Après avoir connu une croissance sans précédent en 2009, les ventes de dépôts à termes et de rentes traditionnelles perdent de la vitesse. Les investisseurs encouragés par les signes de reprises des marchés sont de retour en force dans les fonds distincts et les fonds à garantie de retraits depuis le début de l'année.La croissance des ventes de rentes fixes a continué de ralentir au deuxième trimestre 2010, révèle le dernier sondage de LIMRA sur les produits de rentes et de fonds distincts des assureurs.

L'industrie regroupe sous le vocable « rente fixe » les dépôts à termes et les rentes immédiates (rentes viagères ou de durée déterminée). L'engouement des investisseurs pour ces produits liés aux taux d'intérêts faiblissent au profit de ceux qui sont liés aux marchés boursiers. En cette période historique de bas taux d'intérêts, les investisseurs sont impatients d'obtenir de meilleurs rendements.

Ainsi, les ventes des rentes fixes au Canada ont baissé de 27 % au deuxième trimestre de 2010 en comparaison du même trimestre de 2009. Durant cette période, les fonds distincts ont augmenté de 8 %. Pour le premier semestre de l'année, les ventes de rentes ont diminué de 19 %, par rapport à la même période en 2009. De leur côté, les ventes de fonds distincts ont augmenté de 20 %.

À la fin du deuxième trimestre 2010, l'actif total sous gestion dans les rentes individuelles atteignait 110,7 milliards de dollars (G$) au Canada. Ce chiffre comprend à la fois les dépôts à terme, les rentes immédiates et les fonds distincts.

En matière de nouvelles ventes, il s'agit d'un revirement de situation. Selon LIMRA, les ventes de rentes fixes avaient en effet augmenté de 127 % entre les deuxièmes trimestres de 2008 et 2009. Celles des fonds distincts avaient pour leur part retraité de 20 % durant cette période. Entre les premiers semestres 2008 et 2009, les ventes de rentes fixes avaient augmenté de 108 % pendant que celles des fonds distincts déclinaient de 18 %.

Chez Standard Life comme chez plusieurs autres assureurs, 2009 a été fantastique pour les rentes fixes. Les nouvelles primes de rentes viagères ont augmenté de 9 % au premier semestre de 2009 par rapport à la même période l'an passé, et les dépôts à terme de 300 %, avait alors révélé le vice-président, marketing et développement des ventes, réseaux individuels, Michel Fortin.

Sun Life ferme Elite et Elite Plus pour passer à SunWise Essentiel
La Financière Sun Life vient de lancer une nouvelle série de fonds distincts qui signe la fin de son produit à garantie de retrait minimum (GRM) SunWise Elite Plus. La nouvelle série, SunWise Essentiel, remplace la garantie de retrait 20 ans par une garantie de retraits à vie correspondant annuellement à 5 % du dépôt initial.
Sun Life figure parmi les derniers joueurs à changer leur produit GRM. Comme plusieurs l’avaient déjà fait l’an passé, Sun Life passe d’une formule de retraits garantis minimums vers une formule de retraits garantis à vie. Les produits SunWise Elite et Elite Plus seront fermés aux nouvelles ventes après le 15 octobre 2010 et les clients actuels pourront continuer leur contribution, jusqu’à un maximum de 25 000 $ par an.
Issu d’un partenariat entre Sun Life et Placements CI, SunWise Essentiel offre aussi une nouveauté : une option de revenu sur deux vies. Advenant le décès d’un conjoint, le conjoint survivant continue de recevoir les mêmes versements, sa vie durant.
Outre le volet GRM appelé Catégorie Revenu, SunWise Essentiel propose deux autres volets qui ciblent des marchés différents : Catégorie Placement pour les clients de moins de 50 ans dans leur phase d’accumulation et Catégorie Succession pour protéger le patrimoine des héritiers. C’est Sun Life qui a conçu le produit et qui en gère le risque. CI assume les fonctions d’arrière-guichet et de gestion des actifs.
Par ce lancement, Sun Life a-t-elle voulu réduire le risque de son produit de GRM? La garantie de retrait à vie est en effet considérée dans l’industrie comme moins risquée que la garantie de retrait minimum. De plus, le nouveau produit réduit la garantie à l’échéance à 75 % dans toutes ses catégories. Il propose aussi une recristallisation automatique tous les trois ans. Une formule qui allège encore le risque.
Toutefois, pour le vice-président à la gestion de patrimoine, Brian Taylor, il s’agissait de suivre la parade plutôt que de gérer un risque devenu incontrôlable. « Le produit a subi plusieurs remaniements dans l’industrie ces deux dernières années et nous voulions nous assurer de garder le rythme », a-t-il révélé en entrevue au Journal de l’assurance. M. Taylor décrit ce changement comme une simplification du produit afin de mieux s’adapter aux différents besoins de la clientèle.
M. Taylor rappelle en outre que Sun Life est un des seuls joueurs majeurs de l’industrie qui n’a pas eu à lever des capitaux pour faire face aux problèmes du produit de GRM entrainés par la récession. Sun Life a soulevé près de 2 G$ en capitaux depuis le début de 2009, mais toujours pour ses besoins généraux ou pour des investissements dans ses filiales.
« Nous avons la solidité financière qu’il faut pour honorer nos garanties. Quand nous lançons un nouveau produit, nous nous assurons de bien en couvrir le risque », dit M. Taylor.
La couverture vient toutefois avec un cout. Outre les frais de gestion imputables aux fonds, le produit comporte aussi des frais d’assurance et des frais dits « applicables à la base du montant de revenu viager (MRV) ».

Le vent a tourné, dit maintenant M. Fortin. Il a confié au Journal de l'assurance avoir vu une explosion des ventes de fonds distincts, soit une hausse de 107 % dans les six premiers mois de l'année 2010, en comparaison du même semestre de 2009.

L'assureur manufacture aussi ses propres fonds communs et en a vu les ventes augmenter de 60 % durant cette période de comparaison. Pour leur part, les ventes de dépôts à terme ont retraité de 49 % entres les premiers semestres de 2009 et 2010, tandis que les ventes de rentes sont demeurées stables durant cette période.

M. Fortin dit vivre en 2010 la situation inverse à ce qui s'était produit en 2009. Les investisseurs s'étaient réfugiés dans les produits à revenus fixes après avoir perdu beaucoup d'argent en 2008, dit-il. « Les gens veulent des rendements et reviennent maintenant dans les produits variables, qui ont bien performé en 2009 », précise-t-il.

Il suggère toutefois aux investisseurs d'éviter les coups de tête et de suivre en tout temps leur plan financier avec l'aide de leur conseiller. « Le TSX a gagné 21 % au premier semestre de 2009 par rapport au même semestre de l'année précédente. Au deuxième semestre de 2009, il avait gagné 15 % et au premier trimestre de 2010, seulement 3 %. C'est l'effet de vague. »

Standard Life voit d'ailleurs ses clients revenir aux marchés financiers avec prudence. « Ils ne sont pas près à sauter pieds joints dans les actions. En 2009, 23 % de leur actif géré chez nous se trouvaient dans les fonds d'actions. Cette proportion est demeurée à peu près la même en 2010. Par contre, l'encaisse parquée dans le marché monétaire est passée de 20 % à 8 % durant cette période. Les sommes ont été transférées dans les portefeuilles de fonds. Les conseillers sont derrière cela : les bons conseillers ont bien travaillé », affirme M. Fortin.

Responsable du rapport de LIMRA intitulé Canadian Individual Annuity Sales, Second Quarter 2010, Sally A. Bryck remarque aussi que les investisseurs sont de retour au marché avec prudence et sans excès. Ils ont ainsi décidé d'opter en masse pour les fonds distincts. Mme Bryck pensent que les gens recherchent avant tout des produits capables de garantir un revenu.

La répartition de revenus gagne la faveur des investisseurs
Les fluctuations du marché préoccupent les retraités et plusieurs assureurs l’ont compris. Ils approchent cette clientèle cible en lui parlant de répartition de produits de revenu de retraite. En vertu de cette approche, on propose au client de répartir son revenu de retraite à travers différents véhicules au risque et à taux d’imposition variés : rente viagère, fonds à garanti de retraits minimums, fonds équilibrés, fiducies de revenu, actions avec dividendes, etc. « En approchant de la retraite, nous passons de la répartition de l’accumulation en différentes classes d’actifs à une diversification des produits de retraite », dit Michel Fortin de Standard Life.
Le conseiller aidera pour sa part le client à répartir ses épargnes selon son profil de risque. Il agencera ensuite la séquence de ses retraits de façon à limiter son taux d’imposition. « Ce n’est plus une question de ‘quel produit choisir’ mais plutôt de ‘combien placer dans chaque produit’ », explique Michael Ondercin.
Il pose cette approche en outil de gestion du risque pour les retraités. La récente crise qui a chamboulé les plans de plusieurs futurs retraités en aura poussé certains à travailler plus longtemps, observe-t-il.
Chez ceux qui étaient déjà à la retraite, plusieurs ont du changer leur style de vie. « Les retraités et ceux qui approchent la retraite ne peuvent éviter les soubresauts du marché. Ce n’est pas de votre faute si vous prenez votre retraite au mauvais moment. Répartir les sources de revenus entre différents produits devient crucial pour mitiger ce risque », soutient-il.
À L’Industrielle Alliance, Marie-Élaine Gaudreault croit aussi qu’un seul produit de revenu ne suffit pas. « Les gens ont par exemple besoin d’un revenu minimum garanti pour soutenir leurs dépenses discrétionnaires, et la rente remplit bien ce rôle », dit-elle. Michel Fortin croit d’ailleurs que cette approche a aidé à soutenir les ventes de rentes immédiates malgré le recul des dépôts à terme. « Malgré que les taux d’intérêts soient bas, la rente demeure ce produit traditionnel qui doit faire partie d’un portefeuille de retraite pour payer le pain et le beurre, dit-il.
« Son rôle est crucial en regard du vieillissement de la population, de la longévité et du besoin de coussin qu’auront plusieurs babyboumeurs qui doivent continuer de travailler à temps partiel parce qu’ils n’ont plus accès à des régimes de retraite à prestations déterminées. »
Pour toutes ces raisons, LIMRA s’attendait à de meilleurs résultats du côté des rentes immédiates, malgré le revirement de 2010. Sally Bryck évoque de plus la courbe démographique favorable aux rentes.
« Il semble que le gros des babyboumeurs ne soit pas encore arrivé. Nous nous attendons toutefois à ce que ce soit le cas au moins dans les cinq à dix prochaines années », prévoit-elle.
Mme Bryck croit toutefois que cette tendance pourrait être ralentie par les effets de la crise. Plusieurs baby boomers pourraient ainsi devoir travailler plus longtemps. « Tout dépendra combien longtemps ils devront travailler », dit-elle.

Effet de vague?
Les ventes de fonds distincts étaient ainsi en hausse de 31 % au premier trimestre de 2010 par rapport au premier trimestre de 2009. La hausse n'est toutefois que de 8 % au deuxième trimestre de 2010 par rapport au deuxième trimestre de 2009. Autre effet de vague? Mme Bryck attribue à la période des REER les fortes ventes de fonds distincts au premier trimestre. C'est en raison de la nécessité de cotiser avant la date butoir pour se prévaloir des déductions fiscales attribuables aux REER que les ventes explosent à ce trimestre, observe-t-elle.

« La même chose se produit habituellement au quatrième trimestre, alors que ceux qui ont atteint l'âge limite doivent convertir leur REER en régimes enregistrés de revenu, avant le 31 décembre de l'année en cours », ajoute-t-elle.

À la Financière Manuvie, le vice-président adjoint aux produits d'investissement garantis, Michael Ondercin, observe que les produits de l'assureur ont suivi la tendance indiquée par LIMRA. Les ventes de ses produits à intérêts garantis sont à la baisse, ce qui influe fortement sur les résultats des rentes fixes.

Ce sont les dépôts à terme qui ont alimenté la flambée des ventes de rentes fixes en 2009, et c'est aussi ce produit qui dicte leur ralentissement, croit M. Ondercin. « La croissance marquée des certificats de placement garantis (CPG) réalisée en 2009 était insoutenable à long terme. »

Marie-Élaine Gaudreault, directrice, développement des produits et formation, assurance et rentes individuelles, à l'Industrielle Alliance, Assurances et services financiers, croit aussi que 2009 était « une année exceptionnelle ». À la suite d'une crise boursière, plusieurs investisseurs tendent à trouver refuge dans les rentes fixes, croit-elle. Ensuite, ces gens ont voulu revenir aux marchés boursiers. « Nous avons observé une croissance de 98 % des ventes cumulatives de fonds distincts au 30 juin, par rapport à la même période l'an passé », révèle-t-elle.

Les clients de l'assureur ne tournent pas pour autant le dos aux produits garantis à revenus fixes. Par exemple, l'Industrielle Alliance a augmenté ses ventes de rentes fixes de 7 % au premier semestre de 2010 par rapport au même semestre l'an passé. « Nous croyons que l'avènement des produits à garantie de retraits minimums (GRM) a beaucoup contribué à mousser les produits de rentes. »

Chez Manuvie, M. Ondercin croit que le besoin pour des produits moins risqués demeure malgré le ralentissement de la croissance en rentes fixes. « Le marché des rentes fixes est à la baisse en 2010 quand on le compare à la reprise des marchés de 2009, mais pas quand on le compare à la crise de 2008 », explique-t-il.

Il a par ailleurs constaté que les investisseurs qui reviennent aux marchés choisissent davantage des solutions de placement équilibrées ou à revenus fixes. « Les baby boomers approchent de la retraite et leur priorité consiste à garantir un revenu et augmenter leurs chances de ne pas manquer d'argent à long terme », dit-il.

Desjardins Sécurité financière (DSF) a pour sa part constaté le retour des clients vers les produits d'investissement à rendement variable. DSF a en effet enregistré de solides résultats en produits d'investissement. Ainsi, le retrait des fonds Hélios à garantie de retraits minimums ne semble pas avoir miné la performance de la filiale d'assurance du Mouvement Desjardins. DSF a simplement été entrainé par le vent en faveur des fonds distincts, et sa gamme de produit ne comprend pas uniquement des fonds Hélios, a fait remarquer en entrevue au Journal de l'assurance le PDG de l'assureur, Richard Fortier. Outre ses autres produits d'épargne collective et individuelle, DSF pouvait aussi compter sur l'assurance collective et individuelle pour équilibrer le risque de contre performance.

« De plus, contrairement à certains assureurs, nous sommes rentrés tardivement dans les produits GRM, au moment où les marchés étaient déjà très bas. Ainsi, nous avons évité de perdre beaucoup d'argent comme certains de nos concurrents. Deuxièmement, nous avons couvert le risque de certains de nos produits de placement, ce qui empêche les effets néfastes sur les états financiers. Ainsi, si le marché bougeait et que nous perdions de l'argent, nous avions en contrepartie des instruments qui nous permettaient d'en récupérer. Nous avons un programme de couverture (hedging) qui nous permet d'absorber 90% des fluctuations des marchés financiers », a-t-il souligné.