Des conseillers indépendants s'inquiètent des rabais offerts par RBC Assurances sur ses produits d'assurance temporaire 10 ans et 20 ans transigés par l'entremise de son réseau de vente directe. Comme ils ne peuvent se prévaloir de ces rabais, ils craignent de perdre des clients au profit du réseau direct.Établi à Montréal, Ivan Cons rencontre un client fumeur à la recherche d'une couverture temporaire d'un million de dollars. Il trouve le meilleur prix avec un produit d'assurance temporaire renouvelable 10 ans de RBC Assurances.

Or, le client était parvenu au même constat après sa propre recherche. Plus encore, il pouvait se mériter un rabais de 10 % sur sa prime d'assurance vie en souscrivant cette couverture directement de RBC Assurances. L'assureur offre ce rabais au client parce qu'il détient déjà une assurance automobile avec lui. Le client tenait à conserver M. Cons comme conseiller, avec qui il faisait affaire depuis six ans. Toutefois, il était aussi clair que le client n'était pas prêt à payer plus pour la même police d'assurance.

M. Cons a appelé RBC pour tenter de résoudre le problème, mais sans succès. Il a ensuite envoyé un courriel à l'assureur, alléguant qu'en agissant de cette façon, RBC concurrençait les conseillers.

« On ne peut blâmer le client de vouloir payer le moins cher possible. Toutefois, RBC le met dans une position embarrassante et injuste en le forçant à rompre sa relation avec son conseiller pour obtenir le taux le plus bas ».

Une partie du site Web de RBC Assurances fait la promotion d'une « offre exclusive » aux clients d'assurance automobile et habitation. « À titre de client prestigieux, vous avez droit à un rabais de 10 % lorsque vous souscrivez une assurance vie temporaire auprès de RBC Assurances », y lit-on. L'offre est destinée aux nouvelles polices temporaires de 10 ans ou de 20 ans, souscrites par ceux qui possèdent déjà une couverture d'assurance de dommages. Le rabais de 10 % s'applique seulement au cout de l'assurance vie.

Loi

Au Québec, la loi stipule que les assureurs ont le droit d'offrir un rabais aux clients qui détiennent plusieurs produits auprès d'une même institution financière. En Ontario, selon le Règlement 7/00 de la Loi sur les assurances, un assureur, son dirigeant, son employé ou son agent ou un courtier ne peut consentir ou octroyer, « directement ou indirectement, une remise sur tout ou partie de la prime que stipule la police à une personne qui est titulaire d'une assurance sur la vie, sur la personne ou sur les biens ou qui en fait la proposition en Ontario, ou le fait d'offrir ou de convenir de le faire. »

La question se pose donc. Comment la pratique de vente de RBC Assurances se distingue-t-elle d'une remise? Neil Skelding, président et chef de la direction, précise qu'il n'y a pas de commission incluse dans le prix des produits en question ni de commissions versées au moment de leur vente. De plus, l'acheteur paie la prime en entier, tel qu'il est stipulé dans la police d'assurance vie temporaire offerte en vertu du programme. (Pour plus de détails, voir l'entrevue avec M. Skelding en page 42.)

Conseiller torontois aux commandes d'une agence de 30 courtiers, Lorne Marr soutient qu'il a aussi perdu des occasions de vente en raison des rabais offerts par RBC Assurances. Il laisse entendre que les conseillers subissent un désavantage évident lorsque l'assureur offre directement une réduction sur le même produit que peuvent vendre les conseillers.

Meilleure solution

Que proposerait-il aux clients qui désirent obtenir le rabais de 10 % sur une police d'assurance temporaire? « J'essaierais de leur trouver une meilleure solution auprès d'un autre fournisseur et, si ce n'était pas possible, je leur suggérerais de choisir la proposition de RBC », répond-il. M. Marr a aussi soulevé le problème auprès de RBC Assurances, mais aucune solution n'a été trouvée au problème.

Il affirme qu'il considérerait la possibilité d'offrir le même rabais de 10 % à ses clients si RBC Assurances le lui permettait. Même avec une réduction de la commission ? Tout dépendrait du pourcentage de diminution, répond M. Marr.

Le Journal de l'assurance, a soumis la question au Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA). L'organisme a préféré ne pas commenter pour le moment.

De son côté, Ivan Cons craint que la complaisance des conseillers et des agents généraux renforcera la décision des assureurs bancaires de vendre sans intermédiaire s'ils ne s'opposent pas à ce type de pratiques. Il croit aussi que cette situation pourrait ouvrir la porte à d'autres intrusions dans le territoire des conseillers indépendants.

« Cela encourage aussi d'autres sociétés qui sont actuellement à l'écart, mais qui observent la situation afin d'adopter des politiques similaires. Petit à petit, ces politiques mineront autant notre pertinence que notre entonnoir de clients au profit des grandes sociétés d'assurance vie », dit-il.