Un écart se creuse en ce qui a trait à la rentabilité des cabinets de courtage du Canada. Les courtiers se trouvant dans les premiers 20 % en matière de rentabilité génèrent beaucoup plus de bénéfices que les autres, indique Mike Berris, associé chez Smythe Ratcliffe, une firme de consultation établie à Vancouver.M. Berris vient de publier la cinquième édition de son benchmark, intitulé Berris Property and Casualty Insurance Brokerage Report. Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec lui.

M. Berris y analyse divers indicateurs de performance mesurant la performance de 330 succursales de cabinets de courtage. La plupart des cabinets analysés se trouvent hors Québec, mais l’étude de M. Berris en compte quelques-uns dans l’ouest de l’ile de Montréal.

M. Berris dit remarquer que les courtiers se trouvant dans le premier 20 % de performance sont souvent des consolidateurs. Ils peuvent introduire des systèmes qui améliorent l’efficacité de leurs employés et ainsi augmenter le revenu généré par chaque ressource. « Les courtiers les plus performants ont aussi du succès dans la livraison de polices en ligne. Cette tendance va se poursuivre », dit-il.

Il ajoute que la spécialisation dans les marchés de niche en assurance des entreprises deviendra plus importante. « Les professionnels de l’industrie veulent de l’expertise qui ajoute de la valeur en matière de gestion de risques. Trouver la couverture appropriée pour un client demande donc une telle expertise », dit M. Berris.

Par ailleurs, il dit croire que les courtiers qui livrent aux assureurs des portefeuilles d’affaires très rentables auront un meilleur soutien en matière de commissions de contingence, de capacités de souscription et de soutien en matière de distribution.

« Notre étude indique que de 1,5 % à 2 % des primes éligibles étaient retournées aux courtiers sous forme de commissions de contingence. Ça a un impact significatif sur leur rentabilité », précise M. Berris.

Les cabinets de courtage sont efficaces

M. Berris juge par ailleurs que les cabinets de courtage produisent un bon niveau de vie pour leurs propriétaires et leurs employés. Il ne remet donc pas en doute leur efficacité et leur productivité.

« La question se pose plus quand le cabinet change de mains. Est-ce que l’acquéreur ou l’investisseur sera en mesure de générer un retour intéressant en fonction du prix qu’il a payé? Ce n’est pas rare de voir un acheteur payer neuf ou dix fois le flux de trésorerie après impôt. Ça implique un retour après impôts de 10 % ou 11 % sur une période de neuf à dix ans », dit-il.

M. Berris dit tirer deux enseignements de cette situation. « Tout d’abord, les investisseurs dans les cabinets de courtage ne voient pas beaucoup de risques quand ils font un tel investissement. Ensuite, ils doivent croire qu’ils peuvent introduire des améliorations pour générer un meilleur rendement à long terme », dit-il.

Quelques conseils pour les acheteurs

Il y a toutefois quelques règles à respecter pour qu’une telle chose fonctionne, croit M. Berris. Tout d’abord, s’assurer que le cabinet visé a des contrats raisonnables avec ses assureurs en ce qui a trait aux commissions de contingences.

Il recommande aussi de s’assurer que les contrats des courtiers producteurs fassent en sorte que ces derniers aient une bonne rémunération, mais que la propriété du volume d’affaires soit bien protégée. « Le tout doit générer de bons rendements pour le cabinet, tout en assurant que le courtier producteur ait de bonnes pratiques de souscription », précise M. Berris. Il conseille aussi aux acquéreurs de viser des cibles se spécialisant dans des marchés où les primes se raffermiront avec le temps.

M. Berris juge primordial que les cibles d’acquisition aient des employés engagés. Ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils soient heureux, mais que leur performance soit bien mesurée. Il considère importante la présence de programmes de reconnaissance, de procédures écrites, de formulaires d’évaluation des employés, de rémunération établie selon la performance et de mesures des commentaires des clients.

Une industrie mature

M. Berris qualifie par ailleurs le marché de l’assurance de dommages comme étant arrivé à maturité, ce qui a un impact sur les fusions et acquisitions des cabinets de courtage. « Les assureurs et les courtiers tentent activement de croitre en regardant du côté de nouveaux canaux de distribution, en créant des programmes d’affinité et en contrôlant les couts. Malgré cela, leur croissance matérielle provient des acquisitions. Cette tendance devrait se poursuivre. Les prix se sont stabilisés au cours des deux dernières années. Plusieurs consolidateurs croient toutefois qu’une hausse future des primes leur donnera une poussée », dit-il.

M. Berris croit que l’assurance des particuliers demeure l’avenue la plus profitable pour les cabinets de courtage en matière de rentabilité. « La couverture de base ne subit pas de demande élastique. Elle se prête bien à une approche systématisée, qui ne requiert pas des employés ayant de grandes habiletés et un fort salaire », dit-il.

Quant à l’assurance des entreprises, il voit une spécialisation s’y dessiner dans le futur. « Il est de plus en plus difficile pour les courtiers œuvrant dans le petit détail d’avoir des marchés adéquats et d’y développer les habiletés nécessaires. Plusieurs cabinets se plaignent que l’assurance aux entreprises n’est pas rentable parce que la rémunération des courtiers producteurs est trop élevée et que ces derniers sont difficiles à gérer. La plupart des cabinets de courtage n’ont pas les ressources pour mesurer la performance du portefeuille d’affaires d’un courtier producteur », dit M. Berris.

Il juge d’ailleurs que ce qui distingue les courtiers les plus performants des autres est leur capacité à réaliser des économies d’échelle, mais aussi à bien gérer leur personnel. « Le courtier qui gère à l’ancienne n’a plus toujours les capacités pour gérer et assurer la transition de ses affaires vers l’ère de l’électronique », dit-il.