Les produits d’invalidité et de maladies graves simplifiés connaissent une croissance importante, malgré leurs garanties plus restrictives. Les joueurs spécialisés voguent sur cette vague en récupérant le vide laissé par les produits traditionnels haut de gamme.

photo_web_1496Dominé par des joueurs « de niche », le créneau des produits de prestations du vivant simplifiés fait tendance. Les conseillers privilégient plus qu’avant les produits à émission garantie ou à souscription simplifiée. Ces polices donnent une seconde chance à des clients refusés ou acceptés avec restriction au sein d’un produit traditionnel.

Spécialisé dans ce créneau, l’agent général The Edge a le vent dans les voiles avec son produit offert en version à émission garantie ou à souscription simplifiée. Son PDG, Neil Paton, a révélé que son produit Assurance invalidité The Edge (mieux connu sous son nom anglais, Edge Benefits) a contribué à faire croitre ses affaires de 42 %, lors des trois premiers mois de 2013, en comparaison de la même période, en 2012. Avec 14,5 millions de dollars (M $) de primes en 2012, The Edge a connu une croissance de 12 % l’an dernier, comparativement à 2011.

M. Paton dit tirer parti de l’écart entre ce qu’offrent les produits traditionnels et les besoins des travailleurs autonomes et des propriétaires de PME. « Le marché traditionnel de l’assurance invalidité a ses problèmes : les prix augmentent, les délais d’émission s’allongent et il y a des refus. »

Cela crée un segment de marché mal desservi, qui croît rapidement, soit celui des travailleurs autonomes et des propriétaires de PME. Dans les dernières années, The Edge a élargi la cible de son produit d’invalidité, axé à l’origine sur le segment des cols bleus, pour mieux saisir cette occasion. Il vise maintenant les cols gris et blancs. « Nous ciblons tous ceux dont l’employeur ne couvre pas le revenu en vertu d’un programme d’avantages sociaux. »

The Edge commercialise ses propres produits d’assurance invalidité et maladies graves. RBC Assurances assumait la souscription et la gestion du risque d’Assurance invalidité The Edge jusqu’au 1er mai. Les deux partenaires n’ont pas renouvelé l’entente qui les liait. Assureur jusqu’alors absent de ce secteur, Co-operators a pris le relais (voir encadré). Il commercialise aussi sept autres produits : l’assurance risques spéciaux (maladies graves, fracture, accident, mort et mutilation accidentelle) avec ACE INA, l’assurance maladie et dentaire avec Greenshield et l’assurance voyage avec Alliance Global.

Il a aussi développé, avec les années, des ententes de distribution avec des assureurs dotés d’une force de vente captive, dont Financière Sun Life et Co-operators. Le 1er octobre 2012, il en a conclu une autre avec Primerica. Cette récente entente a été un autre vecteur de croissance pour les affaires de l’agent général.

Sun Life lui donne accès à environ 3 000 conseillers et Primerica, 10 000. Ce ne sont toutefois pas tous les conseillers qui vendent Edge Benefits. Par exemple, seuls 100 des 1 000 conseillers de Co-operators le vendaient, avant la signature de l’entente d’assurance, le 1er mai. Co-operators et son nouveau partenaire prévoient que cette entente fera grimper l’adhésion.

John Dark, actuaire et responsable des occasions d’affaires chez Co-operators, croit que plus d’agents vendront le produit, en raison des conditions de rémunérations fixées dans l’entente. « Les ventes du produit Edge Benefits compteront maintenant pour le pointage relié aux concours de vente », a-t-il révélé.

Co-operators accède ainsi à un nouveau marché. Avant le 1er mai, l’assureur commercialisait uniquement un produit d’assurance invalidité hypothécaire en avenant sur ses produits temporaires et de vie universelle. Or, l’entente d’assurance permet à Co-operators de répartir le risque d’un tel produit, puisqu’il lui permet d’accéder à d’autres réseaux que ses seuls agents captifs, a précisé M. Dark.

Refus élevés


Assureur de niche, Humania Assurance (anciennement La Survivance) a aussi manifesté son intérêt envers le marché des produits simplifiés. Elle fera le saut en juin, sous la forme d’une gamme de produits simplifiés sans examen médical à émission instantanée : Humania – Assurance sans examen médical. Il s’agit de produits temporaires d’assurance vie, d’invalidité et de maladies graves qui peuvent être souscrits séparément. Le produit de maladies graves couvre quatre maladies : cancer, crise cardiaque, accident vasculaire cérébral et pontage coronarien.

 

Assurance sans examen médical se transigera sur le Web. Le client pourra même accéder lui-même au site pour obtenir des taux, mais devra obligatoirement passer par son conseiller pour conclure la vente. Le conseiller rencontrera le client pour établir ses besoins et remplira ensuite la proposition en ligne, en présence du client. « Nous recevons l’information au moment même et la police peut alors entrer en vigueur à minuit. Le client reçoit ensuite sa police par courrier », dit le vice-président ventes et markéting d’Humania, Stéphane Rochon.

Le client accèdera à différentes tables de taux, en fonction de ses réponses à quelques questions. « Le client pourrait, par exemple, obtenir trois prix différents, selon ses réponses », explique M. Rochon. Il y a toutefois des incontournables. Pour la couverture d’invalidité, par exemple, le client doit être apte au travail et ne pas avoir purgé de peine de prison. Humania a toutefois limité les exclusions au minimum, tablant plutôt sur des limitations liées à des conditions préexistantes au moment de souscrire la police. « Nous préserverons ainsi la qualité du produit, mais la prime sera plus élevée », a-t-il dit.

M. Rochon se dit confiant de voir ces produits se tailler une place rapidement, étant donné l’approche par Internet, rapide et facilement exportable hors Québec. À ce jour, c’est le produit d’assurance créance AssurDette qui mène le bal dans les ventes d’Humania. Alors que ses nouvelles primes d’assurance ont connu une croissance de 8 % en 2012, par rapport à 2011, celles d’AssurDette ont cru de 25 %, durant la même période.

« Avec Assurance sans examen médical, notre but est de donner une alternative à nos conseillers pour qu’ils puissent assurer peut-être jusqu’à la moitié de leurs clients refusés en vertu d’autres produits. En assurance invalidité, par exemple, un dossier sur cinq sera refusé ou modifié de façon importante avant son émission, selon notre expérience », dit M. Rochon.

Toujours selon son expérience, le taux de refus est semblable pour les produits d’assurance maladies graves. « Chez les proposants de 40 ans et moins, le taux de refus est à peu près normal. Chez ceux de plus de 40 ans, ils sont pratiquement d’un sur cinq, dit M. Rochon.

Pro Vie assurances a aussi emprunté l’avenue des produits simplifiés pour les cas problématiques. L’agent général couvre bon an mal an 70 % de ses clients cols-bleus et blancs en vertu de produits traditionnels. « Nous sommes contents lorsque nous atteignons ce ratio. Pour le 30 % qui reste, nous devons toutefois envisager d’autres solutions. Nous regardons les produits de maladies graves et d’invalidité simplifiés de plus près que jamais, dit Christian Laroche, vice-président principal de Pro Vie. Le conseiller, fatigué de perdre un contrat sur trois, apprécie cette alternative. »

Il travaille dans ce créneau avec des fournisseurs tels qu’Humania Assurance pour ses produits de maladies graves et d’assurance salaire, et la Financière Manuvie pour son produit accident. Pro Vie a aussi signé un contrat avec L’Excellence, en 2013, et surveillait avec intérêt le lancement d’un nouveau produit d’assurance salaire simplifié de RBC Assurances, en mai.

L’agent général a vu ce segment croitre plus que jamais en 2012, au sein de ses affaires. Ce segment a aussi cru davantage que les autres. Partant de peu, le volume de primes a pris une part de 17 % dans les affaires totales de Pro Vie en produits de prestations du vivant. « On se prépare à cette vague », a dit M. Laroche, dont la moitié des affaires sont réalisées par des produits de prestations du vivant.

Pour ces produits plus faciles d’accès, les assureurs se prémunissent des mauvais risques en établissant des restrictions sur les conditions préexistantes. Ces produits font l’objet d’une forte demande, dit M. Laroche.

De son côté, Prospero-Assurance est habituée de jouer le rôle de solution de rechange avec un produit d’assurance maladies graves taillé sur mesure pour son cabinet : Avantages plus III. En fait, ses ventes demeurent à peu près égales année après année, soit une croissance de 10 % à 12 %.

Produit temporaire à 70 ans assuré par Croix Bleue, il est doté d’une structure qui permet de baisser le prix du produit. Par exemple, l’assuré peut choisir seulement l’un ou l’autre des cinq montants d’assurance suivants : 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $ ou 25 000 $. Le produit couvre 11 maladies.

« La majorité des conseillers se servent de notre produit comme dépanneur, car ils ont loupé leur client avec un autre produit, explique son directeur du développement, Jean-Luc Fréchette. Mon produit de niche a des contraintes, mais aussi de beaux avantages. »

Produit conçu pour ne pas couter les yeux de la tête, son option de remboursement est offerte à l’échéance de 71 ans pour la moitié des primes seulement. « Il n’y a pas 10 de nos contrats qui se soient vendus sans cette option », a ajouté M. Fréchette.

La souscription simplifiée comporte cinq questions médicales et ne tient pas compte des antécédents familiaux. Les conditions préexistantes de cholestérol et d’hypertension artérielle sont acceptées, si elles sont bien contrôlées. M. Fréchette précise aussi offrir une commission nivelée à vie aux conseillers pour la vente de ce produit.

Le produit peut être émis de 18 à 60 ans, à taux régulier. « L’émission est possible entre 60 et 65 ans, mais selon les taux qui seront établis par la compagnie, au moment de la souscription », explique M. Fréchette. Le produit coutera par exemple 92,56 $ par an à une femme non-fumeuse de 18 ans, pour 25 000 $. Selon les mêmes conditions, il en coutera 510,06 $ à une femme de 48 ans.
L’assurance maladies graves est le seul produit maison de Prospero-Assurance, depuis qu’elle a vendu son bloc de produit d’assurance créance Le Créditeur à Humania Assurance. Elle négocie actuellement avec des assureurs pour « créer quelque chose de similaire », a confié M. Fréchette.

Insatisfait des conditions imposées par RBC, The Edge passe à Co-operators

RBC Assurances et The Edge ont mis fin à une relation de plusieurs années le 1er mai, en ne renouvelant pas le contrat qui liait l’assureur à l’agent général comme assureur de son produit invalidité maison. The Edge s’est trouvé un nouveau partenaire en Co-operators, et RBC a, de son côté, lancé un produit similaire.

Après discussion avec RBC, le PDG de The Edge, Neil Paton, s’est dit insatisfait des conditions de renouvèlement imposées par RBC. Il a confié au Journal de l’assurance que les conditions proposées par RBC l’auraient amené à céder plus de contrôle sur l’administration et la commercialisation des polices, en plus de devoir en hausser les prix. Il a alors décidé d’aller en appel d’offres, pour éventuellement signer une entente avec Co-operators.

Renouvelable, l’entente en vigueur depuis le 1er mai prévoit que Co-operators administre toutes les réclamations de Edge Benefits et souscrive le risque en ce qui touche le volet maladie du produit.

The Edge transigeait avec les agents généraux du Québec par l’entremise de la place d’affaires montréalaise de RBC Assurances. Pour pallier la fin de l’entente, The Edge a ouvert un bureau le 1er mai, à Montréal, avec une représentante des ventes à temps plein, Farzaneh Tajkarimy. L’obtention du permis de The Edge pour offrir ses produits au Québec était en cours, au moment de l’entrevue réalisée à la mi-avril.

Au sein de son réseau d’agences au Québec, Co-operators a pour sa part désigné une responsable pour les ventes qui seront faites dans la province par The Edge, a révélé John Dark, actuaire et responsable des occasions d’affaires chez Co-operators. Il s’agit de Christiane Dostie, l‘une des 16 consultantes des ventes déployées par l’assureur, à travers le Canada.

« Nous avons cessé nos activités d’assurance vie au Québec en 2007, mais y offrons encore de l’assurance vie individuelle par l’entremise de notre réseau d’agences », a expliqué M. Dark. Après avoir quitté l’assurance vie au Québec, Co-operators a ouvert une quinzaine d’agences, depuis 2010, surtout dans la région de Montréal, dans lesquelles l’assureur distribue à la fois de l’assurance de dommages et de l’assurance vie.

L’ensemble des représentants à travers le Canada aura un défi de taille. Co-operators cible en effet un rendement dans « les deux chiffres » dans toutes ses gammes de produits. Or, la nouveauté du créneau de The Edge appelle une certaine transition. « Il y aura des ajustements et une transition à faire, car les agents de RBC ne vendront plus le produit de The Edge. D’un autre côté, nos quelque 100 agents qui vendent ce produit croitront en nombre, progressivement. Nous croyons revenir à une croissance à deux chiffres dans ce segment, dès 2014. Co-operators a 1 000 agents », dit-il.

L’actuaire ne doute pas qu’il pourra atteindre ses objectifs. « Nous avons déjà beaucoup d’expertise dans ce créneau, en raison de notre produit créancier. La nouvelle entente nous amène un potentiel de 22 500 conseillers, à travers le Canada. Ce sont des conseillers indépendants ou issus des agents généraux principaux ou associés. Ils proviennent aussi de cabinets d’assurance de dommages, ils sont des représentants en assurance collective et des conseillers en gestion de patrimoine », énumère-t-il. Les conseillers dédiés aux assureurs qui ont une entente de distribution avec The Edge (que les partenaires appellent comptes nationaux) augmenteront encore la portée de Co-operators, dit M. Dark.

RBC Assurances a comblé le vide laissé par Edge Benefits en créant son propre produit, le 1er mai. Il s’agit de Série Fondamentale, un produit très semblable à Edge Benefits.

Ce produit comprend une police en cas de blessure à émission instantanée et une couverture maladie optionnelle à souscription simplifiée, a expliqué Kiara Famularo, porte-parole de RBC Assurances. Il intègre les services de Best Doctors et offre une couverture d’hospitalisation pour séjour de 24 heures et plus, l’invalidité partielle et jusqu’à 10 000 $ en remboursement de frais médicaux en cas d’accident.

« Ce produit serait disponible par l’entremise de tous nos agents généraux, des comptes nationaux, des partenariats entre assureurs et des conseillers indépendants, a ajouté Mme Famularo. Ce produit sera aussi disponible auprès de nos représentants des ventes. »

Le produit se destine par ailleurs au marché des travailleurs autonomes de niveau cols-bleus et gris. Produit à court terme, il est peu exposé aux risques des taux d’intérêt à long terme, indique l’assureur.