Les assureurs à courtage présents au Québec sont sur le qui-vive à la suite de l’achat d’AXA Canada par Intact Corporation financière. Ils guettent les occasions d’affaires qui découleraient de cette transaction et rappellent aux courtiers inconfortables de la situation qu’ils sont ouverts à la discussion.Rowan Saunders, PDG de RSA Canada, affirme que cette transaction le force à revoir sa stratégie au Québec. Elle était orientée sur l’assurance aux entreprises. L’assurance des particuliers dans la Belle province vient toutefois de grimper en haut de liste de ses priorités.

En entrevue au Journal de l’assurance, M. Saunders a affirmé que cette transaction générerait des occasions pour son entreprise. Il dit en tirer quelques grandes leçons.

Tout d’abord, il souligne que la consolidation se poursuit. RSA en a été un acteur en faisant l’acquisition de GCAN au début de l’année. «?La transaction impliquant Intact et AXA amènera des changements. Les grandes organisations mondiales qui ont des actifs au Canada se demanderont si leurs activités canadiennes font partie de leurs activités maîtresses (core business). Ce sera encore plus le cas pour celles dont l’assurance de dommages n’en fait pas partie», dit-il.

La rentabilité de ces compagnies jouera aussi dans la consolidation, croit M. Saunders. «?En ce moment, on voit des compagnies qui ont d’excellents résultats et d’autres pour qui ce n’est pas du tout le cas. Ça aidera donc la consolidation du marché, voir même l’accélérera?», dit-il.

M. Saunders dit qu’une autre leçon qu’il retient de la transaction est que l’intérêt pour le segment de l’assurance aux entreprises ira en augmentant. «?La rentabilité y est plus intéressante qu’en assurance des particuliers. Les incendies de Slave Lake, en Alberta, et les inondations en Montérégie et au Manitoba le prouvent. De plus, le marché de l’assurance automobile n’est pas rentable, sauf au Québec. Je comprends l’intérêt d’Intact pour AXA, car la transaction leur permet de diversifier leur portefeuille, car 40?% du volume d’AXA était en assurance aux entreprises. Ça permet aussi à Intact de réduire son exposition au marché de l’assurance automobile en Ontario?», dit-il.

Le PDG de RSA mentionne aussi que les deux provinces les plus rentables pour les assureurs de dommages au Canada sont le Québec et la Colombie-Britannique, deux endroits où AXA était fort. «?C’est aussi notre stratégie de croitre dans ces deux provinces. La transaction présentait une concordance stratégique certaine pour Intact?», dit-il.

M. Saunders souligne aussi que la transaction suscite des questionnements chez les courtiers. Il dit avoir reçu des appels à cet effet. «?Perdre un marché (note de la rédaction?: un fournisseur) est toujours une inquiétude pour un courtier. La transaction fait aussi en sorte que le marché est plus concentré. C’est particulièrement vrai pour le Québec?», dit-il.

Le PDG de RSA croit qu’il pourra tirer profit des synergies de la transaction. «?Intact a indiqué qu’il y en aurait. Ça veut dire qu’ils laisseront tomber des systèmes et que des personnes devront quitter dans les deux organisations. Ce sont des gens qui seront disponibles?», dit-il.
M. Saunders y voit particulièrement une occasion pour RSA au Québec. «?Bien que nous y soyons sous-représentés par rapport aux autres provinces canadiennes, c’est le marché où notre croissance a été la plus fulgurante ces trois dernières années. Sur un an, elle est de 24?%. Mettre la main sur GCAN nous a aussi permis d’avoir un bureau établi et réputé à Montréal en assurance des entreprises. C’est donc une occasion d’accroitre notre croissance au Québec et c’est une période excitante pour nous?», dit-il.

Pas de surprise chez Aviva

Maurice Tulloch, PDG d’Aviva Canada, a affirmé ne pas avoir été trop surpris par la nouvelle. Étant dans l’industrie depuis 20 ans, il dit être habitué à de tels coups de théâtre. Il dit aussi voir des occasions d’affaires dans ce changement.

«?Notre stratégie d’aujourd’hui restera la même demain. La transaction n’y change rien. Le Québec est un marché important pour nous. Nous mettons donc l’accent pour être un bon souscripteur dédié au réseau de courtage. C’est la marque de commerce d’Aviva et ça fait partie de notre ADN?», dit-il.
M. Tulloch tient toutefois à rappeler que les courtiers ont la responsabilité d’offrir le meilleur choix possible à leurs clients. Il dit aussi recevoir des appels de courtiers préoccupés par cette question à tous les jours. Il précise que la transaction n’a rien changé à cela et qu’il ne reçoit pas plus d’appels depuis pour cette raison.

«?Certains appels sont pour des terminaisons de contrats, tandis que d’autres sont pour s’informer sur notre offre. Nos portes sont ouvertes aux courtiers?», dit-il.

Patricia St-Jean, vice-présidente d’Aviva Canada pour la région de l’Est du pays, dit avoir reçu un peu plus d’appels que d’habitude. «?Les courtiers regardent quelles occasions se présentent à eux. On est à l’écoute. Ils nous font part de leurs préoccupations par rapport au changement du marché. Beaucoup de courtiers sont en réflexion en ce moment. Ils veulent comprendre ce qui va se passer dans la dynamique de marché. Nous sommes là pour les suivre dans cette réflexion et pour supporter le courtier indépendant?», dit-elle.

Co-operators demande aux courtiers de bien réfléchir

Kathy Bardswick, PDG de Co-operators, rappelle que sa compagnie compte diverses entités qui font affaires à travers différents réseaux de distribution. La transaction les affecte de façon différente, dit-elle.

Y a-t-il une occasion pour L’Union Canadienne de se démarquer? Mme Bardswick se dit hésitante à affirmer qu’elle pourrait offrir une solution magique aux courtiers québécois.

«?J’espère que les courtiers du Québec prendront un moment de réflexion et supporteront les joueurs établis dans le marché. Ce sera une occasion pour eux de réfléchir à qui accorder leur support dans le futur. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose de trop dépendre des joueurs internationaux. Ils devront ainsi s’assurer d’offrir un choix de compagnies canadiennes bien établies s’ils veulent maintenir un marché indépendant?», dit-elle.

La PDG de Co-operators voit aussi une occasion pour son autre filiale La Souveraine, plus spécialisée pour des risques intermédiaires et complexes. «?Intact n’était pas très présent dans ce marché. AXA y était toutefois. Avec cette acquisition, il faudra voir s’il y a des courtiers qui ne se sentent pas à l’aise chez Intact?», dit-elle.

Co-operators pourrait-il avoir un intérêt dans Innovassur, dont AXA est partenaire avec la Banque Nationale? Mme Bardswick n’a pas voulu commenter ce cas précis. Elle mentionne toutefois que sa compagnie garde toujours un œil ouvert pour mettre la main sur des activités jugées non essentielles lors de ce type de transaction.

Kathy Mabe, PDG du Groupe Economical, dit aussi que la transaction ne changera pas la stratégie de sa filiale québécoise La Missisquoi. «?Nous tentons de croitre au Québec de façon agressive et nous avons une excellente équipe en place dans cette province sous la direction de Louis Durocher. Nous sommes donc dédiés à ce marché. Cette transaction est un bon coup pour Intact. Toutefois, si des courtiers ont des préoccupations à cet effet, ils peuvent nous appeler?», dit-elle.