Les demandes d'enquête reçues par le syndic de la Chambre de la sécurité financière (CSF) sont en hausse en 2009 par rapport à 2008. « En ce moment, on assiste à une explosion des plaintes. Ça risque de doubler cette année», dit Luc Labelle, président et chef de la direction de la CSF, en entrevue au Journal de l'assurance.En 2008, 583 demandes d'enquête ont été acheminées au syndic de la Chambre de la sécurité financière. Ce nombre atteignait déjà 487 au 24 août 2009. Les trois allégations d'infraction les plus courantes contenues aux demandes d'enquête en 2008 étaient le non-respect de la procédure de remplacement, la communication d'information incomplète, trompeuse ou mensongère et le non-respect du mandat confié par le client.

M. Labelle ne peut confirmer avec certitude que cette hausse des plaintes est un effet direct des scandales qui ont émergé cet été. « Bon an mal an, on a une augmentation des plaintes », souligne-t-il. Depuis 2005, le nombre de plaintes déposées au syndic augmente à chaque année.

Lorsque le bureau du syndic reçoit une plainte, un processus d'enquête est enclenché. Après analyse, le syndic peut décider de fermer le dossier, d'imposer une mesure administrative par le biais d'un avis verbal ou d'une mise en garde écrite ou bien de déposer une plainte au comité de discipline. En 2008, le nombre de plaintes à déposer devant le comité de discipline a atteint 79. Il était de 89 en 2007.

En 2008, le comité de discipline a reçu 54 nouvelles plaintes et a tenu 126 jours d'audition. Le total des amendes a atteint 212 400 $ en 2008 alors qu'il était de 342 500 $ en 2007. Pour ce qui est du nombre de radiations permanentes imposées par le comité, elles étaient au nombre de 158 en 2008 et de 39 en 2007. Les radiations temporaires, elles, se sont établies à 160 en 2008 et à 168 en 2007.

« Dans la très grande majorité des cas, les radiations temporaires imposées par le comité de discipline sont concurrentes (NDLR : purgées simultanément), mais le Code des professions du Québec dit que des sanctions consécutives peuvent également être imposées. »

Il n'y a pas que les demandes d'enquête qui sont en hausse en 2009, le nombre d'appels téléphoniques de la part des consommateurs l'est aussi. Cette fois, M. Labelle n'hésite pas à faire le lien entre cette augmentation et les fraudes financières dévoilées au cours des derniers mois. « Les scandales ont généré plus d'appels des consommateurs qu'à l'habitude », dit-il.

Entre le 1er janvier 2009 et le 30 août 2009, la CSF a reçu 236 appels de consommateurs qui voulaient vérifier si leur conseiller était autorisé à exercer ou s'il avait déjà eu un dossier disciplinaire. La Chambre explique que « de ce nombre, 47 ont été reçus pour les mêmes questions depuis la publication de notre communiqué de presse le 15 juillet, à la suite de l'affaire Earl Jones ». Le communiqué rappelait aux consommateurs de vérifier si leur conseiller est bien enregistré auprès de l'Autorité des marchés financiers.

Prévenir les fraudes

Luc Labelle affirme qu'on lui demande parfois comment les fraudes peuvent être évitées. Il y a un bout de la réponse qui se trouve dans le raffinement de l'encadrement législatif, selon lui. « Une loi peut être perfectible, mais ce n'est pas parce qu'une loi n'est pas bonne qu'un crime survient; c'est parce que quelqu'un l'a contourné. »

De plus, il rappelle que la loi criminelle est de juridiction fédérale, mais qu'elle est administrée par les provinces. « Il faut se demander si les ressources dont disposent les provinces sont suffisantes », dit-il.

M. Labelle croit que des peines plus sévères auraient un effet dissuasif. « En 2007, et c'est toujours d'actualité, on avait recommandé à la Commission des finances publiques, en particulier dans les disciplines de valeurs mobilières, de hausser les plafonds des sanctions. En ce moment, on est limité par le Code des professions du Québec et l'amende maximale par chef d'accusation est de12 500 $. »

« L'opinion du public en ce moment, c'est que la justice n'est pas là », dit M. Labelle. Il donne en exemple le cas de Vincent Lacroix qui est récemment sorti de prison après avoir purgé le sixième de sa peine. Il mentionne aussi le cas de Bernard Madoff, aux États-Unis. « Madoff a été condamné à la prison à vie en moins d'un an tandis que de notre côté, on n'est toujours pas sûr de ce qui attend Lacroix, cinq ans après son arrestation. »

Des recours

L'autre partie de la réponse pour prévenir les crimes économiques réside dans l'éducation financière du public. « Les consommateurs forment la première ligne de défense contre les fraudes », explique M. Labelle. Il dit qu'un client averti s'assure d'abord que son représentant est certifié. Ainsi, s'il est victime d'une fraude, il aura droit à certains recours.

Selon M. Labelle, les gens disent qu'à la suite des scandales financiers, la population est susceptible de délaisser les conseillers indépendants et de se tourner vers les institutions financières. Ce n'est toutefois pas le principal danger : « Le vrai risque, c'est que les consommateurs achètent leurs produits et services financiers eux-mêmes sur Internet. S'improviser professionnel représente un grand risque », dit-il.

M. Labelle affirme aussi que les consommateurs doivent savoir quelles questions poser à leur conseiller. « Les gens vont faire douze magasins avant de s'acheter une télévision; ils vont poser toute sorte de questions techniques, mais lorsque vient le temps de signer un contrat d'assurance de personnes, ils vont le faire sans poser de questions », croit le président.

Il poursuit : « Au Québec, on n'est pas très innovateur sur l'éducation financière de la population. Quand j'étais au secondaire, il y avait un cours d'initiation à la vie économique. » Vérification faite par le Journal de l'assurance, le cours d'Éducation économique, obligatoire pour les élèves de 5e secondaire, n'est plus offert depuis septembre 2009.

La CSF compte s'attaquer au défi de la pénurie de main-d'œuvre sous peu. « On a décidé de s'investir dans la relève, mais on a pris un sursis parce qu'après en avoir fait l'annonce publique, un comité du conseil d'administration a souhaité réfléchir et retravailler là-dessus », explique M. Labelle. Initialement prévu pour cette année, le projet d'une coalition de la relève a été reporté en 2010, à une date qui n'est pas fixée.

« On ne peut pas résoudre le problème seul; on doit le faire avec l'industrie. La Chambre veut jouer un rôle de bougie d'allumage, c'est-à-dire de réunir les joueurs afin de former une coalition. L'intention est que ce ne soit pas la Chambre, seule, qui porte la relève », dit-il.

D'ailleurs, dans son rapport annuel de 2008, la Chambre de la sécurité financière s'engage à « renforcer et valoriser la carrière en services financiers » et à « continuer à renforcer l'efficacité et la pérennité de l'organisation ».

Le PDG de la Chambre veut adopter une approche multidisciplinaire pour attirer les jeunes. « On ne mettra donc pas seulement l'accent sur l'assurance, mais sur les services financiers. » Il fait valoir que les étudiants des niveaux secondaire et collégial ne décident pas nécessairement d'orienter leur carrière dans des disciplines précises comme l'assurance de personnes ou le courtage en plans de bourse d'études. « Ils choisissent souvent un grand secteur comme celui des services financiers. Ils ne sont pas à l'étape d'un niveau très précis de spécialisation. »

M. Labelle souligne que plusieurs membres de la CSF détiennent un certificat d'exercice dans plus d'une discipline. Le rapport annuel de 2008 montre qu'ils étaient 10 096 à posséder de deux à six certificats. De plus, selon le président, environ 60 % des professionnels travaillent pour des institutions financières et 40 % sont des professionnels indépendants. La moyenne d'âge des membres qui exercent en assurance collective, en assurance de personnes ou en épargne collective varie de 45 à 52 ans.

Plus de membres

Malgré la crise économique, la CSF a enregistré une augmentation nette du nombre de ses membres depuis le début de l'année 2009. Ainsi, au 30 juin 2009, le nombre de représentants atteignait 31 946 alors qu'il était de 31 490 à la fin décembre 2008.

La croissance du nombre de membres provient surtout du courtage en épargne collective. Les détenteurs du certificat de cette discipline ont augmenté de 514 entre décembre 2008 et juin 2009, passant de 23 193 à 23 707. Pour les disciplines d'assurance de personnes et d'assurance collective de personnes, les résultats sont stables à 12 246 et 4 422 respectivement.