Les récents changements aux exigences en matière de réserves de capital ont donné un peu d’air aux assureurs devant la récente volatilité du marché. Cependant, à eux seuls, les changements à la réglementation n’ont pas été suffisants. Plusieurs assureurs ont dû prendre d’autres mesures afin d’augmenter leur capital.Comme l'a rapporté le Journal de l'assurance dans sa dernière édition, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSFI) a assoupli les directives relatives au montant minimum permanent requis pour le capital et l'excédent (MMPRCE) en ce qui a trait aux fonds distincts, le 28 octobre. Ces nouvelles règles permettent aux assureurs de répartir leurs obligations de garanties en différentes catégories et de mettre en réserve moins d'argent pour les fonds distincts dont l'échéance se situe au-delà de cinq ans.

Tôt en novembre, la Financière Manuvie a obtenu un prêt de 3 milliards $ sur cinq ans auprès de six banques canadiennes afin de consolider ses réserves et de contribuer à garantir les affaires liées aux rentes variables, particulièrement pour son produit à garantie de retrait minimum RevenuPlus. Ce produit a connu un grand succès au cours des deux années précédentes. En septembre, Manuvie a rapporté des dépôts qui excédaient 6 milliards $ dans le FPG Sélect qui met en vedette le produit RevenuPlus.

Manuvie inquiète des analystes

Ce succès soulève cependant l'inquiétude de certains analystes. Ainsi, au cours d'une conférence téléphonique sur les résultats financiers de la Financière Manuvie, un analyste a interrogé son PDG Dominic D'Alessandro sur un élément qui suscite des questionnements: « Qu'auriez-vous fait si le BSFI n'avait pas consenti à modifier les règles pour vous accommoder » a demandé Colin Devine, un directeur gestionnaire chez Citigroup Investment Research.

M. Devine faisait allusion au fait que Manuvie, plutôt que d'utiliser la réassurance comme protection contre un important recul du marché, a choisi d'en assumer le risque elle-même. Ses hypothèses à la baisse tablaient sur une réduction des marchés de 10  à 15  seulement. « Pourquoi n'avez-vous pas commencé à couvrir le risque lorsque que vous avez atteint votre niveau de tolérance de 15 ? », a-t-il demandé.

« Nous n'avions pas prévu l'ampleur de la volatilité qui prévaut présentement dans les marchés », a répondu M. D'Alessandro. Nous n'avions pas prévu que les marchés deviendraient aussi désorganisés. Ni que toutes ces institutions financières feraient faillite en une seule semaine. »

M. D'Alessandro a précisé qu'il aurait été extrêmement coûteux pour la Financière Manuvie de commencer à couvrir ses risques alors que la volatilité du marché était à son apogée, mais que la société serait malgré tout en mesure d'absorber les risques associés à ses rentes variables et de réaliser un bénéfice. « Nos modélisations nous indiquent que, même avec des indices boursiers aussi faibles, ce produit générera des profits très intéressants pour nous », ajoute-t-il.

M. Devine s'est toutefois montré insatisfait de la réponse. Il a fait remarquer que plus tôt dans la présentation, Peter Rubinovitch, chef de la direction financière, avait précisé que la société prévoyait apporter des changements. « Si vous êtes si satisfait de ce produit et de sa rentabilité, alors pourquoi en effectuer une refonte complète comme M. Rubinovitch l'a précisé? », a demandé M. Devine. « Ceci laisse croire tout à fait l'inverse. »

« Je pense que vous avez raison, a répondu M. D'Alessandro. Nous n'avions assurément pas prévu que les marchés tomberaient d'une façon aussi abrupte et que ceci nous exposerait au risque potentiel devant lequel nous nous retrouvons. Nous allons revoir notre produit et le rendre plus rentable. Nous allons soit rajuster la tarification, soit les caractéristiques et peut-être les deux. »

Il s'est rapidement avéré que ce prêt n'a pas été la seule mesure nécessaire. Tôt en décembre, la Financière Manuvie a annoncé qu'elle n'emprunterait que 2 milliards $ auprès des banques, mais qu'elle devrait réunir un montant supplémentaire de 2,125 milliards $ au moyen d'une émission d'actions ordinaires. La société a annoncé le 11 décembre qu'elle avait réuni un montant de 2,275 milliards $.

L'assureur a également averti ses actionnaires de se préparer à une perte de 1,5 milliard $ pour le quatrième trimestre de 2008. Cette situation a incité l'agence de notation du crédit Standard & Poors à modifier ses perspectives pour la Financière Manuvie la faisant passer de stable à négative compte tenu que ces nouvelles obligations financières contribuent à réduire la souplesse financière de la société.

Les couvertures de la Sun Life

La Financière Sun Life est une autre intervenante de taille, au Canada, dans le secteur des rentes variables. Sun Life considère-t-elle également apporter des changements à ses produits à garantie de retrait minimum SunWise Élite Plus?

Au cours d'une entrevue avec le Journal de l'assurance, Rocco Taglioni, vice-président, patrimoine individuel à la Sun Life, a dit que la société considère sans cesse des façons d'être plus concurrentielle, mais qu'elle n'était pas préparée à divulguer, le cas échéant, les changements qui seraient apportés à son produit de garantie minimum de retrait.

Il a précisé que Sun Life a adopté une approche différente de celle de la Financière Manuvie en matière de gestion du risque et qu'elle a couvert certains de ses produits à garantie de retrait minimum.

Lors de la conférence téléphonique pour les investisseurs de Sun Life, au troisième trimestre, Rick McKenney, premier vice-président à la direction et chef de la direction financière a dit que les contrats de couverture ont contribué à compenser les augmentations de réserve exigées par la chute des marchés d'environ 100 millions $. Il a rassuré les actionnaires en déclarant que « la rentabilité de ces produits par rapport à leur durée demeure solide ».

M. Taglioni a également souligné que les réserves de capital de Sun Life ont été considérablement augmentées par la vente récente de ses participations dans CI Financial à la Banque de la Nouvelle-Écosse. La vente a généré 2,3 milliards $.

Goût du risque

Dans une allocution présentée au Langdon Hall Life Insurance Forum, le13 novembre, Julie Dickson, surintendante du BSFI, a abordé les changements aux directives relatives au MMPRCE. Elle a recommandé que les sociétés adoptent une attitude prudente quant à leur capital et qu'elles effectuent des exercices complets afin de déterminer exactement le niveau de risque qu'elles peuvent affronter.

« La plupart des institutions financières n'hésitent pas à dire au BSFI quel est leur appétit pour le risque, mais de connaître ce que représente leur goût actuel pour le risque n'est pas un exercice superficiel », a dit Mme Dickson.

Elle a également précisé que les sociétés doivent surveiller le processus d'approbation de leurs produits. « Les produits peuvent se métamorphoser et leur profil de risques changer avec le temps, dit-elle. Ceci c'est clairement produit dans le cas du montage du crédit et pour les produits qui ont été offerts par l'industrie de l'assurance. »

Les financières Manuvie et Sun Life ne sont pas les seules à avoir besoin de fonds. Le 9 décembre, Great-West, qui n'offre aucun produit GRM, s'est jointe à la quête du financement, en annonçant qu'elle réunirait 1 milliard $ au moyen d'un placement d'actions ordinaires. « Grâce à ce placement, la société jouira d'une meilleure capacité pour profiter des avantages offerts par le marché », a dit Allen Loney président et chef de la direction de la Great-West.

Si les marchés ne s'améliorent pas, la recherche de capital continuera vraisemblablement. Dans un rapport publié tôt en décembre, l'agence d'évaluation du crédit A.M. Best a indiqué que les assureurs sont confrontés à une plus forte pression en raison de la crise financière mondiale. Elle a prévenu que certaines sociétés pourraient avoir de la difficulté à maintenir une base de capital conservatrice tout en générant des bénéfices favorables. « À plus long terme, les garanties qui sont d'un cours raisonnable se traduiront par des rendements », indiquait le rapport. « Bien que les incidences financières finales ne puissent être évaluées en ce moment et qu'elles demeurent largement dépendantes du rendement futur du marché boursier, A.M. Best prévoit que le rendement d'exploitation global des grandes sociétés se détériorera. »

Des clients inquiets

Voir que les assureurs doivent réunir des milliards de dollars inquiète certains clients. Qu'est-ce que les conseillers devraient dire aux clients qui s'inquiètent des garanties de leur fonds?

Curtis Findlay, un planificateur financier certifié de Canmore, en Alberta, recommande aux conseillers de ne pas s'exposer à une responsabilité quelconque en déclarant avoir une compréhension personnelle de la solidité financière d'une société d'assurance en particulier, spécialement dans les conditions actuelles du marché. « Je recommanderais aux clients de consulter le site Internet de l'industrie de l'assurance à l'adresse www.assuris.ca, dit-il. En fait, ce pourrait être une bonne idée pour les conseillers de réviser leur compréhension de la protection de leurs clients si les sociétés déclarent faillite. »

M. Findlay dit qu'il espère que la crise forcera certains changements dans la façon dont les compagnies d'assurance divulgueront leurs réserves et leurs manques. « Les trousses qui fournissent des renseignements aux clients sur les fonds distincts devraient comprendre des relevés de l'état actuel des réserves pour satisfaire aux obligations, dit-il. Les agents et les courtiers sont tenus d'offrir à leurs clients des normes élevées de service et les sociétés d'assurance souvent ne communiquent pas encore ouvertement les renseignements relatifs aux fluctuations de leurs réserves. »