La 41e édition du congrès du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) s’est déroulée sous le thème Réinventons notre profession. Ce dernier inspirera le Regroupement tout au long de l’année à venir, d’autant plus que le courtage devra établir les bases de sa stratégie pour regagner des parts de marché.ja_23_03_img14

Le RCCAQ travaillera tout d’abord à faire connaitre l’impact économique du courtage au Québec. Le Regroupement estime que les cabinets de courtage génèrent des retombées économiques de 650 millions de dollars (M$) au Québec. Si on ajoute les 300 M$ qu’ils versent en impôt, ces retombées frôlent le milliard de dollars et, fait notable, 40 % de ces retombées se font à l’extérieur des grands centres urbains de Montréal, Québec et Gatineau.

« Comme organisation, on veut venir démontrer la valeur du courtage. Il faut que l’on soit partout en région. Si le courtage s’éteint, les emplois qu’il amène en région s’en iront dans des centres d’appel », affirme Vincent Gaudreau, président du conseil d’administration du Regroupement.

Guy Parent, qui en est maintenant à sa deuxième année comme directeur général du RCCAQ, se dit impressionné par la passion des courtiers, qui sont des entrepreneurs dans l’âme. Il donne en exemple les courtiers Gilles Bazinet et Claude Pinsonneault qui, à 65 et70 ans, sont toujours aussi actifs dans leurs cabinets et ne comptent pas ralentir.

« Le courtage connait un déclin dans ses parts de marché, mais pas dans son service. Comme les dirigeants d’assureurs l’ont dit lors du panel, les courtiers étaient devenus trop transactionnels. Le client veut avoir un service. Il veut se sentir bien servi. Si les courtiers font la même chose, ils vont se faire manger. C’est sur cela qu’on veut travailler », dit-il.

M. Gaudreau convient que réinventer le courtage prendra plus qu’un an. « On voit le marché aller, et il y a beaucoup de changements, notamment sur le plan des communications. Beaucoup se servent des nouveaux outils de communication pour mieux servir le client. C’est un bon moment pour renforcer ce fait. On veut amener les courtiers à repenser leur modèle d’affaires. On veut qu’ils s’interrogent, qu’ils pensent à comment l’améliorer et à comment l’adapter aux réalités actuelles et futures », dit-il.

Le Regroupement finalise d’ailleurs les travaux sur sa planification stratégique des trois prochaines années. L’organisme souhaite se positionner dans les médias sociaux, mais aussi penser à son image de marque.

À la fin de 2013, le RCCAQ a lancé son programme de formation Perform. Depuis, plus de 1 000 courtiers ont reçu une formation par l’entremise de celui-ci. Le Regroupement a aussi lancé son service de consultation en cabinet par le biais de Perform. « On fait l’analyse des besoins puis le cabinet élabore un plan. Il peut faire appel à notre gamme de consultants pour l’aider. Ça fonctionne bien. Dix cabinets se sont prêtés à l’exercice pour qu’on analyse leurs besoins de formation, et nous avons mené une quarantaine de consultations », dit M. Parent.

Le RCCAQ a aussi développé une série d’indicateurs de performance en association avec le Centre d’étude de la pratique d’assurance (CSIO). Les courtiers membres du Regroupement pourront ainsi se mesurer entre eux, que ce soit en assurance des particuliers, en technologie ou autre. Une trentaine d’indicateurs sont mesurés en tout.

« Ce fut un travail long et ardu, mais nous sommes satisfaits du résultat. Ce sont 130 cabinets qui y ont participé, totalisant un volume de primes de 700 M$. Nous voulions aussi avoir une répartition régionale, mais ce fut plus difficile dans certaines régions, comme l’Abitibi-Témiscamingue, qui compte cinq ou six cabinets de courtage », dit M. Parent. Dans une prochaine étape, le RCCAQ souhaite faire une étude sur les salaires payés dans les cabinets de courtage, un besoin exprimé par les membres vu le cout de la main-d’œuvre actuel.

S’adapter par l’efficacité

Le gain de parts de marché passera aussi par des gains d’efficacité des cabinets de courtage, croit M. Gaudreau. « Si on regarde partout dans le monde, il y a eu une montée des directs depuis 20 ans. Dans chaque marché, un équilibre se crée. A-t-on atteint cet équilibre au Québec? Possiblement. On s’est adapté. On est plus efficace. Les courtiers ont su faire évoluer leur offre de service », dit-il.

M. Parent rappelle aussi que les courtiers ont toujours su, bon an mal an, faire croitre leur volume de primes. « Sauf que la progression des primes des 20 dernières années est due au travail des directs, qui sont allés chercher les primes. Le courtage n’a pas perdu tant de volume que ça. Ce sont les nouvelles affaires qui ont été perdues », dit-il.

Le courtage doit aussi éviter de se fermer des portes, à un moment où les primes en assurance automobile et en assurance aux entreprises n’ont jamais été aussi basses. « Il ne faut pas non plus se leurrer et penser que les directs n’attaqueront pas l’assurance aux entreprises. On doit être plus avenant, plus présent. La proximité du courtier est une force », dit M. Parent.

M. Gaudreau ajoute que les courtiers devront aussi songer à aller vers d’autres marchés, que ce soit les services financiers ou les hypothèques. « AXA Assurance avait fait une grande offensive à l’époque. Nous sommes peut-être rendus à retenter l’expérience. Si le réseau reste efficace, il sera difficile pour un concurrent d’y entrer. L’élargissement de la gamme de produits peut être une avenue, tout comme trouver d’autres créneaux. »

M. Gaudreau donne en exemple Michaël Léveillé, qui a conçu un programme spécifique pour les écoles de danse sociale, lui-même étant un adepte de ce loisir. « C’est à chacun de trouver sa propre recette », dit le président du RCCAQ.

Les défis de la consolidation

L’année 2014 a marqué une accélération de la consolidation du courtage. Ce sera un défi pour le Regroupement, reconnaissent MM. Gaudreau et Parent.

« C’est inévitable. Le courtage vieillit. On en parle depuis dix ans. Il n’y en avait pas eu tant que ça avant, si on compare avec les cinq dernières années, et ça risque d’accélérer. »

M. Parent ajoute que le modèle d’affaires du RCCAQ est basé sur le nombre de membres et non nécessairement sur leurs volumes. Les grands cabinets sont considérés comme étant ceux ayant un volume de plus de 20 M$ pour établir leur cotisation.

« Il y a un réaménagement à faire là-dedans. Le nombre de courtiers ne change pas. En ne faisant rien, on perd des membres. Nous devons redéfinir notre offre de service », dit-il.Dans son rapport annuel, le RCCAQ indique qu’il compte 373 membres. Toutefois, au cours des deux dernières années, le Regroupement a connu une baisse de membres de près de 12 %, liée à la consolidation des cabinets. Il y indique par ailleurs que 49 cabinets ont fusionné, vendu ou annulé leur adhésion en 2012-2013; puis 26 autres, en 2013-2014.

Rehausser l’image de marque

M. Parent ajoute que les courtiers devront travailler à rehausser leur image de marque et ainsi s’assurer que la population sait en quoi consiste le rôle des courtiers. Le directeur général a d’ailleurs lancé l’idée de créer un fonds pour faire la promotion du courtage. Il a notamment sondé l’intérêt des assureurs lors du panel des dirigeants.

« Les notaires ont fait le même exercice il y a quelques années, rappelle M. Parent. Ils avaient recruté l’humoriste Pierre Légaré et ça avait donné des résultats. Il y avait eu une hausse des admissions en notariat dans les universités. Pourquoi ne pas créer un fonds pour faire notre promotion? »

M. Gaudreau ajoute à cela qu’il y aura toujours des transactions dans le courtage. « Des cabinets sont mis sur pied chaque semaine. C’est important que l’entrepreneuriat demeure. Si les directs nous copient en créant des agences, c’est parce qu’on fait quelque chose de bon quelque part », dit-il.

Point important à ce sujet pour le RCCAQ : s’assurer que la Loi sur les banques interdise à ces dernières de vendre de l’assurance dans leurs succursales. « Sinon, on risque de connaitre le sort du courtage en valeurs mobilières, qui a complètement été avalé par les banques », dit M. Parent.

Solutions de financement

Pour protéger son marché, le RCCAQ souhaite aussi aider les courtiers à trouver d’autres solutions de financement pour acquérir des cabinets. Outre le partenariat signé il y a bon nombre d’années avec BMO, de nouveaux joueurs sont maintenant dans le portrait, soit Banque Laurentienne et First Capital. « On veut que le courtier ait le choix. On ne veut plus entendre dire qu’un courtier qui vend n’avait d’autre choix que Promutuel Assurance. Ça nous désole. On veut pouvoir affirmer qu’il y a d’autres options », dit-il.