Alors que le débat fait rage aujourd’hui, la règle des 20 % suscitait il y a 30 ans une vraie unanimité au sein des cabinets de courtage. Les trois associations qui les représentaient à l’époque s’étaient même ralliées autour d’une position commune.

À cette époque, le courtage en assurance de dommages vivait les secousses du décloisonnement des institutions financières. C’est dans ce contexte que la règle des 20 %, qui limite l’actionnariat que peut posséder un assureur dans un cabinet de courtage, avait vu le jour.

Un Comité tripartite sur la réforme et la réglementation du courtage d’assurance avait ainsi été mis sur pied. Il regroupait l’Association des courtiers d’assurances de la province de Québec (ACAPQ), le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), ainsi qu’un regroupement de grands cabinets.

Les ténors du courtage en premières lignes

Des ténors du courtage avaient alors signé son mémoire déposé au gouvernement du Québec : Paul-André Simard, président de l’ACAPQ, qui allait plus tard devenir le premier président du conseil d’administration de la Chambre de l’assurance de dommages ; Jean Martin, qui a dirigé les activités de Martin Assurance & Gestion de risques, devenu Hub International Québec; Claude St-Pierre, qui était le dirigeant principal de Johnson & Higgins, plus grand courtier au monde de l’époque; Gérald Laberge, dirigeant principal de Gérard Parizeau ltée; Simon Brisson, propriétaire du Groupe Plural; et John Morin, un courtier dont la carrière a marqué l’industrie du courtage par son implication et ses prises de position au sein des divers associations de courtiers au Québec ainsi qu’au sein de l’Association des courtiers d’assurance du Canada. Le RCCAQ a d’ailleurs salué son parcours en nommant un prix à son nom. C’est d’ailleurs ce dernier qui a rappelé l’existence de ce mémoire au Journal de l’assurance.

« Comment ne peut-il pas y avoir d’influence ? »

Un pan entier du mémoire du Comité tripartite portait sur la propriété du capital d’un cabinet de courtage par un assureur. Les trois organismes que rassemblait ledit comité s’opposaient, à l’époque, à ce qu’un assureur puisse, directement ou indirectement, être propriétaire d’une entreprise dont l’un des objets est l’exercice du courtage en assurance.

« La propriété d’une entreprise implique de façon naturelle non seulement l’encaissement des profits qu’elle génère, mais aussi, de toute évidence, le contrôle de ses opérations. Dans un tel contexte, comment le courtier peut-il ne pas être influencé dans l’accomplissement de son mandat ? Concrètement, comment le courtier qui est directeur général de l’entreprise de courtage et dont le maintien en poste, le salaire, le boni et les autres avantages sont décidés par le propriétaire ne sera-t-il pas influencé par ce dernier dans l’établissement et l’administration quotidienne des politiques de l’entreprise de courtage si ce propriétaire est un assureur ? », pouvait-on y lire.

Pas d’influence due aux commissions de contingence

Et qu’en est-il des commissions de contingence ? Mettent-elles en danger la neutralité du courtier ? Non, affirmait alors le Comité tripartite. « Les fluctuations de primes dans un contexte de marché libre obligent le courtier qui ne veut pas encourir la désertion de la clientèle à prodiguer des conseils sans égard au rapport commission-prime. »

Le Comité tripartite s’était aussi penché sur la raison d’établir à 20 % le seuil de propriété qu’un assureur pouvait détenir. « Elle est inspirée d’un principe comptable généralement reconnu en vertu duquel les revenus de corporations affiliées ou liées sont inscrits à leur valeur de consolidation aux états financiers lorsque le seuil de 20 % est atteint. »

Fonction d’agent exclusif de l’assureur intéressé

Le Comité tripartite proposait en outre que l’entreprise qui ne respecte pas le seuil de 20 % n’ait plus droit d’utiliser le titre de courtier d’assurance. « Elle devrait être limitée à la fonction d’agent exclusif de l’assureur intéressé ou se voir interdire le placement de risques avec cet assureur. »

Au final, quelques mois plus tard, le gouvernement avait accepté la proposition du Comité tripartite.