Les fournisseurs qui dominent le marché des systèmes de gestion de cabinets de courtage en IARD rejettent le projet Centrale RCCAQ.« Il faut diminuer les coûts associés aux transactions, pour améliorer la compétitivité de l’industrie du courtage. Malheureusement, partout où nous évoluons dans le monde, les portails n’ajoutent pas de valeur, parce qu’ils créent une dépense supplémentaire pour les courtiers », explique James P. Kellner, président de Applied Systems. Pour étayer ses propos, M. Kellner donne en exemple le défunt portail du Centre d’étude de la pratique d’assurance (CEPA), pour lequel les courtiers devaient payer des frais d’utilisation.

M. Kellner affirme ne pas connaître tous les détails du projet du RCCAQ. Mais il se méfie : « Nous avons bâti des standards pour l’ensemble de l’industrie au sein du CEPA, dit-il. Ces standards facilitent les communications entre courtiers et assureurs. Nous appuyons des standards qui s’appliquent à l’ensemble du Canada, et non à une seule province. Je ne soutiendrai pas deux standards pour une même industrie. Il est important de collaborer entre nous. Et non créer des redondances qui se traduisent par des frais supplémentaires pour les courtiers. »

Le RCCAQ entend rendre l’utilisation de sa centrale indispensable. « Est-ce une menace? Un fait demeure : je n’appuierai aucun projet qui ne sera pas soutenu par les assureurs », réplique-t-il.

Applied Systems est connue pour ses produits TAM et son service Warp. L’entreprise, basée à Chicago, a 160 courtiers clients et plus de 2600 installations au Québec.

Une fausse nouveauté


« Pour nous, ce projet, c’est réinventer la roue. Une roue qui n’a jamais fonctionné, explique Patrick J. Durepos, président et chef de la direction de Technologie Keal. Il s’agit du même exercice que le portail du CEPA, avec des différences mineures. Et ce modèle est voué à l’échec. Car le RCCAQ prône une solution qui va prendre des années à implanter. En bout de ligne, ce sera plus dispendieux qu’à l’heure actuelle pour les courtiers. »

 

M. Durepos prédit que les frais mensuels moyens seront plus élevés que 300$ par cabinet. « Alors qu’une technologie comme Nexisys coûte 50$ par mois », ajoute-t-il.

Keal propose d’ailleurs Nexisys comme solution de commerce électronique. « Pourquoi implanter une nouvelle technologie, qui ajoute des frais et des retards au développement du courtage, alors que l’industrie dispose de technologies existantes, comme Nexisys ou Warp? Des technologies déjà utilisées par 80% des cabinets de courtage. Je ne comprends pas la logique derrière ce projet. »

M. Durepos invite les intervenants à se parler davantage. Il propose une table ronde entre les courtiers et les fournisseurs de systèmes. Il déplore le manque de communication actuelle : « J’ai été contacté il y a seulement six semaines, pour donner mon avis sur le projet », ajoute-t-il.

Oubliez ça!


« Nous n’avons absolument pas l’intention d’appuyer la Centrale RCCAQ, tranche-t-il. Nous sommes liés par contrat avec Brovada Technologies, qui a développé Nexisys. Nous avons investi dans ce projet, dont le développement a pris plus de deux ans. »

 

Selon M. Durepos, le RCCAQ attendra au moins deux ans avant de bénéficier de sa centrale. Il estime que la firme BComC Canada est sérieuse, mais qu’il ne faut pas s’attendre à des miracles. Car le développement d’une nouvelle technologie est toujours parsemé d’embûches.

« Eux commencent alors que Nexisys est connecté à 26 assureurs, dont les plus importants au Québec, dit-il. Les coûts de développement seront, en bout de ligne, entièrement assumés par les courtiers, ce qui se répercutera sur leurs frais de gestion. J’ai l’impression de dire la même chose que lorsque le Journal de l’assurance a regroupé les principaux fournisseurs techno à une table ronde qui a consacré la fin du portail du CEPA, il y a plus d’un an. On tourne en rond. »

« Je me pose de sérieuses questions sur la validité du modèle défendu par le RCCAQ, insiste M. Durepos. Les courtiers ont été déçus par les démos, les délais et les promesses jamais tenues par le CEPA. Avec ce projet, le RCCAQ risque de ralentir et non d’accélérer le développement du courtage. »

Pas d’économies


« Ne retenez surtout pas votre souffle, commente à son tour Bob Hornick, président de CIM Data. Il y a eu plusieurs projets de ce genre et, chaque fois, ils disent que la technologie n’était pas la bonne. »

 

M. Hornick se fait cynique : « Les assureurs ont appuyé un projet de portail pendant des années en sachant sciemment que la technologie était dépassée. Puis, ils l’ont tué au moment où le CEPA a finalement livré la marchandise. À sa mort, le portail du CEPA marchait parfaitement. Curieux aussi que ce portail s’attardait initialement aux nouvelles affaires, alors que les besoins des courtiers se situent dans les renouvellements.

Je me demande si les assureurs ont appuyé le portail du CEPA juste pour préserver le développement de leurs propres technologies. Car les assureurs aiment avoir des courtiers captifs de leur plateforme ou sites internet maison. Et tous ces débats recommencent avec le projet du RCCAQ. »

D’autre part, insiste M. Hornick, il est possible de transiger avec un assureur sans passer par des solutions apparentées à un portail. CIM Data a ainsi ajouté à son logiciel sa propre technologie d’échange de données informatisée (EDI) respectant les normes du CÉPA. « J’ai en main une étude de l’assureur Economical qui conclut que nos courtiers qui commercent ainsi avec eux réalisent des économies de 40 %. Une technologie n’a de pertinence que si elle sabre les coûts de transaction. Le projet du RCCAQ pourra-t-il générer autant d’économies? »

« Les acteurs de l’industrie ne consultent jamais les fournisseurs de technologie quand ils ont de tels projets », constate-t-il, amer.

Mais Bob Hornick souhaite tout de même bonne chance aux courtiers québécois. Il a bien hâte de voir les résultats. CIM Data ne compte pratiquement pas de clients au Québec.

Il applaudit


« Je suis parmi les premiers à me réjouir de ce projet, car les courtiers ont besoin de simplifier leur vie, avec tous ces écrans de travail sur leurs bureaux, affirme J. Raymond Delisle, président de Deltek, distributeur du logiciel L’Intermédiaire - Select. Et nous souhaitons que l’industrie dans son ensemble dise oui à ce projet. »
« Mais il y a un bémol : l’appui d’une majorité d’assureurs n’est pas acquis, malgré la supériorité de la technologie choisie par le RCCAQ comparativement à celle du portail du CEPA », ajoute-t-il.

 

M. Delisle estime que le projet du RCCAQ ne lèvera pas de terre si les principaux assureurs n’embarquent pas. « Je ne veux pas faire de politique, mais pour une fois que nous avons le choix d’appuyer un projet québécois, qui répond aux besoins du marché local et qui est défendu par des joueurs basés au Québec, nous devrions saisir cette occasion », dit-il.

Ce dernier estime que le projet du RCCAQ a de bonnes chances de réussir parce que les assureurs qui dominent le marché québécois disposent de départements informatiques imposants. Mais il n’investira pas dans un projet qui n’obtiendra pas l’appui des principaux assureurs.

Richard Sirois, président de MDI, affirme qu’il a, depuis longtemps, jeté l’éponge quant à la capacité de l’industrie de l’assurance de dommages par courtage d’établir une plate-forme technologique commune pour la transmission de données.

« J’ai encore des clients en assurance de dommages, explique-t-il. Et c’est toujours un plaisir de les desservir. Mais, par le passé, j’ai canalisé beaucoup d’argent en assurance de dommages, dans le développement technologique, sans obtenir de résultat probant. Je me suis donc tourné vers l’assurance collective. Et c’est dans ce domaine que j’ai pu implanter une solution qui marche. C’est en collectif que j’ai réalisé les rêves que j’avais en dommages. »

M. Sirois refuse de spéculer sur les changes de réussite ou d’échec du projet du RCCAQ. « Mais tant et aussi longtemps que l’industrie ne s’engagera pas à viser un environnement centré client et collaboratif, je doute des résultats. »

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