Le nombre de Canadiens à l’approche du décaissement a triplé en cinq ans, alors que les bas taux d’intérêt et la volatilité des marchés n’ont cessé de jouer avec leurs nerfs. Les compagnies de fonds doivent aujourd’hui rivaliser d’ingéniosité pour offrir à ce segment prometteur, mais échaudé, une denrée rare : un revenu de retraite stable.

Placements mondiaux Sun Life (Canada) a récemment lancé des fonds de fonds et des fonds individuels axés sur le revenu. Standard Life a lancé des obligations à profil démographique dans ses régimes de retraite collectifs et des fonds à rendement absolu. Invesco fait l’éloge de l’indexation intelligente comme meilleure façon de protéger le capital. BMO Gestion d’actifs mise sur le contrôle de la volatilité par l’entremise de nouveaux fonds négociés en bourse (FNB).

Cette tendance vers les produits à revenu stable s’accentuera dans l’industrie des fonds d’investissement, tant sur le plan individuel qu’institutionnel, croit pour sa part Anne Meloche, vice-présidente Québec et Est du Canada, institutionnel, de Placements mondiaux Sun Life. Deux thèmes incontournables la soutiennent : le vieillissement de la population et l’environnement économique qui perdure.

La tendance démographique actuelle au Canada est éloquente. « Entre 2007 et 2012, le nombre de Canadiens âgés de 55 ans à 64 ans a presque triplé, passant de 1,3 million à 3,7 millions, a-t-elle révélé en entrevue au Journal de l’assurance. Chaque jour, 1 000 Canadiens atteignent l’âge de 65 ans. Ces gens qui approchent de la phase de décaissement recherchent des revenus stables. »

Échaudés par trois crises en dix ans, les investisseurs se remettent à peine de celle de 2008, la plus profonde depuis la grande dépression de 1929. « Les investisseurs ont changé leur attitude face aux placements : ils ont fui vers des classes d’actifs plus sécuritaires, observe Mme Meloche. L’épargne des ménages canadiens est actuellement investie en titres à revenu fixe et en dépôts à terme dans une proportion de 57 %. »

Cette chasse à la sécurité pose maintenant un problème aux futurs retraités : comment vivre une retraite confortable avec un revenu qui doit reposer sur de faibles taux d’intérêt? « Le taux des dépôts à terme de 10 ans tournent autour de 2 %. Il faut aller au-delà d’un horizon de 30 ans pour dépasser un taux de 2,5 %.

Placements mondiaux Sun Life a ainsi élargi sa famille du Portefeuille géré Granite avec Portefeuille géré revenu Sun Life et Portefeuille géré revenu élevé Sun Life. Dirigée par Sadiq S. Adatia, premier directeur des placements, gestionnaire de portefeuilles de Placements mondiaux Sun Life, l’équipe de gestion a pour mandat de procurer aux investisseurs un revenu régulier de diverses sources sous forme de distributions mensuelles, dont la cible se situe entre 0,04 $ et 0,05 $ par part de 10 $, dit Mme Meloche.

« Ces distributions correspondent à un rendement annuel de 4,8 % à 6 %, dit-elle. Les fonds entendent produire des revenus stables avec une approche "multigestionnaires" et "multiclasses" d’actifs, où le rendement n’est pas obtenu au détriment de la protection du capital. »

Pour atteindre cette cible, l’équipe investit principalement dans une combinaison de fonds communs et de FNB de titres à revenu fixe et d’actions axées sur le revenu. Le risque de placement oscille entre faible et modéré, et l’équipe le gère en investissant à moyen ou à long terme, dans un large éventail de catégories d’actifs et d’emplacements géographiques.

Certains de ces nouveaux fonds communs individuels seront disponibles au sein des régimes collectifs de Sun Life dans les prochains mois, a précisé Mme Meloche. « Financière Sun Life est à considérer l'ajout de ces nouveaux fonds de revenus à son offre de fonds distincts existante, a-t-elle révélé. Placements Mondiaux Sun Life n'offre pas de fonds distincts à ses clients, mais plusieurs de ses fonds communs sont offerts à même les fonds distincts de Financière Sun Life. »

Indices intelligents


Chef de la distribution de PowerShares Canada, une filiale d’Inovesco, Michael Cooke a pour sa part plaidé en faveur d’une approche intelligente en matière d’investissement à revenu fixe. Selon lui, l’environnement économique actuel requiert en effet une nouvelle approche de la part des conseillers.

 

« L’environnement économique ne vous a pas facilité les choses, a-t-il lancé aux conseillers, lors d’une présentation à Toronto. La reprise a été plus lente que prévu, soit 1,5 % en dessous de la tendance habituelle pour une période de dix ans, après une crise de crédit. Les banques centrales se sont ainsi engagées à soutenir cette reprise en maintenant les taux d’intérêt bas et en injectant des liquidités dans l’économie. Plusieurs facteurs rendent improbable une hausse prochaine des taux d’intérêt. Votre défi est de produire un revenu de retraite à vos clients dans cet environnement. »

M. Cooke croit que les conseillers ont intérêt à proposer aux investisseurs des fonds communs et des fonds négociés en bourse qui « indexent » intelligemment, plutôt qu’un fonds indiciel qui suit servilement le marché en détenant tous les titres. Indexer intelligemment, explique-t-il, c’est, par exemple, mesurer la volatilité ou le risque systémique.

C’est aussi doter ses fonds d’une structure qui combine des FNB cotés sur les marchés américains et des fonds communs canadiens. Une structure qui permet d’ailleurs aux 21 fonds PowerShares de reposer sur des indices qui donnent accès à des marchés souvent trop dispendieux pour l'investisseur moyen : mandats de titres à revenu fixe et d'actions, régions mondiales et secteurs dans des créneaux précis.

Agir intelligemment en matière d’investissement à revenu fixe, ce peut être également pouvoir ajuster le portefeuille d’obligations du client en fonction des cycles économiques qu’il traverse. Selon M. Cooke, des produits tels que Fonds d'obligations tactique PowerShares, série A (fonds REÉR) et Catégorie d'obligations à rendement en capital tactique PowerShares, série A (fonds à avantage fiscal) sont aptes à le faire. Le chef de la distribution inclut aussi dans ses solutions le fonds négociable en bourse d’obligations tactique (cote PTB).

Les deux fonds communs offrent une commission de service de 50 points de base (0,50 %) et les trois produits ont recueilli un actif de 370 millions de dollars à ce jour, a révélé M. Cooke, lors de sa présentation. Chef des investissements de l’équipe de répartition mondiale d’actifs d’Inovesco, Scott Wolle est le maitre à penser des stratégies et tactiques entourant ces fonds.

Ces stratégies seront précieuses. M. Cooke croit en effet que les marchés financiers seront soumis à une forte volatilité en 2013, particulièrement dans le secteur des titres à revenus fixes. L’une de ces stratégies consiste à garder ses distances avec l’indice obligataire DEX Universe en le recréant à partir d’une série de FNB. Le gestionnaire demeure ainsi flexible. Il peut coller à l’indice comme il peut en changer la répartition selon les circonstances du marché. Il peut aussi cibler un rendement additionnel par rapport au DEX, tout en conservant un profil de risque similaire.

Combattre la volatilité


Alain Desbiens, vice-président aux ventes, Est du Canada de BMO Fonds Guardian, met pour sa part un bémol sur l’indexation intelligente. « Elle est très populaire aux États-Unis, mais demeure marginale au Canada », observe-t-il. Il ne rejette toutefois pas le concept d’indice intelligent. « Il faut juste clarifier ce qu’est un indice intelligent. Pour nous, c’est l’équipondération », explique M. Desbiens.

 

Avec l’équipondération, le poids de chaque titre d’un portefeuille est identique. BMO utilise cette méthode pour éviter certains problèmes que cause la pondération par capitalisation boursière, comme l’inefficience des marchés et l’irrationalité du comportement des investisseurs.

Peu importe l’approche retenue, l’important est de faire simple. « Plusieurs dans l’industrie tendent à "surcomplexifier" les produits d’investissement, alors que la tendance dans le marché est à plus de transparence. L’avenir appartient à ceux qui simplifient, vulgarisent et appuient leurs produits par des concepts simples, et les offrent à un cout raisonnable », dit M. Desbiens.

Il observe par ailleurs que les tendances de l’heure en FNB sont les fonds de dividendes, les fonds « antivolatilité » et les fonds de fonds. Il remarque aussi une popularité accrue des FNB exposés aux actions américaines et ceux de pays émergents. « Nous verrons également beaucoup de fonds à efficacité fiscale », prévoit-il.

Il sera important en 2013 de combattre la volatilité, ajoute M. Desbiens, qui croit que les produits FNB BMO sont bien placés pour le faire. Par exemple, son FNB d’actions canadiennes à faible volatilité ZLB a surpassé le rendement de l’indice TSX 60 en 2012, selon le rapport annuel de Pat Chiefalo, directeur des produits dérivés et structurés à la Financière Banque Nationale.

BMO a par ailleurs dominé le marché des FNB au Canada pour les nouveaux actifs en 2012, pour la deuxième année consécutive. FNB BMO comptait en effet 40 % du total des entrées de fonds de ce marché, l’an dernier, au Canada. L’actif de ses a augmenté de 130 % durant cette période, au terme de laquelle il a atteint 5 milliards de dollars. BMO offrait 48 FNB à la fin du mois de janvier.