Les employés ne sont pas bien protégés par leur assurance collective lorsqu’ils doivent s’expatrier pour exécuter un mandat dans un pays étranger.Cette mise en garde découle d’un sondage de la société conseil Mercer. Selon le conseiller principal chez Mercer, Liam Dixon, les employeurs doivent refaire leurs devoirs, notamment dans la gestion des risques pour ce type d’employés.

« Les besoins des expatriés sont tellement différents de ceux qui travaillent au Canada. Il est important que les besoins de l’entreprise et ceux de l’expatrié soient bien définis par l’employeur. »

Rattaché au bureau montréalais de la société internationale Mercer, M. Dixon dénote des lacunes importantes dans la gestion des dossiers d’employés de compagnies affectés à l’étranger.

Il définit d’abord les expatriés comme les employés d’une compagnie qui déménagent à l’étranger avec leur famille pour un séjour d’une durée d’un à cinq ans. Ces employés n’ont alors plus accès aux services fournis au pays. M. Dixon déplore que peu de sociétés canadiennes aient réalisé jusqu’à présent des études portant spécifiquement sur les besoins des expatriés.

Entre les aspirations et la réalité

Lors d’une conférence prononcée en avril à la tribune de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA), Liam Dixon a révélé des chiffres qui portent à réflexion.

Mercer a réalisé son sondage l’an dernier auprès de 50 employeurs, représentant au total quelque 450 000 employés. Divers secteurs d’activité ont été joints tels les services financiers, les pâtes et papiers, l’ingénierie et la construction, la haute technologie, les transports ainsi que les produits manufacturiers.

L’enquête a révélé que 34 % des employeurs sondés ne possèdent aucun programme de gestion de crise et que 19 % n’ont pas effectué de mise à jour de leur initiative depuis deux ans. Pourtant, près de la moitié des répondants, soit 43 %, indiquent qu’une saine gestion de crise constitue une de leurs priorités.

En outre, pouvoir compter sur un bon programme d’assurance vie, invalidité et soins de santé est la préoccupation de 51 % des employeurs répondants. La réalité est tout autre : 27 % des employeurs affirment que leur programme ne répond pas adéquatement aux besoins des employés mandés ailleurs dans le monde tandis que 16 % n’ont pas révisé leur propre programme depuis deux ans.

On constate donc un fossé important entre les aspirations des employeurs et la réalité. En fait, relève Liam Dixon, un expatrié coûte très cher à une entreprise. Mercer évalue que les coûts oscillent entre 600 000 $ et 1,3 million de dollars américains par employé, pour un mandat de trois ans. Le programme d’avantages sociaux varie, à lui seul, entre 25 000 $ et 35 000 $US pour trois ans. « Ça peut coûter encore plus cher si l’affectation est un échec », signale M. Dixon. Il souligne que l’expatrié se soucie énormément de sa sécurité personnelle et de celle de sa famille.

Menace accrue

Liam Dixon observe que le monde du travail a beaucoup changé depuis les cinq dernières années. Beaucoup plus de gens remplissent des mandats aux quatre coins du monde et le commerce électronique a littéralement explosé.

Le besoin d’assurance à l’étranger est devenu essentiel, compte tenu de facteurs comme la menace terroriste, les épidémies de grippe aviaire et du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ainsi que la prolifération des fusions et acquisitions d’entreprises. Toutefois, devant une telle complexité, les assureurs démontrent moins de flexibilité qu’auparavant.

Au dire de M. Dixon, les employés travaillant à l’extérieur du Canada sont souvent couverts à tort par des régimes de soins de santé conçus pour les employés qui restent au pays et par des assureurs traditionnels en collectif. « Souvent, les employeurs ne savent pas comment gérer les réclamations ni tarifer le risque », déplore-t-il. Cette couverture canadienne fait en sorte que la protection est axée sur les soins d’urgence. Les soins de santé ne figurent pas parmi les priorités et le soutien aux employés et à leurs proches ne correspond pas aux besoins.

Parallèlement, M. Dixon dit observer que le stress lié au déménagement ainsi que le choc culturel qui en résulte comportent un risque élevé de dépression chez l’employé et les membres de sa famille. Il importe donc, relève-t-il, que l’expatrié ait un accès rapide et de qualité aux services désirés, sept jours sur sept et 24h sur 24. De surcroît, il devrait aussi pouvoir compter sur des services pour faciliter son intégration.

Il estime que les tiers-administrateurs spécialisés dans les services aux expatriés sont loin d’être à négliger. « Ils peuvent jouer un rôle important comme seul point de contact de l’expatrié dans l’ensemble des protections, possiblement souscrites chez un nombre d’assureurs », avance-t-il.

Des solutions

Liam Dixon énonce quelques solutions pour aider les entreprises canadiennes à mieux protéger leurs expatriés. Une saine planification budgétaire, une bonne présélection des candidats, un programme d’aide aux employés à l’échelle internationale, une formation continue au chapitre des différences culturelles comptent parmi les solutions proposées.

Il ajoute que les responsables des régimes d’assurance collective doivent entretenir une vue élargie de la couverture requise. « Considérez l’ensemble des facteurs qui peuvent affecter la réussite d’une assignation hors Canada et planifiez en conséquence », lance-t-il. Pour Liam Dixon, la meilleure couverture d’assurance tiendra compte du fait que les frais raisonnables et habituels diffèrent d’un pays à l’autre.

M. Dixon considère que rien n’est acquis en ce qui concerne la condition des expatriés. « Il reste encore beaucoup d’éducation à faire auprès des employeurs. C’est en partie à cause de la pression de la mondialisation et de la qualité des fournisseurs, tels les assureurs et les tiers-administrateurs, qui sont apparus dans l’industrie au cours des cinq ou dix dernières années. »