La divulgation des frais des fonds communs a forcé le virage de plusieurs conseillers vers la rémunération à honoraires vu l’interdiction des commissions. L’effet se fera sentir sur la valeur des blocs d’affaires.

James McMahon, PDG de Groupe Financier Horizons au Québec, est l’un de ceux qui croient que ce phénomène se produira. Il affirme qu’il n’est pas possible d’appliquer la même valeur à deux clientèles identiques qui ont des modes de rémunération différents. Il ajoute que le modèle à honoraires sera désavantagé.

« Chaque client voudra-t-il toujours payer des honoraires de 1 % au nouveau conseiller qui achètera sa clientèle à l’acheteur ? Le client qui remet au nouveau conseiller un chèque de 5 000 $ pour acquitter ses honoraires de l’année posera des questions. Il renégociera, demandera peut-être de ne payer que 3 500 $ », dit M. McMahon.

Si le passage à honoraires se généralise dans l’industrie, il pourrait abaisser les multiples auxquels se calcule la valeur des blocs de fonds communs. « Je comprends que les conseillers soient nerveux. C’est particulièrement le cas pour ceux qui ont de gros actifs en fonds communs, surtout si les commissions disparaissent, a commenté le PDG d’Horizons au Québec.

« Plus gros bouleversement en 40 ans »

M. McMahon ajoute que l’industrie traverse ses plus gros bouleversements en 40 ans avec ce changement. « Nous avions mangé un coup lorsque le gouvernement fédéral a imposé les polices d’assurance vie et les rentes en 1982. S’attaquer aujourd’hui à la rémunération des conseillers pose tout un problème. »

Vice-président et directeur général de Groupe Cloutier, Michel Kirouac renchérit sur l’effet qu’auront les honoraires sur les multiples de vente. « Dans le modèle à commissions intégrées, les manufacturiers incluront la rémunération du conseiller dans le ratio des frais de gestion du fonds. Dans la grande majorité des fonds, la commission de suivi est de 1 %. Le client ne la voit pas. Dans une formule uniquement à honoraires, le client verra sur son fonds un ratio de frais de gestion de 2 %, mais le conseiller devra négocier ses honoraires directement avec le client. »

Cela affectera la valeur des gros blocs d’affaires, explique M. Kirouac. Il donne l’exemple d’un conseiller qui rencontre un client avec 500 000 $ d’actifs dans des fonds communs sans frais avec commission de suivi intégrée de 1 %. Son coût annuel est de 5 000 $. « Si ce client a un autre 500 000 $ à investir, pourrez-vous lui vendre l’idée de payer un autre 5 000 $ additionnel ? Les frais totaux d’honoraires risquent de diminuer parce que tu n’as pas deux fois plus d’ouvrage à gérer 1 M$ d’actifs que 500 000 $. »

Selon M. Kirouac, la valeur d’un bloc d’affaires de fonds communs dépendra de la diversification d’un portefeuille par rapport à sa taille. « Une clientèle répartie, par exemple, sur 200 ou 300 clients, et dont les actifs ne se concentrent pas trop entre les mains de quelques-uns, sera moins affectée par le passage aux honoraires. » Il ajoute que les conseillers auront avantage à conserver leurs petits clients pour que leur clientèle demeure bien diversifiée.

PDG de Groupe AFL, Yan Charbonneau observe que les conseillers attachent un risque important au passage vers les honoraires. « Ce risque important pèse sur les portefeuilles actuels. Si les revenus se coupent en deux en raison du passage vers les honoraires et que vous achetez une telle clientèle, c’est comme si vous aviez payé deux fois trop cher. Il est plus risqué aujourd’hui d’acquérir un bloc de fonds communs », dit-il.

Tout dépend des négociations

George Hartman, préside la firme de consultation Market Logics. Il a écrit Exit is not a four letter word, un livre consacré à la vente de blocs d’affaires. Il dit ne pas partager les craintes des réseaux de distribution sur l’effet des honoraires. Un conseiller qui passe du mode de rémunération avec commission de suivi (habituellement de 1 %) au mode de gestion à honoraires donne au client la possibilité de négocier ses frais directement avec le conseiller. Le rapport de force ne lui sera pas toujours favorable, soutient-il.

« Si les commissions intégrées aux fonds par le manufacturier sont remplacées par des ententes basées sur les honoraires, cela ne signifie pas nécessairement que la valeur de la clientèle diminuera. Traditionnellement, les commissions de suivi oscillent autour de 1 %. Elles sont payées au conseiller par le manufacturier. Dans un arrangement contractuel sur les honoraires, les clients peuvent négocier directement avec le conseiller. Ce pourrait être moins de 1 %, ou plus », croit le consultant.

Il ajoute que les conseillers sont en mesure de se préparer à cette éventualité pour ne pas trop y perdre au change. « Vous pourriez avoir tarifé vos services selon l’actif sous gestion. Vous pourriez demander 1,5 % plutôt que 1 % aux clients dont l’actif total investi est inférieur à 100 000 $ », rappelle M. Hartman.


La techno peut rapporter gros

Propriétaire et PDG du Centre financier SFL des Sources, Alain Legault estime que l’utilisation d’un système de gestion de la clientèle (CRM) augmentera la valeur de la clientèle et facilitera la relève.

« Il est déjà mentionné dans l’indice de segmenter et d’user de systèmes informatiques, mais l’utilisation d’un bon CRM documenté augmentera les opportunités futures, donc la valeur du bloc » croit M. Legault.

Dans une autre perspective, M. Legault fait l’éloge des retraits automatiques. « Une clientèle qui détient un grand nombre de paiements préautorisés d’épargne en retirera un effet bénéfique sur la valeur, car elle représente généralement une plus grande rétention et une augmentation des opportunités futures. »