Lorsqu’il a pris les rênes de l’Association des experts en sinistre indépendants du Québec (AESIQ), Bertrand Vary a écrit une lettre expliquant qu’il en était le nouveau président, mais possiblement le dernier. Les choses ont toutefois changé depuis.

Deux développements majeurs ont fait en sorte que l’AESIQ connait un regain de vie. Le premier a été la publication du Rapport d’application de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, qui remet en question le rôle des experts en sinistre. Ce dépôt a entrainé une mobilisation des membres de l’AESIQ.

Auparavant, Indemnipro a décidé de joindre les rangs de l’AESIQ. Cette adhésion a permis de faire doubler le nombre de membres.

Bertrand Vary, président du conseil d’administration de l’AESIQ, convient que son organisme ne vivait pas de grandes secousses, ce qui explique que les experts en sinistre indépendants sentaient moins le besoin de se regrouper au sein d’une association.

Période faste

« Les experts en sinistre sont des gens de nature solitaires d’avance. Comme il y a eu beaucoup de sinistres au cours des dernières années, nous étions dans une période faste. De plus, il ne se passait pas grand-chose du côté règlementaire. Les gens ne s’impliquaient donc pas », dit-il.

Il rappelle que sur les 2 200 experts en sinistre que compte le Québec, un peu plus de 700 ne sont pas à l’emploi d’un assureur. « Notre bassin de membres fait en sorte que nous n’aurons jamais l’impact d’un syndicat de la force des Teamsters. En plus, au cours des derniers mois, nous ne comptions pas sur un conseil d’administration complet. Il y avait des sièges vacants », a dit M. Vary, lors d’une entrevue accordée au Journal de l’assurance.

Avec la venue des employés d’Indemnipro, l’AESIQ compte 350 membres. Ceux-ci paient une cotisation annuelle de 200 $, déductible d’impôts. Dans ce prix, l’Association fournit gratuitement à ses membres un programme de formation, étalé sur deux ans, leur permettant d’obtenir les 20 unités de formation continue (UFC) exigées par la Chambre de l’assurance de dommages.

La venue d’Indemnipro amène une tout autre dynamique, dit M. Vary. « Depuis dix ans, l’AESIQ était constitué de petits et moyens cabinets. Avec la venue d’Indemnipro, on travaille avec des gens qui vivent une autre réalité : celle d’un grand cabinet », ajoute-t-il.

Cet apport se fera sentir directement au sein du conseil d’administration de l’AESIQ, puisque trois experts en sinistre y travaillant y siègent. Parmi eux, on retrouve Michel Lacelle, directeur régional, Montréal, qui occupe la fonction de secrétaire au sein du conseil de l’AESIQ.

« Chez Indemnipro, nous avons pris la décision de nous engager au sein de l’AESIQ. Nous avons des idées à apporter et nous avons déjà eu des discussions à cet égard. On croit que l’Association a sa raison d’être. On sent aussi un intérêt des experts en sinistre indépendants. Il y a du travail à faire, mais nos gens ont le gout de s’impliquer. Nous sommes encore en apprentissage vis-à-vis l’AESIQ. On veut bien comprendre qu’elle est sa mission et son passé. On met des idées sur la table pour voir la direction que l’on veut prendre ensemble », dit M. Lacelle, aussi présent lors de l’entrevue.

L’avenir du métier

Pour M. Vary, l’AESIQ doit être vu comme un vecteur faisant la promotion de l’avenir de la profession d’experts en sinistre indépendant. « Ce n’est pas un club social. On vise à y développer la relève. On croit qu’il faut faire un brassage d’idée pour l’avenir du métier », dit-il.

La révision de la loi 188 est aussi venue accélérer cette réflexion. Dans son Rapport d’application, le ministère des Finances du Québec affirme que les experts en sinistre ne devraient plus être régis par la Loi sur la distribution des produits et services financiers. Le Ministère y a aussi indiqué que l’expert en sinistre « exécute essentiellement une fonction directement liée à l’activité de l’assureur » et « qu’il n’offre pas de service. »

Mobilisation

« Il faut faire valoir l’importance de notre profession. Chez Indemnipro, on jugeait aussi important de faire valoir notre point de vue à ce sujet. On s’est ainsi regroupé pour s’assurer que le tout était bien compris par les membres », dit M. Lacelle.

En fin de compte, 161 experts en sinistre indépendants ont déposé un mémoire, essentiellement le même pour la grande majorité. « La loi 188 vient fragiliser notre métier. Ça fait des années que nous travaillons pour un obtenir un niveau de compétences généralisées. Nous avons un bassin de gens qui ont de grandes compétences », dit M. Vary.

Pour bâtir son mémoire, l’AESIQ a notamment travaillé avec la Chambre de l’assurance de dommages, dont sa PDG Maya Raic. Des échanges ont aussi été faits avec le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ).

L’AESIQ compte ainsi ne pas ménager les efforts pour faire valoir la pertinence de la profession d’expert en sinistre indépendant. « Notre but, comme association, est de revenir sur les rails. On sent un nouveau souffle », dit M. Lacelle. « On y travaille fort », ajoute M. Vary.

Établir le rôle de l’AESIQ

L’Association travaille en ce moment à bien établir son rôle. « On échange des idées pour établir la direction que l’on veut prendre. Il fait prendre le temps d’y travailler pour bien définir le tout, au bénéfice des experts en sinistre indépendants », dit M. Lacelle.

La révision de la loi 188 jouera un rôle dans cette réflexion, mais les dirigeants de l’AESIQ ne veulent pas tout de suite s’imposer d’échéancier quant à cette réflexion. « On veut être impliqué pour être entendu, mais aussi pour que les choses soient bien faites. C’est sûr que l’on souhaite que le tout se fasse le plus vite possible, mais on veut avant tout que ce soit bien fait. C’est pourquoi on ne veut pas se mettre de délais », dit M. Lacelle.

M. Vary ajoute que les besoins des experts en sinistre varient selon leurs spécialisations. Un expert qui se spécialise en responsabilité n’aura pas les mêmes besoins qu’un autre traitant des sinistres plus traditionnels, dit-il.

« On ne veut pas arriver avec quelque chose qui ne serait pas adéquat. Il ne faut pas oublier que nous sommes au service de nos membres. Il faut y réfléchir pour s’assurer de bien couvrir tous leurs besoins », dit-il, rappelant que l’AESIQ compte des membres à la grandeur du Québec.

MM. Vary et Lacelle ont toutefois insisté pour spécifier que les experts en sinistre indépendants auront toujours leur place. « Comme n’importe quel domaine en effervescence, nous nous adaptons pour assurer que l’on présente la qualité de service qui est requise », dit M. Vary. « On veut pousser cela davantage », ajoute M. Lacelle.

Choix de vie

M. Vary rappelle aussi que le métier d’expert en sinistre est un choix de vie. Il dit connaitre plusieurs experts en sinistre passionnés qui n’hésitent pas à quitter un brunch en famille le dimanche matin pour investiguer les causes d’un sinistre.

« On assume ce choix de vie, dit M. Vary. Nous ne travaillons pas en fonction du calendrier ». « C’est une profession qui gagne à être connue », ajoute M. Lacelle.

Pour eux, les perspectives d’avenir des experts en sinistre indépendants sont très positives. « Il y a plein d’idées qui se brassent en ce moment et on se doit d’impliquer la jeunesse dans cette réflexion, pour savoir comment les impliquer. On voit le tout avec optimisme », dit M. Lacelle.

M. Vary s’attend à ce que la profession se spécialise, les experts en sinistre indépendants se développant des créneaux, comme d’autres professionnels de l’industrie. « On voit ce changement se faire lentement, mais sûrement. La profession doit s’adapter. Il faut aussi être à l’écoute du besoin du client assureur », ajoute-t-il.

M. Vary a par ailleurs confié au Journal de l’assurance que ce mandat à titre de président de l’AESIQ sera son dernier. Il compte céder sa place à l’automne.