Quels sont les défis qui frapperont l’industrie et les conseillers de l’assurance vie dans les mois à venir? Trois dirigeants de compagnies leaders dans le marché canadien ont placé le recrutement et l’image publique de l’industrie en tête de liste. Le panel a eu lieu lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement, à Montréal, le 25 octobre dernier.Peter McCarthy, président et chef de la direction d’AIG Vie du Canada et aussi président du conseil de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), a affirmé que le traitement négatif fait par les médias nuit à la réputation de l’industrie des services financiers auprès du consommateur. À cet égard, il a rappelé le cas du magazine Protégez-Vous qui, dans une « enquête exclusive», a critiqué sévèrement le travail des conseillers financiers, affirmant que la moitié étaient incompétents.

Cet article n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des propos négatifs régulièrement véhiculés au sujet de l’industrie, dit M. McCarthy. « Les médias s’empressent de parler de Vincent Lacroix, Portus, Norshield… mais ils ne racontent jamais l’histoire de ce père mort dans un accident et dont la famille peut rester dans la même maison et envoyer les enfants à l’université parce qu’elle est bien protégée (grâce à son assurance vie). On préfère de loin diffuser des mauvaises nouvelles, celles qui donnent de bonnes manchettes. »

Pour contrer cette image négative, il faut faire l’éducation du public, ajoute-t-il. Il y a quelques années, l’ACCAP organisait des campagnes de marketing afin de promouvoir l’image de l’industrie. Or, elle a décidé, il y a une douzaine d’années, de plutôt se concentrer sur ses relations avec le gouvernement, laissant ainsi les sociétés d’assurance veiller sur l’image de l’industrie dans le public. « Malheureusement, on n’a pas fait un bon travail », estime M. McCarthy.

Le conseil d’administration de l’ACCAP a donc décidé de voir ce qui pouvait être fait pour rehausser cette image, révèle M. McCarthy. « Pour l’instant, nous n’avons pas de plan d’attaque. Le conseil entame tout juste sa réflexion sur la question. »

Le peu de prestige qu’a l’industrie de l’assurance auprès du public représente un autre aspect de son problème d’image. Ce profil bas lui nuit, surtout en matière de recrutement, souligne un autre participant, Robert St-Denis, président et chef de l’exploitation de La Capitale Groupe financier. « Le problème, c’est que notre industrie n’a pas seulement une mauvaise image, mais à plusieurs endroits, elle n’est même pas connue. »

Pour contrer le problème, La Capitale et 10 autres assureurs ayant un siège social dans la région de Québec ont créé récemment un institut qui verra à rehausser l’image de l’industrie. Parmi ses priorités, ce groupe ira voir les étudiants de niveaux collégial et universitaire afin de leur montrer ce que le secteur peut leur offrir. (Voir texte en page 6.)

Or, il n’est pas facile de dénicher les employés qu’il nous faut, explique M. St. Denis. « Il est devenu de plus en plus ardu d’attirer des jeunes dans notre domaine. Il s’agit pourtant d’une très belle profession où l’on peut réaliser une excellente carrière, mais les gens n’en sont pas conscients. »

Autour du repas du soir, lorsque les parents parlent d’avenir avec les jeunes, il y a bien peu de chances qu’ils fassent valoir la possibilité de travailler dans le domaine des services financiers : « Ce n’est pas glamour, explique M. St-Denis. Notre premier défi consistera donc à : "vendre" la profession. »Un autre participant au débat, Les Herr, vice-président, produits de l’individuelle à Empire Vie, ne partage pas l’opinion de ses collègues quant au problème d’image. « Je me demande si nous avons vraiment un problème d’image. Est-ce la réalité ou notre imagination? Voilà 25 ans que je suis dans le domaine et, franchement, je pense que notre image n’a jamais été aussi bonne. »

Il ajoute que l’industrie des services financiers revient de loin et qu’elle a considérablement amélioré son image depuis qu’il y a fait ses débuts. Les associations professionnelles, les directives de conformité et la formation continue sont tous des éléments qui ont permis d’en relever le niveau de professionnalisme, estime-t-il.

Il reconnaît que quelques dossiers délicats ont été repris encore et encore par les médias, mais la chose se fait aussi dans d’autres domaines, dit-il, rappelant un article qui, publié cet été à la une du magazine Maclean’s, associait les avocats à des rats.

M. Herr affirme douter que les trois grands assureurs du Canada aient un problème d’image publique et il cite à cet égard leurs campagnes de publicité. « L’industrie de l’assurance canadienne est probablement l’une des plus respectées dans le monde. »

Si l’image de l’industrie auprès du public lui semble solide, il ajoute que l’amélioration y a certes toujours place. « Pour améliorer notre image, il n’y a rien de mieux que de passer par nos conseillers et par le travail que nous faisons avec eux, dit-il. Si nous agissons en professionnels et que nous faisons un bon travail, le consommateur nous percevra comme des professionnels. »

Par ailleurs, M. Herr convient qu’il existe un important problème de recrutement. « Seulement deux ou trois grandes sociétés recrutent de façon massive dans les collèges et universités… Il y a 10 ou 15 ans, la plupart des sociétés d’assurance – sinon toutes – le faisaient », fait-il remarquer.

Pour attirer les jeunes, il faut leur expliquer comment l’assurance constitue un moyen d’aider autrui, dit-il. Ils vont peut-être dire « Ouache! » quand on leur parle de vendre de l’assurance, mais « Oui! » s’il est question d’assurer la sécurité financière des gens, estime-t-il. « Nous devons aller voir la population et ceux qui pourraient travailler pour nous et leur parler de tout ce que notre industrie a de bon à offrir, leur donner envie d’être des nôtres. »

M. St.-Denis insiste sur la nécessité de soutenir les nouveaux qui arrivent à titre d’indépendants dans le domaine, de leur procurer une structure : « Il faut leur donner les outils qui leur permettent d’atteindre le plus rapidement possible un revenu minimal…On ne doit pas les laisser seuls devant un bottin téléphonique comme dans le bon vieux temps! »

En accord avec lui, M. Herr ajoute que, de tout temps, il a fallu investir financièrement dans les nouvelles recrues afin d’assurer leur démarrage. Selon lui, c’est la raison pour laquelle bien peu de sociétés font du recrutement actif, surtout depuis 10 ans, où le secteur accuse « un vide pas mal important ».

Pour combler ce manque de nouvelles recrues, M. Herr dit que les assureurs et les agents généraux associés doivent, ensemble, créer une formule qui attire suffisamment de nouveaux pour faire avancer les choses. « Ce ne sera pas facile, il faudra de l’argent, et il faut s’attendre à ce que ça marche dans certains cas et pas dans d’autres. Mais je crois que nous sommes tous assez créatifs et intelligents, dans le domaine, pour trouver une solution qui se tient. »