Le syndic de la Chambre de la sécurité financière fait face à un afflux de plaintes croissant qui a atteint un sommet en 2009. Dans cette foulée, l'organisme a dû nommer un chef-enquêteur et un second adjoint au syndic pour augmenter sa capacité de traitement des demandes d'enquête.Le syndic est confronté à un nombre croissant de plaintes qui proviennent de tous les secteurs d'activités que supervise la Chambre de la sécurité financière (CSF), a révélé son président directeur général, Luc Labelle, au Journal de l'assurance lors d'une rencontre le 24 mars dernier.

Les 700 demandes d'enquêtes qu'a eues à traiter le syndic en 2009 représentent une hausse de plus de 20 % par rapport aux 582 demandes reçues en 2008. En 2007, il y en avait eu 523.

De ces demandes, 54% proviennent du secteur de l'assurance, 32% du secteur des valeurs mobilières et 11% du secteur des fonds distincts. 3 % des demandes touchaient à la fois le secteur de l'assurance et des valeurs mobilières. Un peu plus de 180 demandes se sont retrouvées devant le comité de discipline.

M. Labelle observe toutefois que la provenance des plaintes n'a pas beaucoup changé : la majorité des plaintes qui visent un membre pour des pratiques d'assurance vie proviennent d'autres conseillers, mécontents du remplacement de polices. En valeurs mobilières, elles proviennent du public.

Judiciarisation

« Nous avons eu l'an dernier le nombre le plus élevé de demandes d'enquêtes à ce jour, et cela a un impact sur nos opérations », a confié M. Labelle. « Peu importe le nombre de cas qui nous sont soumis en discipline, on ne peut se permettre d'en laisser échapper. »

Aux conseillers financiers qui reprocheraient à la Chambre de tels efforts et de telles dépenses en déontologie, M. Labelle répond qu'au contraire il faut y voir un avantage. « C'est parce que la profession se discipline que nous pouvons dire aux consommateurs qu'ils peuvent avoir confiance en nos professionnels. » Il dit même aux conseillers de clamer haut et fort à leurs clients : « Moi, je participe à une profession qui ne tolère pas d'écart de conduite. »

Le PDG de la Chambre rappelle que la croissance du volume des plaintes se faisait déjà sentir depuis quelques années. « La hausse graduelle du volume des plaintes nous a fait réfléchir sur les limites de cet important département qui, avec le Comité de déontologie, nous coute plus de 3M $ par année. »

Parallèlement, la Chambre a assisté à une judiciarisation de la déontologie disciplinaire, dit M. Labelle. « La profession et la discipline ont évolué au point où le comité de discipline est devenu un véritable tribunal. Le syndic fait témoigner des experts externes. Il ne viendrait plus à personne l'idée de se présenter devant un tel comité sans avocat », dit Luc Labelle.

Trouver un bureau de syndic qui possède un profil de juriste avec une expertise en litige et en droit disciplinaire était devenu essentiel, dit M. Labelle.

Ainsi, le syndic doit mieux que jamais étayer les dossiers qu'il soumet devant le comité. Il requiert depuis des experts en litige et en droit disciplinaire, avocats ou notaires. Il compte dans son équipe des gens issus de l'industrie et qui affichent au moins 20 ans d'expérience dans la pratique. Un équilibre qui satisfait M. Labelle. Il souligne par ailleurs que plusieurs cumulent les deux profils.

Dans ce contexte, la Chambre vient de créer au sein de la direction de la déontologie et de l'éthique professionnelle un nouveau poste de chef-enquêteur. Elle y a nommé le 6 avril l'avocate Geneviève Poiré. Me Poiré est une transfuge du Bureau de la concurrence, où elle a dirigé et mené de nombreuses enquêtes criminelles complexes. Dans ses nouvelles fonctions, elle supervise le travail de quelque dix enquêteurs à temps plein que compte le syndic.

La Chambre a aussi embauché un autre syndic-adjoint, cette fois à temps partiel. « Le soutien au syndic est essentiel. On pourrait mettre 15 enquêteurs de plus et cela ne ferait que créer un goulot d'étranglement à la sortie », a-t-il expliqué.

Doté d'un enquêteur en chef et d'adjoints, le syndic gagnera en efficacité et pourra réagir encore plus rapidement aux procédures urgentes, croit le PDG de la Chambre. « Nous avons reçu du syndic huit requêtes en radiation provisoire l'an passé contre seulement une en 2008. » (Voir tableau.)

La radiation temporaire est une mesure d'exception qui vise les cas graves. « Nous avons convenu que ces demandes ne devaient pas trainer. Je préfère voir le syndic débouté par le comité de discipline plutôt que de mettre le public en danger jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue. »

Investir en prévention

Pour compenser la hausse des couts, M. Labelle investit aussi en prévention. Le meilleur moyen de le faire, c'est par le développement de la formation continue. La Chambre a déjà commencé à produire dans son magazine Sécurité financière des articles qui ciblent certaines situations de nature à engendrer des plaintes et enseignent comment les éviter. Elle veut aussi s'appuyer sur le travail de son comité de discipline pour offrir un soutien téléphonique aux membres ainsi qu'un accès à une banque d'information sur la conformité.

En ce qui touche le soutien téléphonique, Luc Labelle a rappelé que le centre d'appel de la Chambre ne chôme pas. Il a en effet reçu plus de 30 000 appels en 2009, soit 28 662 en provenance de conseillers et 2 071 en provenance de consommateurs.

La majorité des appels de conseillers étaient liés à la formation continue. Près de 7 000 appels de conseillers visaient de l'information sur les cours à distance et presque tous les autres portaient sur des requêtes à l'égard des dossiers d'unités de formation continue (UFC).

Chez les consommateurs, 18 % des appels visaient à vérifier si un conseiller avait le permis correspondant au secteur où il offrait ses services. La Chambre ne cumulait pas cette statistique jusqu'à maintenant. « Nous présumons que cette proportion est à la hausse. » Les autres consommateurs ont appelé pour des questions d'ordre général.

La Chambre de la sécurité financière a enregistré une légère baisse de son membership à la fin de 2009. Celui-ci est passé d'environ 32 000 membres le 30 novembre 2009 à 31 913 au 31 décembre 2009. La tendance se poursuit. La Chambre comptait 31 673 membres inscrits au 31 janvier 2010. « Est-ce le climat économique? On ne le sait pas. Nous nous poserons des questions si ce déclin continue plusieurs mois. »

Les courtiers en épargne collective dominent le portrait des membres de la Chambre. Au 31 décembre, la Chambre comptait 23 000 titulaires d'un permis en épargne collective, 12 500 en assurance vie, 4 700 en planification financière, 4 005 en assurance collective et 900 en plans de bourses d'études (voir tableau pour les chiffres au 31 janvier 2010).

Par ailleurs, la multidisciplinarité ne se dément pas, ajoute M. Labelle. « J'estime à environ 12 000 le nombre de nos membres qui détiennent plus d'un permis (voir tableau). Par exemple, ceux qui portent le titre de planificateur financier ont presque tous plus d'un permis. Chez plusieurs de nos membres, la relation de confiance avec les clients est le moteur de cette multidisciplinarité. Après avoir vendu un produit d'assurance à leur client, ils peuvent vouloir le servir en épargne collective ou en bourse d'étude. »

Cette tendance au cumul de permis suit une tendance plus générale dans l'industrie financière : les firmes sont multidisciplinaires et même les régulateurs tels l'Autorité des marchés financiers et la Chambre, rappelle M. Labelle. Il y a un intérêt car cela assure plus de cohérence. Si quelqu'un est radié dans une discipline, il l'est aussi dans l'autre. Sans un OAR multidisciplinaire, cette cohérence serait impossible.

Formation continue devancée

Malgré une baisse du taux de membres qui satisfont aux exigences de formation continue, la Chambre se dit satisfaite. À la fin de la dernière période d'évaluation comprise entre le 1er décembre 2007 et le 30 novembre 2009, 95 % de ses membres satisfaisaient à ses exigences de formation continue, contre 97 % à la période précédente (voir FlashFinance.ca, 29 mars 2010). « De plus en plus de membres complètent leur formation de façon régulière plutôt qu'à la dernière minute. La courbe s'aplanit et la formation continue devient de plus en plus continue », a blagué M. Labelle.

Luc Labelle attribue la baisse de conformité aux conditions de formation continue au fait que 600 conseillers en épargne collective n'ont pas renouvelé leur permis au 1er janvier 2010. « Les conseillers qui savent qu'ils ne renouvelleront pas leur permis ne se donnent habituellement pas la peine de compléter leur formation continue », fait-il observer. Ces conseillers constituent près de 2 % du nombre total de conseillers que M. Labelle estime à environ 32 000 à la fin de la période d'évaluation.