Lors de la conférence sur l’assurance de la firme de consultation KPMG le 29 avril, Patrick Déry, surintendant de l’encadrement et de la solvabilité à l’Autorité des marchés financiers, a fait le point sur les attentes du régulateur à l’égard de l’industrie. Pour M. Déry, il est clair que l’Autorité n’a pas l’intention de jouer à la police auprès des assureurs. Il dit que le régulateur est là prévenir les cas d’insolvabilité.

Pour la gestion des risques, M. Déry affirme que les assureurs comprennent le jargon et les principes voulus par l’Autorité depuis la publication de sa ligne directrice sur le test de la suffisance du capital dès 2009. Le processus d’évaluation interne des risques et de la solvabilité (ORSA) a été institué à la demande du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). L’Autorité entend préciser prochainement son interprétation du processus ORSA. « Notre rôle n’est pas de gérer vos risques à votre place, mais de nous assurer de prévenir des cas d’insolvabilité », dit-il.

Il affirme que l’Autorité a su établir un dialogue clair et constructif avec l’industrie au fil des ans. « Notre message a été entendu. Il y a eu de grands progrès et on ne retournera pas en arrière. »

Il a été question de la ligne directrice sur les saines pratiques commerciales publiée en juin 2013. « Nous nous servons des lignes directrices pour exprimer de grands principes et exprimer nos attentes. Ce n’est pas une prescription très fine, car l’on ne veut pas avoir à règlementer chaque segment d’affaires », rappelle M. Déry.

« Nous ne sommes pas là pour jouer à la police », ajoute-t-il. L’encadrement est le même pour l’assureur qui a une approche « vente à tout prix » ou pour celui qui pense d’abord au client. En matière de surveillance, l’approche de l’Autorité est basée sur les risques et vise à mesurer l’impact de certaines pratiques sur la solvabilité des assureurs.

Baptème du feu


M. Déry préside actuellement le Conseil canadien des responsables de la règlementation en assurance (CCRRA). Les membres travaillent à harmoniser l’encadrement des pratiques commerciales d’une province à l’autre. Ils s’inspireront de la ligne directrice en vigueur au Québec, car « elle a subi le baptême du feu » depuis deux ans.

 

Le BSIF ne publiera pas de ligne directrice sur les pratiques commerciales, car la protection du consommateur relève de la juridiction des provinces. Il serait étonnant qu’un organisme fédéral veuille ouvrir une nouvelle bataille constitutionnelle comme cela a été le cas pour l’encadrement des valeurs mobilières, dit-il.

M. Déry a aussi abordé la question des risques émergents. Il souligne que l’Autorité reçoit régulièrement des représentations des assureurs qui veulent valider les nouveaux produits qu’ils désirent mettre en marché. « Grâce à ce dialogue constant avec l’industrie, les enjeux sont connus à l’avance, et cela inclut la protection des renseignements personnels. »

À cet égard, Patrick Déry rappelle que la télématique soulève le problème de l’impartition des services à une tierce partie. Les fournisseurs de produits acceptent de fournir de l’information à l’assureur sur les habitudes de conduite. Cette information pourrait servir à d’autres assureurs, voire à développer de nouveaux produits.

« Nous verrons quel est le risque lié à l’impartition, mais selon moi, l’assureur demeure responsable. Il doit démontrer qu’il prend tous les moyens requis pour protéger l’information plus sensible », dit-il.

Impact sur les nouveaux produits


Cette même logique s’appliquera à d’autres nouveaux produits, laisse entendre M. Déry. La gestion de risques comportera les mêmes variables que celles qui servent à encadrer les produits existants. Les transactions financières sont désormais entièrement gérées par des systèmes informatiques qui communiquent entre eux. Selon lui, la préoccupation de l’Autorité envers les risques reliés à la cybercriminalité est très réelle.

 

D’ailleurs, le régulateur sondera bientôt les assureurs afin de mesurer l’état des lieux. « Je le répète, nous sommes ici en mode de sensibilisation de l’industrie. » Quelque 280 assureurs détiennent un permis d’exploitation au Québec, et ils sont légalement tenus de répondre à un tel sondage, précise M. Déry.

Le surintendant a aussi précisé sa vision de l’inscription du représentant dans le contexte où la vente d’assurance par Internet risque de faire son entrée dans le marché. « Au sein de l’Autorité, le message fait aux consommateurs sera le même que celui qui est véhiculé en valeurs mobilières, soit de vérifier si la personne qui les informe du produit est un représentant certifié. Cela dit, à Singapour, le consommateur peut souscrire une assurance en ligne, et sans intermédiaire. La tendance est forte », dit-il.

Des nouveaux produits seront requis afin de couvrir les risques émergents, comme ceux reliés au fait d’utiliser son véhicule à des fins de taxi, comme dans le cas d’Uber, ou la possibilité de louer sa résidence, à l’exemple des clients d’AirBNB. Il existe déjà des règles dans l’industrie, rappelle Patrick Déry. Le consommateur est tenu d’informer l’assureur de tout changement de son comportement quant à l’utilisation des biens qui sont couverts, afin de bien gérer le risque.

Côté littératie financière, M. Déry rappelle qu’avec la collaboration du Groupement des assureurs automobiles et d’ÉducaLoi, on a réussi à produire une police d’assurance auto plus accessible au commun des mortels. « Le document est plus long, mais il est plus facile à comprendre », dit-il