Le lancement des Fonds PowerShares par Invesco Trimark révolutionne la distribution des produits financiers. Grâce à ce produit, les conseillers en épargne collective peuvent désormais offrir à leurs clients des fonds communs composés chacun d'un seul fonds négocié en bourse. Si les PowerShares remportent un succès, la vague pourrait déferler sur le marché des fonds communs et même sur celui des fonds distincts.Récemment lancés au Canada par Invesco Trimark, les Fonds PowerShares offrent une structure unique dans l'industrie de l'épargne collective au pays.

En effet, chaque PowerShares est une enveloppe de fonds communs dans laquelle on insère un seul fonds négocié en bourse. Ces fonds négociés en bourse, des titres boursiers qui ne peuvent habituellement être vendus que par des représentants en valeurs mobilières de plein exercice, deviennent dès lors accessibles aux conseillers titulaires d'un permis en épargne collective.

Selon Gordon Pape, auteur et expert en fonds communs, c'est là l'avantage principal des Fonds PowerShares pour les représentants en fonds communs : faire bénéficier leurs clients des fonds négociés en bourse. « Je crois que l'idée derrière ce produit, c'est de donner une solution de rechange aux conseillers qui ne peuvent pas distribuer directement des fonds négociés en bourse », dit-il.

De son côté, Sandeep Gosal, analyste principal chez Investor Economics, note un autre avantage : puisque les PowerShares sont des fonds communs, Invesco Trimark verse une commission de suivi aux représentants en épargne collective lors de la vente. Les fournisseurs de fonds négociés en bourse, eux, ne versent généralement pas de commissions de suivi aux représentants en valeurs mobilières. « Règle générale, les fonds négociés en bourse ne paient pas de commission de suivi même s'il y a quelques exceptions, dont Claymore », note-t-il.

Normand Morin, directeur général d'Investissements Excel, reçoit d'une manière positive le produit lancé par Invesco Trimark. « Les fonds PowerShares sont un peu différents des vrais fonds négociés en bourse à cause de l'enveloppe supplémentaire d'un fonds commun, mais ils s'en rapprochent assez bien, ce qui va probablement satisfaire les clients », croit-il.

« On applaudit ce qu'Invesco Trimark vient de faire et on croit que c'est très bon pour les conseillers d'avoir plus d'outils pour leurs clients », dit de son côté Robert Frances, président et chef de la direction du Groupe financier Peak.

« Ce nouveau produit a beaucoup de potentiel. Reste à voir si le public suivra et en achètera », fait remarquer Gordon Pape.
Si Invesco Trimark obtient du succès avec ses PowerShares, d'autres firmes de fonds communs pourraient éventuellement commercialiser le même genre de produit, selon les experts interrogés par le Journal de l'assurance.

« Ça va faire comme tous les autres nouveaux produits. Si les concurrents voient qu'il y a un engouement, ils vont surement chercher à offrir aussi ce type de produit. Les concurrents vont garder l'œil ouvert », affirme Normand Morin. Avoir plus d'un fournisseur sera avantageux pour les conseillers, croit-il.

Gordon Pape est d'accord. « Je suis certain que les fournisseurs de fonds communs analyseront attentivement les résultats qu'obtiendra Invesco Trimark. Si les PowerShares sont un succès, il y aura des imitateurs. Mais si c'est un fiasco, tout le monde dira : "Quelle idée moche c'était!" », dit M. Pape.

Pour leur part, les fournisseurs de fonds communs suivants, contactés par le Journal de l'assurance, ont préféré ne pas faire de commentaire sur le sujet : Franklin Templeton, Fidelity, AGF, Fonds Dymanique (DundeeWealth).

Reste à voir la popularité que gagnera ce produit dans le marché avant de parler d'une nouvelle tendance. Selon M. Pape, cela dépendra du succès d'Invesco Trimark à vendre le concept aux conseillers, puis le succès qu'auront les conseillers à faire de même auprès de leurs clients.

L'engouement des consommateurs pour les fonds négociés en bourse ne se dément pas. « Les chiffres indiquent que la croissance de l'actif sous gestion des fonds négociés en bourse est beaucoup plus forte que celle des fonds communs », affirme Gordon Pape.

Selon des données recueillies par Investor Economics, l'actif des fonds négociés en bourse a augmenté de 43,7 % entre janvier et octobre 2009. Durant la même période, l'industrie des fonds communs n'a vu son actif croitre que de 13 %, selon les données de l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC). En 2008, la croissance des fonds négociés en bourse était de près de 8 % par rapport à 2007 alors qu'elle était négative pour les fonds communs pour la même période, à - 27,3 %.

Heather Pelant, directrice des fonds iShares chez BlackRock (anciennement Barclays Global Investors) remarque aussi que les fonds négociés en bourse gagnent la faveur des consommateurs au détriment des fonds communs. « De plus en plus, les fonds négociés en bourse occupent une place de choix aux côtés des fonds communs. » Selon elle, au fur et à mesure que les gens recommencent à investir dans les marchés financiers, ils choisissent les fonds négociés en bourse.

Som Seif, PDG de Claymore au Canada, est du même avis. « On voit que les consommateurs comprennent de mieux en mieux les fonds négociés en bourse. De plus en plus, ils savent que c'est disponible », note-t-il.

M. Pape note que malgré la plus forte croissance de l'actif des fonds négociés en bourse, les fonds communs sont toujours en tête de l'actif total des fonds d'investissement au Canada. « Ils le resteront encore longtemps et peut-être même toujours », indique-t-il. Selon les données compilées par l'IFIC, l'actif des fonds communs atteignait 573 milliards de dollars (G $) à la fin du mois d'octobre 2009. Celui des fonds négociés en bourse s'élevait à 27,7 G $ à la même date. Il n'a pas été possible d'accéder aux chiffres des ventes des fonds négociés en bourse, puisqu'ils sont transigés directement sur le parquet.

Fonds distincts

Si un fonds commun permet à un représentant en épargne collective de distribuer un fonds négocié en bourse, un fonds distinct pourrait jouer le même rôle pour un conseiller en sécurité financière. Ainsi, une compagnie d'assurance aurait la possibilité de lancer un fonds distinct qui n'investit que dans un seul fonds négocié en bourse.

« C'est faisable. Les compagnies d'assurance offrent actuellement des fonds communs par le biais de fonds distincts. Rien ne les empêche de faire la même chose avec un fonds négocié en bourse. C'est le même principe : vous créez un fonds distinct et le produit sous-jacent est un fonds négocié en bourse », explique Gordon Pape.

Desjardins Sécurité financière (DSF) confie y réfléchir. « C'est une option que nous considérons. Ça peut nous permettre de réduire nos frais », affirme Claude Paré, directeur principal, développement et mise en marché. Il croit que ce type de produit peut être attrayant, car une majorité de gestionnaires ont de la difficulté à battre leur indice de référence. Toutefois, M. Paré souligne que DSF aime bien offrir des produits gérés activement par des gestionnaires.

La Financière Manuvie a simplement dit qu'elle révisait constamment son offre de produits et services afin d'offrir une grande variété de choix. Les autres assureurs contactés n'ont pas voulu répondre aux questions à ce sujet. Il s'agit de Great-West, la Financière Sun Life, l'Industrielle Alliance et Standard Life.

Chez Peak, Robert Frances trouve l'idée intéressante. « En tant que président d'une firme de conseils, j'aime voir le plus d'options possibles pour les conseillers. » Il croit toutefois que le produit serait « pas mal » sophistiqué et qu'il pourrait être très couteux, vu les garanties et autres caractéristiques des fonds distincts.

Normand Morin, de chez Excel, y voit aussi un intérêt, dans la perspective où les frais de gestion des fonds négociés en bourse sont plus bas que ceux des fonds communs. Par contre, M. Morin avance la possibilité que les conseillers en sécurité financière soient moins enclins que les représentants en épargne collective à offrir ce type de produit. « Les conseillers en sécurité financière sont souvent moins orientés vers des solutions de placement. Ils vendent principalement de l'assurance vie alors que les fonds distincts sont plutôt complémentaires à leur offre de service », dit-il.

Alors que certains clament que les PowerShares d'Invesco Trimark sont une première au Canada, d'autres affirment que ce produit ne constitue rien de nouveau.

« Plusieurs fonds communs détiennent des fonds négociés en bourse dans leur actif et leurs gestionnaires les utilisent depuis des années. Je ne sais donc pas trop ce qu'Invesco Trimark essaie de faire. À part pouvoir dire que les PowerShares donnent accès à un programme d'achat régulier (dollar-cost averaging), je ne comprends pas comment le client peut bénéficier de ce produit », affirme Heather Pelant, de BlackRock.

Même son de cloche chez Claymore. « Ce n'est pas nouveau. Pratiquement tous les fonds communs investissent dans des fonds négociés en bourse jusqu'à un certain point », dit M. Seif. Il nomme en exemple quelques compagnies : AGF, JovFunds, QTrade (Ocean Rock).

La plupart des fonds communs distribués au Canada peuvent en effet investir une partie de leur actif dans les fonds négociés en bourse. « En ce moment, un grand nombre de fonds communs investissent une partie de leur actif dans des fonds négociés en bourse, mais ce n'est souvent qu'une petite portion de l'avoir; 5 % par exemple », explique Sandeep Gosal, d'Investor Economics.

L'analyste ajoute que cette portion en gestion passive sert à réduire les couts de gestion du fonds. « Aussi, c'est parfois difficile d'obtenir une exposition dans certaines catégories spécialisées d'actif; les fonds négociés en bourse peuvent alors être une solution pour le gestionnaire du fonds. »

Certes, Invesco Trimark ne réinvente pas la roue, mais l'initiative de la compagnie sort des sentiers battus, parce que l'actif du fonds commun est exclusivement investi dans un fonds négocié en bourse. « Bien sûr, plusieurs fonds communs investissent déjà dans des fonds négociés en bourse, mais c'est la première fois que nous voyons ce que fait Invesco Trimark », fait valoir Gordon Pape.
Inquiétudes

Le fait que les représentants en épargne collective puissent offrir un fonds commun qui investit exclusivement dans un fonds négocié en bourse inquiète Robert Frances. « Au point de vue de la conformité, un conseiller qui est en fonds communs n'a évidemment pas le droit de conseiller un client sur des fonds négociés en bourse. C'est très délicat, car ce n'est pas toujours clair pour le client; ce dernier pourrait dire qu'il détient un fonds négocié en bourse alors que c'est un fonds commun », dit Robert Frances, de chez Peak.

L'Autorité des marchés financiers ne voit pas de problème potentiel concernant les PowerShares. « Comme pour la plupart des organismes de placement collectif (OPC), les représentants en épargne collective vendent des fonds qui investissent dans des titres pour lesquels ils n'ont pas le permis requis pour les offrir directement à leurs clients. Le fait que l'OPC investisse dans un ou plusieurs fonds négociés en bourse est similaire à l'OPC qui investit dans des actions », souligne Sylvain Théberge, porte parole de l'Autorité.

M. Frances croit que le conseiller doit s'assurer de bien communiquer la nature et les caractéristiques de ce nouveau produit à ses clients avant d'en vendre. « Si deux ans après avoir acheté un PowerShares, le client porte plainte aux autorités en affirmant que son conseiller lui a recommandé un fonds négocié en bourse alors qu'il ne détenait qu'un permis en épargne collective, serait-ce une infraction à la loi? », se demande M. Frances.

M. Théberge explique que puisque les PowerShares constituent un OPC, le client ne peut pas fonder une plainte éventuelle sur le fait que le représentant n'avait pas le permis requis pour vendre des fonds négociés en bourse. « Dans ce cas-ci, ce qui est vendu, c'est un placement collectif et non un fonds négocié en bourse », dit-il.