Co-operators a acheté le volume en assurance des particuliers du cabinet Assurances Claude Paquet, établi à Caplan, en Gaspésie, en janvier dernier, et en a fait une agence. Des courtiers gaspésiens n’entendent pas demeurer inactifs : ils comptent attaquer la clientèle passée aux mains d’un assureur direct. Par ailleurs, le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) dit travailler à un plan pour empêcher que cette situation ne se reproduise trop souvent.Claude Paquet a confié à FlashFinance.ca, une publication sœur du Journal de l’assurance, avoir vendu son volume de trois millions de dollars (M$) compte tenu de la présence grandissante des directs. Il se concentrera maintenant sur l’assurance aux entreprises. Sa fille Nathalie Paquet sera l’agente principale de l’agence Co-operators.
La négociation entre le cabinet et l’assureur s’est faite de gré à gré, a révélé Martin-Éric Tremblay, président au Québec de Co-operators, qui englobe aussi l’assureur à courtage L’Union Canadienne. D’autres transactions du genre se feront au cours des prochains mois, prévient-il.
« Notre objectif est d’avoir 50 agences au Québec d’ici 2015. Pour atteindre notre objectif, on s’attend à devoir faire 10 à 15 acquisitions. On ne le fera toutefois pas n’importe où. Ce sera dans des endroits propices pour implanter une agence et non dans un territoire bien desservi par un courtier faisant affaire avec L’Union Canadienne », a-t-il précisé.
Déception au RCCAQ
Stéphan Bernatchez, président du RCCAQ, ne cache pas qu’il est déçu de cette transaction. Pour lui, ce qu’a fait Co-operators à Caplan entre en contradiction avec leur discours des derniers mois, soit que les agences ne viendraient pas concurrencer les courtiers.
« N’y avait-il pas un autre courtier qui aurait pu acheter le cabinet ? Ou encore, pourquoi L’Union Canadienne n’a-t-elle pas regardé pour ouvrir un cabinet de courtage ? On aurait préféré qu’un autre cabinet achète ce volume. Même s’il aurait dû s’associer avec un assureur. Toutefois, Co-operators a décidé d’y aller avec une agence », a-t-il commenté, en entrevue au Journal de l’assurance.
Le RCCAQ veut toutefois prendre action pour aider les dirigeants de cabinets de courtage lorsque vient le temps de passer le flambeau. C’est ce qu’a décidé le Regroupement alors que son conseil d’administration planchait sur sa planification stratégique des deux prochaines années, en décembre dernier. Un plan sera ainsi mis en place, a révélé M. Bernatchez.
« Les courtiers sont bons pour vendre de l’assurance. Toutefois, lorsqu’il est question de vendre un cabinet, c’est quelque chose qu’ils n’ont jamais fait. Le plan sur lequel on travaille leur donnera des options. Tant qu’à vendre à un direct, pourquoi ne pas vendre à un cabinet de courtage ? Pour ça, ça prend des sources de financement. C’est la clé. On explore ainsi pour trouver des sources de financement autres que celles que l’on retrouve dans l’industrie en ce moment », dit-il.
Le RCCAQ dit espérer pouvoir présenter ce plan le plus tôt possible. Cependant, M. Bernatchez n’a pas voulu donner plus de détails. Il prévient toutefois les courtiers d’une chose : financièrement, vendre son cabinet à un assureur n’est pas plus avantageux que de le vendre à un collègue courtier.
« C’est toujours alléchant de voir un assureur direct faire une offre pour nous acheter, en disant que nous avons 48 heures pour nous décider. Toutefois, ce que les courtiers ne savent pas, c’est qu’il y a des clauses dans le contrat de vente qui font en sorte que le montant de vente diminue. Au bout du compte, il aurait obtenu le même prix d’un courtier acheteur », dit-il.
M. Bernatchez ajoute qu’une telle transaction a un impact sur la clientèle et les employés. « Les clients qui vont chez un courtier veulent un conseil. Les employés du cabinet sont aussi habitués de donner des conseils. Quant le cabinet devient direct, souvent, les employés partent. Certains clients sont aussi mécontents, car ils ne sont pas servis de la même façon et ne retrouvent pas les mêmes valeurs que dans un cabinet », dit-il.
Le président du RCCAQ rappelle aussi que les courtiers peuvent s’allier avec d’autres partenaires. « Il y a des acheteurs dans le réseau. Les courtiers peuvent acheter avec un assureur associé ou trouver une autre source de financement pour faire une transaction. Comme courtier, si j’ai un client qui se fait solliciter par quelqu’un d’autre qui lui offre une différence appréciable, j’espère qu’il va venir me voir pour voir ce que je peux lui offrir. Pourquoi n’est-on pas capable de faire la même chose entre cabinets de courtage ? », demande-t-il.
Des courtiers attaqueront
Assurances Chapados Gignac, établi à Paspébiac, tout près de Caplan, compte mener une offensive. « Oui, je vais attaquer le volume de Co-operators, dit Marc Gignac, président du cabinet. Ça fait déjà un bout de temps que j’étais au courant de la situation chez Assurances Claude Paquet. Co-operators avait déjà une participation dans ce cabinet. Je savais donc qu’ils voulaient s’implanter de cette façon. J’avais aussi dans l’idée d’approcher M. Paquet pour acquérir son cabinet », a-t-il dit au Journal de l’assurance.
M. Gignac croit aussi que d’autres cabinets de la Gaspésie feront de même. « De plus, Co-operators ne peut toucher mon volume, car j’ai L’Union Canadienne parmi mes assureurs, ce qui est aussi le cas pour tous les autres courtiers de la région. Je vais avoir les atouts pour reprendre ce volume. Je regarde déjà avec Intact Assurance, qui a une participation dans mon cabinet, pour ce faire. D’autres assureurs m’ont aussi appelé. On met aussi en place une stratégie marketing. On ne se laissera pas faire », dit-il.
Il se dit toutefois déçu de la tournure des événements. « Je déplore le manque de transparence de Co-operators dans le dossier. Ils auraient pu rencontrer les courtiers de la région avant d’agir ainsi. Tous les courtiers en Gaspésie ont L’Union Canadienne comme assureur », dit-il.
Assurances Gervais Paquet possède deux cabinets dans cette région, dont Assurexperts Baie-des-Chaleurs, à Maria, tout près de Caplan. Ce cabinet a été acquis le 31 décembre 2009. Pierre-Éric Paquet, directeur général et actionnaire d’Assurances Gervais Paquet, voit une occasion d’affaires à la suite de cette transaction, a-t-il dit au Journal de l’assurance.
« On croit que les gens qui veulent faire affaires localement seront intéressés à venir chez nous. On les ciblera », explique-t-il.
M. Paquet se dit aussi déçu de cette transaction. « Il y aurait eu d’autres solutions. On aurait été intéressé à faire des choses avec eux. C’était un cabinet familial en plus, qui aurait pu avoir une relève », déplore-t-il.
André Lussier, président de Lussier, cabinet d’assurances et services financiers, possède un cabinet à Chandler. Il n’a pas l’intention de cibler spécifiquement le volume parti chez Co-operators.
« Nous sommes dans un marché compétitif et nous travaillons à gagner tous les clients possibles. Si un client du Groupe Co-operators veut s’en venir chez nous, ce sera tant mieux. Toutefois, de là à partir un mouvement, c’est un peu fort. On ne l’a pas fait contre Desjardins Assurances générales ou La Capitale assurances générales. On ne part pas en guerre non plus contre AXA Assurances ou Intact Assurance, alors qu’ils achètent des volumes. Leur modèle n’est pas très différent de celui de Co-operators. Cet assureur veut entrer au Québec. Le moyen le plus rapide de le faire est par des acquisitions », dit-il.
Deux autres courtiers de la Gaspésie joints par le Journal de l’assurance ont dit qu’ils n’ont pas l’intention de mettre la main sur ce volume, compte tenu du fait qu’ils sont trop loin géographiquement de Caplan.