L’industrie doit revoir sa façon de vendre de l’assurance aux entreprises au Québec. Pourquoi? Parce que les PME perçoivent les coûts de protection comme trop élevés en comparaison des pertes potentielles tout comme elles pensent que les exclusions imposées sont trop restrictives.C’est l’une des conclusions d’une étude sur La couverture des risques assurables par les PME québécoises, rendue publique l’automne dernier par une équipe de chercheurs universitaires : Gilles Bernier, professeur au département de finance et assurance de la Faculté des sciences de l’administration, de l’Université Laval, Nabil Khoury, professeur invité au département de stratégie des affaires de l’École des sciences de la gestion à l’Université du Québec à Montréal, et Markho Savor, professeur au département stratégie des affaires, à l’École des sciences de la gestion, à l’UQAM. Ces deux derniers collaborent également à la Chaire Desjardins en gestion des produits dérivés de l’UQAM dont M. Khoury est titulaire alors que M. Bernier est titulaire de la Chaire d’assurance et de services financiers L’Industrielle-Alliance de l’Université Laval.

Cette étude menée conjointement par les trois chercheurs portait sur deux questions : les risques assurables et les risques financiers assumés par les PME québécoises.

L’hypothèse de départ du projet de recherche voulait vérifier s’il était vrai que les PME québécoises manquaient souvent de moyens financiers pour assurer adéquatement leurs entreprises ; si les dirigeants étaient souvent indifférents face aux risques encourus, croyant que le pire n’arrive qu’aux autres; et, s’ils connaissaient mal leurs polices d’assurances ainsi que la valeur de leurs actifs, entre autres choses.

La recherche innove puisqu’elle cherche à faire la lumière sur l’inquiétude perçue par les PME québécoises envers les risques assurables. Selon les chercheurs, « cette inquiétude découle du niveau des risques réels de perte auxquels les PME font face ainsi que de l’estimation qu’elles en font ».

En outre, le questionnaire a cherché à cerner le niveau d’inquiétude des PME face aux divers types de risques (purs) assurables auxquels elles sont confrontées, à quantifier le degré d’utilisation des différents contrats qui existent sur le marché pour la couverture de ces risques par les PME, et, finalement à identifier les principales raisons qui, comme le mentionne les chercheurs, « freinent l’utilisation de ces produits par les PME ».

Différents types de contrats

De façon générale, 79% des PME interrogées utilisent de quatre à six contrats d’assurances, alors que 21% d’entre elles utilisent de un à trois contrats. Le contrat de responsabilité civile générale est le contrat le plus utilisé par les PME interrogées; viennent ensuite par ordre d’importance les contrats suivants : assurance vie du personnel stratégique (79%), assurance interruption des affaires (72%), assurance responsabilité des dirigeants (69%), assurance invalidité des dirigeants (68%) et assurance tous risques (« umbrella ») utilisé par 65% des PME.

Globalement, la recherche signale que ce sont les contrats d’assurance invalidité des dirigeants et le contrat d’assurance tous risques qui sont les deux contrats les moins utilisés par les PME du Québec. Le risque de l’invalidité est perçu comme quelque chose « qui n’arrive qu’aux autres », concluent les chercheurs, d’où le peu d’intérêt pour l’assurance d’un tel risque. Tout comme les travailleurs autonomes, les dirigeants de PME n’évaluent pas le risque d’invalidité à sa juste valeur, précise la recherche. « Les entreprises sont quand même ouvertes à s’assurer », affirme Gilles Bernier. Là où les chefs d’entreprise sont hésitants, c’est concernant les biens non-tangibles. »

Par ailleurs, les dirigeants de PME considèrent que l’assurance « tous risques » coûte trop cher; en fait, ils ne comprennent pas l’étendue de la couverture, selon les chercheurs. Précisons toutefois que les PME dont le chiffre d’affaires oscille entre 10 et 20 M$, ou celles dont le chiffre d’affaires dépasse les 20 M$, sont plus nombreuses à utiliser ce type de contrat.

Mais pour des risques plus tangibles comme les décès, les dommages aux biens, et la responsabilité civile, les PME québécoises souscrivent de façon plus généralisée aux contrats d’assurance qui y sont associés. Toutefois, quelques PME, et c’est la minorité, (4,6%) disent ne pas souscrire à un contrat d’assurance.
« Mais le fait est, signale Gilles Bernier, que les PME semblent être plus préoccupées par leurs risques assurables en termes de perte que par leurs risques financiers ». Les chercheurs ont étudié les deux types de risques par le biais de leur échantillon.

Assureurs et courtiers

Par ailleurs, 17% des PME souscrivent des assurances directement à l’assureur alors que 83% d’entre elles souscrivent leurs contrats par l’entremise d’un courtier. Comme le mentionnent les chercheurs, les entreprises de petite taille (18 employés et moins) et celles dont le niveau d’inquiétude vis-à-vis les risques assurables est faible sont proportionnellement plus nombreuses à faire affaire directement avec les assureurs, tout comme les entreprises de services.

Finalement, les principaux obstacles à l’utilisation des contrats d’assurance par les PME, sont la perception que les coûts de protection sont trop élevés en comparaison des pertes potentielles et que les exclusions sont trop restrictives. Les firmes de petite taille seraient proportionnellement plus nombreuses à considérer que le coût de protection trop élevé en comparaison des pertes potentielles serait un obstacle important à l’utilisation des contrats d’assurance, soit 75% des PME comptant 18 employés et moins.

L’étude des professeurs Khoury, Savor et Bernier, arrive à un moment où, selon Gilles Bernier, on sent un engouement et un intérêt des courtiers et des assureurs directs à développer le marché des assurances aux entreprises au Québec.