Depuis l’annonce de la fermeture du portail du CEPA, la porte est toute grande ouverte pour que les fournisseurs de systèmes de gestion de cabinets de courtage occupent le terrain.Au moment de mettre sous presse, le CEPA n’avait pas précisé ses intentions quant aux modalités de fermeture de son portail, se bornant à mentionner qu’il allait collaborer avec les courtiers de façon à assurer une « transition fluide ».

Mais du côté des fournisseurs technologiques, on marchait sur des œufs, quelques jours après l’annonce. Chez Applied Systems, Greg Purdy a carrément refusé de répondre aux questions sur les projets de l’entreprise dans le domaine de la connectivité entre cabinets de courtage et assureurs.

Chez Keal Technologies, Patrick J. Durepos a brièvement expliqué qu’il dispose déjà de la technologie pour prendre le relais du portail : « Nous avons un plan pour offrir une alternative dès les premiers mois de l’année à l’ensemble de l’industrie. Même à nos compétiteurs! »

Keal dispose d’une technologie similaire à celle du portail, Nexisys, développée par la société Brovada. Keal possède les droits de distribution exclusifs au Canada pour l’industrie de l’assurance et des services financiers. Cette technologie XML permet de transmettre en temps réel, à l’ordinateur de l’assureur, les donnés recueillies par le courtier à l’aide du système de gestion d’agence de courtage.

Keal a aussi inclus dans ses produits la technologie SigXP, qui permet de se brancher directement, par lien encrypté, sur l’ordinateur d’un assureur pour y effectuer certaines transactions. Cette connectivité (single sign on) est disponible pour le moment avec AXA Assurances.

Custom Software Solutions, de son côté, offre déjà une connectivité multi-assureurs similaire, utilisée par Wawanesa et Royal & Sun Alliance.

Des décisions pour bientôt

Au RCCAQ, on avait pris l’initiative, à la fin de l’été, de commander une étude sur la faisabilité du portail du CEPA, à la firme BComC. Le rapport n’est toujours pas remis, mais M. Brunet en a obtenu les grandes lignes. Et il a déjà rencontré différents fournisseurs de services informatiques.

« Nous allons tracer certains constats et prendre des décisions en janvier sur cette question, dit-il. Les gens de BcomC nous ont dit que la technologie disponible actuellement sur le marché permet de faire la même chose que le portail, de façon plus malléable et pour moins cher. »

M. Brunet a même vu des démos de technologies déjà au point : « Ça fonctionne très bien, dit-il. En quelques secondes, vous obtenez l’information désirée. Le problème de ces technologies, c’est qu’une fois rendu sur le terrain, il y a toujours des complications. Ces gens-là devront s’adapter à toutes les situations et ce ne sera pas facile. Je rappelle la position du RCCAQ dans ce dossier : il nous faut une solution universelle, accessible à partir de tous les systèmes de gestion de cabinets de courtage et à tous les portails des assureurs, qui permettent de transférer l’information et d’obtenir une soumission garantie en un seul clic de souris. Ce que le portail n’a jamais livré. »

M. Brunet ajoute qu’en 1999, ce genre de vision était impossible à réaliser avec la technologie de l’époque. « En un sens, le CEPA a fait de grands pas avec un projet très difficile à réaliser, dit-il. Peut-être que nous aurons, comme organisme, à valider une nouvelle technologie qui fera le même travail. À mon avis, la mission du CEPA devrait dorénavant être celle d’encourager une norme universelle dans ce domaine, même si elle est fournie par un partenaire privé. »

Le Rubicon n’est pas encore franchi

John Morin a eu vent des démarches du RCCAQ avec d’autres fournisseurs technologiques. Il fait preuve de scepticisme. « J’étais au CEPA de 1987 à 1990 et j’y siège depuis 1996. Durant toutes ces années, nous avons eu plusieurs offres de fournisseurs technologiques pour régler le problème du portail. Mais à chaque fois que ça sortait de la théorie, ça devenait soudainement très compliqué. »

« Prenez le portail Warp, d’Applied Systems, commente M. Morin. Ils ont eu beaucoup de misère à le faire décoller aux États-Unis. Et les assureurs américains n’y sont toujours pas tous inscrits. Pour ma part, je crois encore à une solution contrôlée par l’industrie canadienne de l’assurance de dommages. »

John Morin rappelle que pour obtenir une soumission, un courtier doit naviguer sur le site internet d’un assureur et inscrire son mot de passe. Chaque courtier au sein d’un même cabinet a le sien. Et ce mot de passe change chaque mois. De plus, le courtier doit répéter la manœuvre pour chaque assureur. Le projet de portail aurait permis de contourner ces obstacles. « On a déjà de la difficulté à faire cela avec le CEPA, qui est un organisme de l’industrie. Je me demande si un fournisseur technologique privé pourra y arriver par lui-même. Car chaque assureur a ses propres lignes directrices en matière de sécurité informatique. Et certaines de ces lignes directrices sont déterminées par un siège social situé hors du pays. Ce genre de collaboration, qui est censée être plus aisée au sein du CEPA, a pris des années. Je souhaite bonne chance à un intervenant extérieur. »

Les courtiers pourront-ils un jour lutter à armes égales avec les assureurs directs, en offrant rapidement une soumission ferme à leurs clients? Hubert Brunet se dit encore optimiste : « Si le portail a échoué, c’est parce que les courtiers ont demandé aux assureurs de régler leurs problèmes, au lieu de se prendre en mains, dit-il. Ils n’ont pas agi en véritables courtiers. Ils n’ont pas cru en leurs forces et leur principal avantage : ce sont des conseillers. Je crois que les courtiers vont comprendre qu’il est temps de se doter d’un outil qui permettra de comparer des prix et des produits dans un délai jugé acceptable pour le consommateur des années 2000. »

M. Brunet ajoute que les courtiers ne pourront probablement jamais regagner les parts de marché qu’ils avaient dans les années 1970 et jusqu’à l’arrivée de Desjardins et des autres assureurs directs. « Mais le marché de l’assurance a changé, dit-il. Les consommateurs vieillissent. Leurs besoins sont de plus en plus complexes. Ils sont éduqués mais veulent du service, du savoir-faire. On a prédit la déchéance du courtage, mais dans d’autres domaines économiques, comme dans les hypothèques et même la location de voiture, le courtage gagne du terrain. La fermeture du portail du CEPA ne change rien à cette donne : la technologie ne pourra plus ralentir le courtage d’assurance de dommages. »