Un tribunal québécois a condamné un représentant et son cabinet à payer la somme de 641 017,30 $ dans un cas de responsabilité professionnelle du représentant. Ses fournisseurs London Life et Quadrus sont tenus solidairement responsables parce qu’ils ont fait défaut de bien superviser le conseiller. Les parties ont fait appel du jugement.Dun (Victor) Wang, Victor Wang Investments and Wealth Management (Wang inc.), London Life et Services d’investissement Quadrus ont été solidairement condamnés à verser à Yanping Long et Jianli Yang un montant de 641 017,30 $. À ce montant s’ajoute une indemnité prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et dont le montant n’est pas dévoilé dans le jugement. S’ajoutent aussi les frais, dont ceux des témoins experts appelés à évaluer les pertes subies par les deux clients de M. Wang. Les défendeurs en ont appelé à Montréal de cette décision rendue par le juge Paul Mayer, à la Cour supérieure du district de Montréal.

Pour établir le préjudice subi par les plaignants, le juge a regardé leur portefeuille de placement depuis novembre 2008. Il l’a ensuite comparé avec la situation financière dans laquelle ils se trouveraient si leurs directives de placement avaient été suivies et si leur profil initial n’avait pas été modifié de façon discrétionnaire par leur conseiller.

Mme Yang et M. Long ont rencontré M. Wang en mars 2005 dans le but d’investir environ 2,5 millions de dollars (M$) américains, avec un objectif de placement sécuritaire. Les clients recherchaient une certaine capacité de gain, tout en ayant la possibilité de retirer des fonds en tout temps.

« Amitié et argent ne font pas bon ménage »


Ils ont finalement éconduit le conseiller après que leur portefeuille de placement ait subi des pertes dans la foulée de la crise de 2008. Ils le tiennent responsable de ces pertes, car il n’a pas, selon eux, bien évalué la convenance de leurs investissements. Mme Yang et M. Long avaient par ailleurs tissé des liens étroits avec le conseiller. Le juge écrit, dès les premières lignes du document rédigé en anglais, que « ce cas illustre le vieil adage qu’amitié et argent ne font pas bon ménage ».

 

Le plan d’investissement initial convenu par les parties en 2005 comportait 60 % de fonds de revenus viagers, et 40 % de fonds d’investissement immobilier. De mars 2005 à octobre 2008, le conseiller a augmenté graduellement le risque des placements de ses clients, sans obtenir leur autorisation ni même les en informer. La preuve présentée devant le juge a démontré que les clients de M. Wang l’ont constamment interrogé sur la volatilité de leurs placements, et qu’il leur a toujours assuré que ceux-ci étaient sécuritaires.

M. Wang a aussi manqué à son obligation d’évaluer correctement la situation de M. Long et de Mme Yang ainsi que leur connaissance du marché financier. Nouveaux arrivants au Canada en 2004 après avoir vendu leur entreprise en Chine, ils ne parlaient ni anglais ni français. Ils avaient une connaissance très limitée des marchés financiers. Ils dépendaient alors entièrement de leur conseiller dans la gestion de leurs placements. De plus, M. Wang a erronément qualifié les demandeurs d’investisseurs à long terme intéressés par des placements à risque. Les clients lésés n’ont jamais ratifié le nouveau profil d’investissement adopté par leur conseiller.

Le juge a tenu le conseiller et son cabinet responsables du préjudice subi par ses deux clients, car ils ont manqué à leur obligation de les informer, fait une évaluation fautive de leur profil financier et effectué des placements de façon discrétionnaire et à risque.

M. Wang a manqué à son obligation de conseiller ses clients avec compétence, ajoute le juge Mayer. Il leur a demandé, entre autres, de signer des chèques en blanc ainsi que des formulaires vierges afin de faciliter la gestion de leurs actifs durant leur absence. Le conseiller n’a pas non plus maintenu un registre adéquat des documents des demandeurs. Par exemple, la correspondance financière des clients étaient acheminée à sa résidence.

Manque de supervision de London Life


Les faits reprochés à M. Wang entrainent la responsabilité des sociétés que son cabinet et lui représentaient au moment des faits. Même s’il était devenu conseiller indépendant en 2005, il existait un mandat, que le juge a qualifié d’apparent, entre le conseiller et son ancien employeur, London Life.

 

La Cour estime que London Life est demeurée responsable des placements des clients parce que ceux-ci croyaient de bonne foi à l’existence d’un mandat, même si aucun n’avait été signé. Par exemple, le conseiller travaillait dans les mêmes bureaux de London Life qu’à l’époque de son lien d’emploi, sur le boulevard de la Côte-Vertu à Ville Saint-Laurent. Sa correspondance l’identifiait en outre comme un agent de London Life.

La preuve démontre aussi que London Life a fait défaut de superviser adéquatement le conseiller, en dépit des signes qui attestaient d’une gestion déficiente de ses dossiers. Quadrus peut aussi être tenu responsable du préjudice causé par le manque de supervision de son représentant.

London Life et Quadrus ont rejeté cette responsabilité. Par exemple, Quadrus se défend d’être lié aux pertes subies dans des produits de fonds distincts de London Life. Quadrus invoque de plus que seul 11 % du portefeuille des deux clients était investi dans ses fonds communs, et que cette partie de leur portefeuille leur avait été profitable.

Le juge Mayer n’a pas retenu ces arguments. Il a plutôt fait valoir le lien de filiale qui relie Quadrus à London Life. Il a aussi considéré le portefeuille des clients comme unique et global, même s’il était constitué de produits de sources différentes (dont des fonds de tiers).

Il n’a toutefois pas accordé au couple les dommages punitifs de 100 000 $ qu’ils recherchaient contre M. Wang. Leur situation ne répondait pas aux critères prévus par la loi, dit le juge Mayer. « Les dommages sont beaucoup plus l’exception que la règle », a-t-il statué en faisant référence à l’article 1621 du Code civil du Québec.

Audition à la Chambre


Dun Wang (certificat no 148512) devait comparaitre devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière les 4 et 5 novembre. L’audition sur culpabilité du conseiller porte sur quatre chefs d’infraction : défaut d’exercer ses activités avec intégrité, honnêteté, loyauté, compétence, professionnalisme, bonne foi et équité; absence d’analyse de besoins financiers ou analyse de besoins financiers non conforme; ne pas avoir cherché à avoir une connaissance complète des faits; défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de ses clients.