Rendus nerveux par la volatilité des marchés boursiers, nombre d’investisseurs se sont réfugiés dans les placements à court terme durant la période 2008 des REER. Le calme revenu, les experts interviewés par le Journal de l’assurance croient que les fonds équilibrés se tailleront la part du lion.Iassen Tonkovski, analyste principal chez Investor Economics, souligne que pendant le premier trimestre de 2008, les fonds communs à court terme ont bénéficié d’un apport net de 11 milliards de dollars (G$), tandis que les fonds à long terme enregistraient des pertes de 2,2G$. Pendant le premier trimestre de 2007, les deux catégories avaient enregistré respectivement un apport net de 992M$ et de 16,4G$.

Dans son rapport de mars, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) indique que « les fonds du marché monétaire canadien arrivent en tête des ventes depuis octobre 2007 ». D’après l’IFIC, « le resserrement des marchés du crédit et la baisse de la confiance des consommateurs, en particulier aux États-Unis, ont entraîné une hausse de l’incertitude et de la volatilité au sein des marchés boursiers du monde entier au cours des neuf derniers mois ».

Au mois de mars 2008, les ventes de fonds de placement à long terme avaient atteint 9,9G$ au cours des 12 derniers mois, en baisse par rapport aux 25,7G$ pour les 12 mois se terminant en mars 2007. La plupart des placements dans des fonds à long terme ont été transférés à des fonds du marché monétaire, note l’IFIC dans son rapport. Les fonds du marché monétaire représentaient 17 G$ des 27 G$ des ventes totales de l’industrie au cours des 12 derniers mois.

Diversification

À un moment donné, les investisseurs en marché monétaire se réconcilieront avec les fonds à long terme, et les fonds équilibrés devraient être un de leurs premiers choix, avance Dennis Yanchus, directeur, statistiques et recherche à l’IFIC. Pour deux raisons, explique-t-il. Primo, nombre d’investisseurs approchent de la retraite et ils privilégieront donc une répartition équilibrée de leurs actifs. Secundo, après toute secousse, les gens se tournent vers les fonds équilibrés. Les replis des marchés, souligne-t-il, rappellent aux investisseurs l’importance de la diversification.

Globalement, les fonds équilibrés représentent 36 % du total de l’actif de l’industrie des fonds communs de placement. Ce chiffre comprend 22 % des actifs classés dans la catégorie des fonds équilibrés canadiens et 14 % de ceux classés dans la catégorie des fonds équilibrés mondiaux.

Le rapport de mars de l’IFIC indique aussi qu’après les fonds du marché monétaire, ce sont les fonds équilibrés mondiaux, avec 11,6G$, qui arrivent au deuxième rang des ventes de l’industrie au cours des 12 derniers mois, suivis des fonds équilibrés canadiens qui ont attiré 2,3G$.

Comment expliquer le choix des investisseurs pendant cette période des REER? Par plusieurs raisons, estime M. Yanchus. Nombre d’investisseurs pourraient avoir un excédent de placements canadiens en raison du long marché à la hausse qui a précédé la volatilité actuelle. Ils sont probablement en train d’examiner des stratégies pour diversifier et rééquilibrer leurs portefeuilles.

Aux investisseurs nerveux, un conseiller pourrait conseiller à un client cette stratégie d’attente. Cet argent pourrait être retourné dans des fonds à long terme en une seule fois ou selon des achats périodiques par sommes fixes.

Dan Hallett, président de Dan Hallett and Associates Inc., société de recherche de Windsor qui aide les conseillers à suivre l’industrie et à constituer des portefeuilles pour leurs clients, estime que les fonds du marché monétaire sont en général le choix de dernière minute des cotisants en saison des REER. Ils ne veulent pas être bousculés. « En règle générale, ils conservent ces fonds à court terme pour un an avant de les transférer dans des fonds à plus long terme. »

La bonne nouvelle pour l’industrie des fonds, c’est que les placements dans les fonds du marché monétaire indiquent que les investisseurs croient toujours dans le besoin d’investir. Autrement, ils investiraient dans un CPG ou un compte d’épargne à intérêt élevé, ajoute M. Hallett.

M. Hallett croit aussi que les fonds équilibrés seront un choix populaire éventuellement. Les fonds équilibrés sont une solution de compromis, dit-il. « Le risque à l’égard des actions est atténué par la somme de liquidités et d’obligations qu’ils détiennent. »

Le jeu des banques

Doug Conick, vice-président, fonds de placement, Financière Manuvie, pense que les banques y sont pour beaucoup dans les contributions « extraordinaires » aux fonds du marché monétaire. « Elles font vraiment la promotion des marchés monétaires. »

Pour quelle raison? « C’est la solution de facilité », avance M. Conick. Le problème avec les placements d’attente, c’est que lorsqu’un investisseur décide de réintégrer le marché, il pourrait avoir raté une croissance substantielle. Une reprise des marchés peut rapidement entraîner une hausse de 20 % ou plus et les placements d’attente n’en profitent pas, dit-il.

D’où l’importance des conseillers et de la filière du conseil, souligne M. Conick. Selon lui, « le grand avantage des conseillers est leur capacité à gérer le comportement des clients… à les amener à privilégier le long terme plutôt que le court terme ».

Ce n’est pas chose aisée dans une conjoncture en dents de scie, reconnaît-il. Manuvie a constaté une chute des ventes dans tous ses fonds communs de placement, attribuable à la conjoncture du marché. Mais elle a aussi observé que ses ventes n’affichaient pas une tendance aussi marquée pour les fonds du marché monétaire que dans le reste de l’industrie.

Dave Richardson, vice-président, RBC Gestion d’actifs se dit agacé par l’opinion voulant que les banques fassent la promotion des fonds du marché monétaire. « Nous n’encourageons pas les fonds du marché monétaire. C’est totalement faux… Lorsqu’il y a une échéance, nous conseillons à nos clients de faire un placement. Il arrive parfois qu’il soit préférable d’investir dans les fonds du marché monétaire et de réintégrer le marché plus tard, de préférence plus tôt que tard. »

Il ajoute que RBC a un programme spécifique pour assurer le suivi des investisseurs investi dans le marché monétaire, en particulier dans des régimes enregistrés. Ce programme est en vigueur depuis le 1er mars. Au moment des cotisations, un conseiller réserve du temps pour rencontrer le client et choisir un fonds à long terme, ajoute-t-il.

M. Richardson dit qu’il y a toujours des investisseurs de dernière minute qui optent pour les fonds du marché monétaire, mais cette année a été exceptionnelle : RBC a enregistré trois fois plus de ventes de fonds du marché monétaire que l’an dernier en période de REER. Pourquoi? « La volatilité. Les gens hésitent à prendre une décision. »

Les investisseurs qui ont choisi d’observer la relance depuis les coulisses du marché monétaire ont raté la robuste reprise en avril, ajoute M. Richardson.

M. Richardson estime également qu’une grande partie des placements d’attente sera transférée dans des fonds équilibrés. Ces fonds et des solutions clé en main sont « de loin nos meilleurs vendeurs… et représentent presque 100 % de nos ventes nettes ». Au regard des ventes brutes, ce chiffre serait de 50 %, dit-il. Les ventes nettes ne comprennent pas les rachats, tandis que les chiffres pour les ventes brutes englobent toutes les entrées.

Selon M. Yanchus de l’IFIC, un nombre restreint mais croissant d’investisseurs placent chaque mois de l’argent dans des fonds équilibrés ou des produits de fonds de fonds malgré la conjoncture du marché. Les produits de fonds de fonds, qui offrent une solution de portefeuille aux investisseurs, sont souvent classés par l’IFIC dans la catégorie des fonds équilibrés en raison de leur diversification et des stratégies de répartition équilibrée des actifs.

Ce n’est que depuis peu que les Canadiens placent une part importante de leurs avoirs personnels dans le marché boursier, fait-il observer. Avant 1990, la plupart des Canadiens investissaient surtout dans des titres non négociables comme des CPG à intérêt élevé.