Depuis sa fondation, la Fédération de l’industrie de la restauration après sinistre (FIRAS) compte bon an mal an environ 70 membres. L’organisme en veut beaucoup plus pour être à même de mieux faire entendre sa voix auprès des assureurs.

Il aura fallu que la FIRAS vive un contretemps pour en arriver à ce constat. Au début de l’automne, la moitié des membres de son conseil d’administration ont choisi de ne pas renouveler leur mandat d’administrateur, dont le président Daniel Pellerin et la vice-présidente Nancy Raymond. L’organisme avait aussi choisi de ne plus garder de permanence et s’était séparé de sa directrice générale Annie Arsenault cet été.

Le Journal de l’assurance a rencontré à la fin octobre des représentants du nouvel exécutif de la FIRAS. Martin Demuy,  co-président, et Vincent Bégin, fondateur et administrateur de la FIRAS, ont ainsi répondu à nos questions. L’organisme cherche aussi un président pour son conseil, car la personne qui en avait accepté le mandat a dû se désister pour des raisons personnelles. Il lui manque aussi trois administrateurs pour compléter la formation de son conseil d’administration.

Martin Demuy, qui est aussi directeur du développement des affaires de Restauration Première Action au Québec, convient que d’un point de vue extérieur, la FIRAS peut sembler vivre des moments difficiles. La principale difficulté de la FIRAS réside dans le fait qu’elle vit du bénévolat que ses administrateurs lui donnent. Et ceux-ci sont tous des entrepreneurs qui ont leur propre entreprise à diriger.

« Notre vision demeure la même : échanger entre nous et avoir l’écoute de nos donneurs d’ouvrage, qui sont les assureurs. Ça passe toutefois par un membership fort. C’est une lacune qu’on doit travailler pour amener la FIRAS à un autre niveau », dit-il.

Vincent Bégin, qui est aussi président d’Académie Sélect, assure pour sa part que la FIRAS ne vit pas des moments difficiles. « C’est une étape de notre développement. Même si des membres de notre conseil ont quitté l’exécutif, ils sont demeurés membres de la FIRAS. Plusieurs continuent aussi de siéger au sein de nos différents comités. C’est aussi une bonne chose d’avoir du sang neuf », dit-il.

Un des administrateurs de la FIRAS, Alexandre Ashby, aura d’ailleurs un mandat clair : augmenter le membership de la Fédération. « De par ses fonctions chez Steamatic Canada et de par son implication au sein de Soutien-O-Sinistrés, il a la chance de rencontrer tous les restaurateurs après-sinistre. Il leur fera valoir les avantages d’être membre. Il pourra aussi nous indiquer pour quelles raisons certains choisissent de ne pas être membres et ainsi mieux comprendre leurs réticences. On aura l’heure juste. Nous avons tous le même objectif, soit que nos entreprises soient florissantes. Ça passe par un dialogue ouvert avec nos donneurs d’ouvrage », disent MM. Demuy et Bégin.

M. Demuy précise par ailleurs que plusieurs assureurs voient ce qui se passe du côté des restaurateurs et de leurs marges bénéficiaires qui diminuent. Certains assureurs ont d’ailleurs perdu des partenaires pour cette raison, ajoute-t-il. « Ce n’est pas à leur avantage d’avoir moins de fournisseurs », dit-il.

Le vice-président de la FIRAS souligne aussi que les assureurs ont transféré plusieurs couts aux restaurateurs après sinistre, que ce soit par les logiciels conçus par Simbility Solutions ou encore XactWare. Sans compter les indicateurs de performance qu’ils doivent respecter au quotidien. « Les assureurs sont aussi inventifs pour nous imposer des pénalités ou nous priver de certaines récompenses liées à notre performance. On travaille aussi avec le Restoration Contractors Organization of Canada (RCOC), car ils vivent la même chose que nous à l’échelle nationale », disent MM. Demuy et Bégin.

Pas la dernière chance

Même si la FIRAS a connu des bas au cours depuis le début de 2016, les administrateurs en place sont convaincus qu’ils ne représentent pas l’équipe de la dernière chance. « Il y a une énergie positive au sein de la FIRAS. On se lève les manches et on travaille fort », dit M. Demuy.

M. Bégin ajoute que la Fédération ne disparaitra pas, car la restauration après-sinistre représente une industrie importante. « On se doit d’avoir une organisation qui représente notre métier. Oui, nous avons eu des hauts et des bas. Il faudra changer certaines façons de faire. Nous avons peut-être visé trop haut en ayant une direction générale. On va donc travailler avec les comités en place », dit-il. M. Demuy renchérit en disant que les membres du conseil de la FIRAS ont les connaissances et le bagage pour amener l’organisation à un autre niveau. « Une direction générale pouvait permettre de ramener le bétail à l’enclos. Avant de courir, il faut apprendre à marcher. On a eu des jambettes, mais on donne notre plein support à Alexandre Ashby pour recruter des membres. Il y a ce focus sur les membres que nous avions égaré. Il faut savoir ce que nos membres attendent de nous plutôt qu’organiser des tournois de golf. On doit être sur la même page pour mettre les bons enjeux sur la table et y répondre », dit-il.

La FIRAS compte aussi sur les relations qu’elle a bâties avec l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation au Québec (APCHQ) et de la Commission de la construction du Québec (CCQ) pour faire avancer sa cause. « Nous sommes souvent scrutés et étudiés par ces gens quant à nos pratiques. La CCQ a notamment demandé notre avis en ce qui a trait aux travaux assujettis. Travailler au niveau de la réglementation nous permettra de faire valoir notre valeur ajoutée. Daniel Pellerin pilote toujours ce volet. Ce sera à nous de bien faire connaitre l’avancement de nos travaux. Il nous faudra être clairs dans nos intentions si l’on veut aborder tel ou tel point », dit M. Demuy. Le vice-président de la FIRAS voit une autre piste de croissance pour la FIRAS : fournir des outils aux restaurateurs en psychoéducation. « On doit travailler sur l’empathie que nos employés doivent avoir avec les sinistrés. C’est souvent le seul évènement du genre qu’ils vivront dans leur vie, que ce soit un incendie ou un dégât d’eau. Plus nous serons empathiques à ce qu’ils vivent, plus ça aidera. On travaille d’ailleurs avec Enviro-Compétences là-dessus », dit-il.

Tous ces moyens visent au final un but, disent MM. Demuy et Bégin : améliorer la communication avec les assureurs. « On veut avoir une discussion avec eux. Nous avons nos enjeux. Ils ont les leurs. On veut une écoute lorsque nous avons des points à apporter. Ça s’est fait du côté automobile. On ne voit pas pourquoi ça ne pourrait pas être possible du côté de la propriété. Quand on aura plus de membres, on pourra le faire », dit M. Demuy.

Le précédent conseil avait d’ailleurs mentionné vouloir obtenir plus de respect de la part de l’industrie de l’assurance. « Dans les premiers temps de la FIRAS, des assureurs venaient à nos rencontres. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On a su que certains nous voyaient comme un syndicat, d’autres comme des radicaux, voir le IVe Reich. On a entendu de tout ! Le but de nos entreprises est de donner le meilleur service possible. Mais nous ne sommes pas Centraide. Nous sommes aussi là pour dégager un profit. On veut que les assureurs nous écoutent là-dessus et qu’on regarde nos problématiques communes », dit M. Demuy.

M. Bégin ajoute que la FIRAS est venue bien près à un moment de mettre sur pied une table de concertation avec les assureurs. Ça n’a toutefois pas fonctionné.

« On ne veut pas négocier, lance M. Demuy. Certains directeurs de sinistre sont d’ailleurs très ouverts face à nos doléances. On veut réfléchir avec eux sur ce à quoi ressemblera l’industrie du sinistre dans cinq ans. »

Sur ce point, M. Bégin souligne qu’il y a urgence d’agir. « De plus en plus de restaurateurs me confient qu’ils ne veulent plus transférer leur entreprise à leurs enfants vu le contexte dans lequel ils évoluent. Ça nous préoccupe. »

Autre phénomène, un nombre grandissant de restaurateurs après-sinistre misent sur des activités connexes pour assurer leur rentabilité. « On en voit aussi qui veulent vendre ou même faire autre chose. S’il y a moins de restaurateurs, c’est l’assureur qui sera pris avec le problème à la fin. Ceux qui resteront seront trop occupés », dit-il.

Dans le moment, des restaurateurs optent plutôt pour réduire la taille de leurs locaux ou encore remercier un chargé de projet. « On se doit toutefois d’avoir une main gagnante pour assurer la survie de nos entreprises. En ce moment, ça passe par aller chercher du travail hors du giron des assureurs », ajoute M.Demuy.

Big Brother

Les restaurateurs après sinistre travaillent-ils dans un climat de confiance selon la FIRAS ? « On a toujours l’impression d’avoir Big Brother derrière nous. C’est correct, car les assureurs ont le droit de vérifier notre travail. Mais ils se doivent d’avoir une plus grande confiance envers nous. Nos gens suivent des formations, dont des cours avancés sur les incendies et les dégâts d’eau. On est content d’être challengé, mais une fois sur les lieux, il faut prendre des décisions rapidement. Nous n’avons pas 3, 4 ou 5 jours pour le faire. Et l’expert en sinistre n’est pas toujours présent. Nous sommes aussi conscients que nous ne sommes pas infaillibles. Mais il faut en discuter », dit-il.

Il ajoute que les restaurateurs après sinistre doivent établir leurs décisions en fonction des demandes des assureurs. Et tout ça dans un contexte où les assurés sont de plus en plus exigeants.

« Quand le chargé de projet prend une heure pour expliquer ce qui se passe à l’assuré, il ne travaille pas sur la réclamation. Il doit donc rester plus longtemps. C’est ce lien de confiance qu’il faut resserrer », dit M. Demuy.

Le vice-président de la FIRAS dit toutefois avoir bon espoir d’y arriver. « On veut entendre que chaque client assureur est content. C’est important d’avoir un dialogue. Il y a des assureurs qui sont d’ailleurs ouverts à nous aider lorsqu’on vit un problème. Et on le résout dans bien des cas ! »