L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a cassé du sucre sur le dos des assureurs en leur demandant de divulguer leurs marges bénéficiaires en assurance maladie. Or, celle-ci est de 3 %, a appris le Journal de l’assurance.

C’est ce qu’a révélé Lyne Duhaime, présidente de la division québécoise de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec), en entrevue avec le Journal de l’assurance. Elle rappelle que cette information est facile à trouver auprès de l’Autorité des marchés financiers.

Au début juillet, l’AQPP a critiqué les pratiques des assureurs, notamment en avançant que l’écart des primes payées par les assurés et les prestations versées par les assureurs a augmenté en près de 10 ans, passant de 90 % en 1997 à 79 % en 2015. L’AQPP affirme que les assureurs auraient empoché la différence de cet écart comme profit.

« Sans balises, les assureurs ne semblent pas aptes à se discipliner eux-mêmes et ce sont les consommateurs qui en payent malheureusement le prix. Combien de dizaines de millions de dollars ont été payées en trop, chaque année, par les Québécois et combien de ces millions ont été engrangés comme profits par les assureurs et leurs actionnaires ? »

Ce questionnement est celui de Jean Bourcier, vice-président exécutif et directeur général de l’AQPP. Il a pris cette position à la suite de la parution de l’étude Fonctionnement du marché des assurances privées de personnes dans le cadre de l’assurance médicaments et son encadrement règlementaire au Québec, menée par le CIRANO et financée par l’AQPP.

Pour illustrer son point, M. Bourcier compare la situation à celle des États-Unis, où les assureurs doivent verser un minimum de 80 % en prestations des primes reçues, à défaut de quoi ils doivent donner des remises à leurs clients. Il ajoute que si les assureurs avaient la même obligation, ceux-ci auraient versé 70 M$ supplémentaires aux assurés.

L’ACCAP dément les prétentions de l’AQPP

ACCAP-Québec rejette du revers de la main ces arguments. « Si les assureurs faisaient une marge de profit énorme en assurance collective, et si celle-ci n’était pas vraiment en péril en raison du cout du médicament, on ne mettrait pas autant d’énergie là-dedans. On en met beaucoup d’énergie pour tenter de contenir le cout du médicament au Québec et au Canada. On le fait parce que c’est nécessaire », dit Lyne Duhaime.

Par ailleurs, Mme Duhaime déplore que les responsables de l’étude, Mélanie Bourassa Forcier et Pierre-Carl Michaud, aient utilisé des résultats provenant du rapport de 2014 The Increasing Inefficiency of Private Health Insurance de Michael Law, contesté par Stephen Frank, maintenant président de l’ACCAP. Mme Duhaime note qu’à la suite de la sortie de cette étude, l’ACCAP a envoyé une lettre aux ministères de la Santé du Canada et de chaque province les mettant en garde que les chiffres publiés n’étaient pas valides. L’étude du CIRANO mentionne le désaccord de M. Frank de l’époque envers les résultats.

« Les chercheurs auraient voulu que chaque assureur transmette ses informations pour faire son analyse, plutôt que de se fier à nos chiffres agrégés. Sauf qu’il n’est pas vrai qu’un assureur comme Sun Life ou Desjardins va vouloir dévoiler ses informations confidentielles et contribuer à une étude payée par l’AQPP qui vise à démontrer qu’ils manquent de transparence », souligne Mme Duhaime.

Elle ajoute d’ailleurs que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et l’Autorité ont tous les chiffres en main, agglomérés et par assureur. « L’AQPP porte des accusations sur l’industrie en se basant sur des chiffres qui ne sont pas bons et demande à l’Autorité de faire enquête. Mais de l’autre côté, les autorités règlementaires détiennent les bons chiffres. Le rapport ne pourra pas tenir la route. »