Si l’industrie ne modifie pas ses pratiques en assurance habitation, elle s’expose à une intervention réglementaire. C’est ce que craint Charles Brindamour, président et chef de la direction d’ING Canada.

« Il est urgent d’agir. Le produit est l’un des premiers endroits où l’on doit bouger. La construction du produit n’est pas adéquate à l’environnement actuel. On a un produit conçu pour le feu, mais il couvre l’eau. Si on attend trop, on s’expose à des problèmes de capacité, à des rebondissements importants en tarification et à une intervention réglementaire potentielle. Notre force est de protéger nos clients. Nous avons l’occasion de faire un pas important, d’améliorer nos relations avec les consommateurs et de moderniser notre produit », a indiqué M. Brindamour, dans une entrevue accordée au Journal de l’assurance le 23 septembre dernier.

« Si on n’agit pas rapidement, on s’expose à des problèmes de capacité. Les assureurs ne voudront plus faire d’assurance habitation et l’industrie sera exposée à une intervention réglementaire. Il faut l’éviter. Nous sommes prêts à vivre avec les conséquences d’être le premier à bouger », a-t-il indiqué.

Bouger ne veut pas simplement dire d’augmenter les primes pour M. Brindamour. Ça implique de revoir tout le contrat d’assurance à sa base.

Le président et chef de la direction d’ING Canada ne cache pas que le segment le moins profitable en ce moment est l’habitation. C’est pourquoi les primes d’assurance habitation d’ING Canada ont subi une hausse moyenne de 7 % depuis un an. « Nous avons un ratio combiné de 114 en habitation depuis le début de l’année. C’est complètement inacceptable. C’est un problème qui afflige toute l’industrie », dit-il.

M. Brindamour rappelle que l’industrie IARD canadienne a concentré ses efforts en assurance automobile au cours des dernières années, vu les changements législatifs survenus en Ontario et en Alberta. Il croit que l’industrie doit maintenant consacrer ses énergies à l’assurance habitation.

Indiscipline

M. Brindamour pointe ses collègues pour expliquer en partie la non-rentabilité du secteur de l’assurance habitation. L’indiscipline se fait aussi sentir dans d’autres secteurs selon lui.

« On observe clairement de l’indiscipline dans les lignes commerciales, mais aussi en habitation. En automobile, dans les marchés où on a vu une pression sur les coûts, nos compétiteurs ont bougé plus lentement que nous. Est-ce de l’indiscipline ou de la lenteur? Quoiqu’il en soit, on observe clairement dans le top 10 un enjeu de ce côté. Quand on regarde les résultats en juin 2008, on voit que l’industrie est environ à 100 de ratio combiné, que le top 10 est à 103 et que le top 5 est à 104. Nous affichons un ratio combiné d’environ 98. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ça, mais le manque de discipline en est un », dit-il.

Le président d’ING Canada ajoute que les assureurs ne sont pas obligés d’avoir tous le même produit. « Nous avons toute la latitude nécessaire pour réorienter la construction de notre produit et l’adapter aux nouvelles conditions environnementales. On doit réfléchir et s’assurer que chacune des causes des dommages soit reflétée dans la construction du produit. En ce moment, on a un "one size fit all". »

« Le produit de base avec avenants n’est peut-être pas sur quoi on doit construire. Il vaut mieux prendre du recul et évaluer du point de vue du client comment la proposition de risques doit être adaptée à chacun des dommages. C’est sur quoi on se penche en ce moment », dit-il.

M. Brindamour souligne que la bonne réputation de son service d’indemnisation lui a permis d’augmenter graduellement de 7 % les primes en assurance habitation en 2008. Pour les nouvelles affaires, c’est plus difficile. La croissance en unités de polices est en baisse, mais la hausse des primes d’assurance est venue la compenser », dit-il.

Le président d’ING Canada ajoute que les problèmes de l’assurance habitation ne datent pas d’hier. « Au cours des dix dernières années, nous avons vu une augmentation importante des précipitations et des catastrophes. Ce fut pire en 2008 qu’en 2007. La question à se poser maintenant est comment rétablir la rentabilité du produit ? »

Sous-investissements importants

Ces changements arrivent en même temps que les sous-investissements importants dans les infrastructures municipales souterraines, dit-il. Au niveau individuel, depuis 10 à 15 ans, les gens utilisent différemment leur sous-sol. Le cinéma maison est devenu monnaie courante. La conséquence de tout ça est que nous avons un produit conçu pour le feu qui couvre maintenant de l’eau », explique M. Brindamour.

En plus de la structure du produit, d’autres éléments doivent être revus selon M. Brindamour. « L’industrie perd de l’argent en habitation depuis environ trois ans. La tarification est appelée à augmenter. Chez ING, nous avons amélioré notre segmentation et notre tarification pour l’eau. Autre enjeu : il y a beaucoup de sous-assurance. On est plus bas que le coût de reconstruction. Il y a une correction qui doit se faire de ce côté », dit-il.

L’indemnisation doit aussi être revue selon M. Brindamour. Il faut améliorer ses compétences en indemnisation et mieux réagir aux pertes et aux dommages causés par l’eau. ING a mis de l’avant une solution, comme le Réseau Confiance, fondée sur des réseaux de partenaires privilégiés. ING dit donner un service plus rapide, offrir des références d’entrepreneurs et assurer une garantie sur le travail.

« C’est grâce à cela qu’on réussit à avoir une pénétration élevée dans le Réseau Confiance sans avoir à forcer nos clients. Ils sont tout à fait libres. Ce qu’on observe, plus en habitation qu’en automobile, c’est que les gens ont besoin de références rapidement. Près de 70 % de nos clients y ont adhéré en habitation au cours des deux dernières années », mentionne-t-il.

Les derniers éléments de redressement passent par la prévention et la sensibilisation. « Nous avons fait un travail accru de ce côté pour que nos clients évitent les dommages et les réclamations. Nous avons aussi sensibilisé les gouvernements aux conséquences des sous-investissements des infrastructures souterraines. C’est un travail qui se fait aussi au niveau de l’industrie. Il y a un comité en place au Bureau d’assurance du Canada sur ce sujet », dit-il.