harmonisation de la règlementation du secteur de l’épargne collective québécois à celle du reste du Canada est allée moins rondement, reconnait-il. En fait, le projet de développer le Règlement 31-103 s’étire depuis trois consultations; deux en 2007 et une en 2010.

Après une date butoir manquée en septembre 2011, Patrick Déry entend maintenant régler le dossier d’ici la fin de l’année.

L’Autorité tient à trois points depuis le début. L’Association canadienne des courtiers en fonds mutuels (MFDA) ne sera pas reconnue en tant qu’organisme d’autorèglementation (OAR) au Québec. L’Autorité appliquera les règles compatibles avec ses lois et règlements. La Chambre de la sécurité financière demeurera responsable de la discipline et de la formation continue obligatoire des représentants en épargne collective.

L’Autorité arrimera le tout à la réalité québécoise grâce à quelques ajustements quant à l’existence de la Chambre, les cotisations au Fonds d’indemnisation des services financiers et l’obligation de détenir une assurance responsabilité. En cours de route, l’Autorité rature l’obligation pour une succursale de quatre représentants ou plus d’avoir un directeur de conformité. Néanmoins, ça n’aura pas été suffisant pour convaincre les petits cabinets locaux, qui craignent un fardeau financier et administratif trop lourd.

Surprise à l’Autorité

Le régulateur avoue avoir été surpris de cette réaction. Pour mieux comprendre leurs inquiétudes, il a rencontré les dirigeants des 22 cabinets non membres de l’Association des courtiers de fonds mutuels (MFDA). Une première rencontre a eu lieu à Montréal le 14 juin et une autre à Québec, le 20 juin.
« Nous faisons ces rencontres dans un esprit d’échange et d’ouverture. Nous voulons bien comprendre l’effet qu’aura sur eux l’application des règles du MFDA. Nous voulons comprendre qu’est-ce qui ferait en sorte que cela soit un fardeau insupportable pour eux », dit-il.

M. Déry ajoute que la surprise du régulateur face à leurs réactions est d’autant plus vive, compte tenu que plusieurs commentaires reçus lors de la consultation étaient favorables à l’encadrement du MFDA. « Certains favorisaient même la pleine reconnaissance de l’organisme, mais le gouvernement n’a pas voulu aller là. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas entendu beaucoup de points qui constitueraient une pierre d’achoppement », dit-il.

Le surintendant rappelle que les courtiers actifs à la fois au Québec et hors Québec sont membres du MFDA et en appliquent les règles. Ils représentent 94 % des conseillers en épargne collective au Québec. Les 22 autres cabinets qui ne sont pas membres du MFDA en représentent 6 %.

Le ministre délégué aux Finances, Alain Paquet, souhaite harmoniser les règles au bénéfice des membres du MFDA. Il comprend que les grands cabinets ne veulent pas avoir à gérer deux ensembles distincts de règles dans la marche de leurs affaires. « Mais son intention est que cela se fasse sans mener à un fardeau accru pour les cabinets qui ne sont actifs qu’au Québec. C’est là-dessus que l’on travaille », a expliqué M. Déry.
Néanmoins, il dit croire que l’industre veut faire un pas en avant. Il précise que quand l’Autorité aura fait le tour du jardin une dernière fois, il règlera la question. Après avoir pris connaissance des zones de convergence et de divergence, il a bon espoir de proposer une solution d’ici la fin de l’été ou de l’automne.
« Mais on ne sait pas ce qu’il adviendra d’ici 18 mois du côté du gouvernement. Nous annoncerons à tout le moins les orientations. Les choses suivront alors leur cours selon les contraintes à l’agenda de l’Assemblée nationale », dit-il.

M. Déry et son équipe devront aussi mettre les bouchées doubles pour analyser l’important volume de mémoires reçus lors de récentes consultations. Achevée en mars, celle sur le Fonds d’indemnisation en a attiré 35. Close plus récemment, celle sur la distribution par Internet en a suscité une vingtaine.
Avant une analyse plus approfondie de l’indemnisation, M. Déry penche déjà pour une solution de nature à responsabiliser toute la chaine de distribution, y compris le maillon des consommateurs. Il parle aussi d’une formule qui protège le consommateur sans le couvrir totalement. L’Autorité a l’intention de faire un rapport cet automne au ministre des Finances avec les résultats de sa consultation.

Sujets délicats

Certains sujets risquent d’être fort délicats. Combien coutera le Fonds aux cotisants et que couvrira-t-il? « Les mémoires vont dans toutes les directions sur ces questions », avait déclaré M. Déry lors du 1er colloque du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), organisé à Montréal en mai.

« Tout ce qui touche la couverture et le financement est très sensible. Nous devrons soupeser plusieurs éléments avant d’aller plus loin », dit-il maintenant. M. Déry rappelle toutefois que cette consultation ne vise pas une proposition de règlement. Elle se destine plutôt à établir un cadre conceptuel.

L’Autorité n’avait pas encore jeté un œil sur les mémoires encore chauds de la consultation, sur Internet. L’enjeu que pressent M. Déry, il l’entend depuis un an. « Les conseillers sont préoccupés du fardeau que constituent pour eux la règlementation et la conformité. Ils veulent s’assurer que ces contraintes s’appliqueront aussi aux nouveaux modes de distribution », dit-il.

Outre Internet, ce mode alternatif s’étend maintenant aux tablettes et aux téléphones intelligents. Les modèles d’affaires diffèrent, allant d’un processus d’information avec intervention d’un conseiller jusqu’à la transaction complète. « Dans cet environnement, nous devons nous assurer que le niveau de protection du consommateur ne fluctue pas d’un mode à l’autre », dit le surintendant.

L’Autorité devrait aussi publier sous peu la première version de son indice sur l’éducation financière des Québécois, réalisé à partir de sondages. M. Déry dit avoir axé cet exercice sur les comportements financiers des Québécois. Il veut isoler ceux qui sont sains des autres.

Il souhaite ainsi dégager divers profils qui permettront à l’Autorité de cibler les clientèles les plus vulnérables aux fraudes et ainsi développer des outils en conséquence.

« Les attentes sont très élevées à notre égard. Nos sondages révèlent que deux Québécois sur trois s’attendent à ce que l’Autorité empêche les fraudes de se produire. C’est comme si on s’attendait à ce que les pompiers arrivent avant que le feu n’éclate », ironise-t-il. Il dit toutefois avoir compris le message de la population, qui demande plus de vigilance.