L’industrie de l’assurance de dommages doit s’attendre à vivre de grands
bouleversements au cours des prochaines années. Pour y réussir, les assureurs et les cabinets de courtage devront placer le consommateur au centre de leur modèle d’affaires. Ce sont aussi ceux qui miseront sur la taille de leurs organisations qui se démarqueront. Afficher une éthique et une intégrité au-delà des attentes sera un autre gage de succès.
Ces propos sont ceux de Charles Brindamour, président du conseil d’administration du Bureau d’assurance du Canada (BAC). Il a tenu ce discours lors du Diner des présidents, qui a eu lieu lors du Congrès 2011 de l’assurance et de l’investissement, le 16 novembre dernier.

M. Brindamour, qui est aussi chef de la direction d’Intact Corporation financière, dit s’attendre à ce que le secteur de l’assurance de dommages soit consolidé comme ceux de l’assurance de personnes et des banques dans un proche futur. D’ici cinq ans, 20 % des assureurs, en matière de part de marché, auront changé de mains, croit-il.

Les défis ne manquent pas dans l’industrie, dit M. Brindamour. Pour la 3e année consécutive, les dommages causés par les catastrophes naturelles auront occasionné des pertes de plus d’un milliard de dollars chez les assureurs canadiens. Les pertes se poursuivent en assurance automobile en Ontario. Tandis qu’en assurance aux entreprises, les résultats souffrent d’une tarification qui baisse depuis près de cinq ans. Les bas taux d’intérêt et les conditions économiques défavorables jouent aussi sur les investissements des assureurs de dommages, annulant toute amélioration de la performance technique de l’industrie.

Malgré cela, M. Brindamour se dit optimiste pour la suite des choses. « Les prochaines années constitueront une période charnière, qui pourrait se solder par une renaissance de notre industrie, en raison de la convergence des tendances économiques et démographiques. Cette conjoncture, nous offrira une possibilité unique de rendre notre industrie plus sophistiquée, concurrentielle et respectée des consommateurs », dit-il.

M. Brindamour affirme que le BAC entend participer activement à cette transformation. « Nous travaillerons à accentuer la confiance des consommateurs et à favoriser l’émergence d’un cadre réglementaire propice non seulement à la protection du consommateur, mais aussi à une concurrence accrue. Nous entendons aussi collaborer avec les gouvernements pour que nous soyons en mesure de nous adapter aux changements climatiques. Finalement, en tant qu’industrie, nous entendons sensibiliser la population et les gouvernements au risque de tremblement de terre, qui demeure le risque systémique le plus important de notre industrie.

Consolidation à venir
Pour M. Brindamour, la crise des marchés financiers mondiaux et les exigences accrues en matière de capital amèneront bon nombre de sociétés internationales ou canadiennes à reconsidérer leur présence au Canada. « L’industrie génère un faible retour sur le rendement. L’écart de profitabilité entre les assureurs les plus performants et ceux qui le sont moins s’est élargi. Ces dernières sociétés vont vraisemblablement s’interroger sur la viabilité de leur position stratégique et leur capacité à concurrencer dans un nouvel environnement », dit-il.

Une nouvelle consolidation suivra donc, ajoute-t-il. « Il ne serait pas surprenant que le contrôle de 20 % de l’industrie, mesurée en termes de parts de marchés, change de main au cours des cinq prochaines années, et ce, au profit des assureurs les plus performants », dit-il.

Ce faisant, les taux de concentration de l’industrie de l’assurance de dommages se rapprocheront de ceux qu’on retrouve dans d’autres secteurs des services financiers, comme l’assurance vie ou le secteur bancaire, croit M. Brindamour. « Ces développements devraient contribuer à augmenter le contrôle canadien domestique de notre industrie, qui est passé de 45 % à 60 % au cours des trois dernières années », dit-il.

M. Brindamour dit croire que l’émergence de nouveaux leaders avec des masses critiques susceptibles de dégager des économies d’échelle importantes se soldera par une concurrence de plus en plus vive. « Les assureurs consacreront plus de ressources à la bonification de leur offre ou à l’amélioration de leurs processus », dit-il.

Il note toutefois que les assureurs de dommages ont eu une attitude « libérale » dans la gestion de leurs activités de souscription et sa tarification. Ils ont misé sur leurs revenus d’investissement pour compenser la faiblesse des résultats techniques. Selon M. Brindamour, la faiblesse soutenue des taux d’intérêt et leur impact sur les revenus d’investissement les forcera à faire montre d’une plus grande rigueur et d’une vigilance accrue dans la gestion et la sélection de leurs risques.

Démographie changeante
Les changements démographiques auront aussi un impact sur les habitudes des consommateurs, mais aussi sur la main d’œuvre des assureurs, souligne M. Brindamour. Ces derniers devront donc redéfinir leurs modèles de travail. Autre enjeu : le rythme auquel le consommateur adopte les nouvelles technologies d’information.

« Le Web et les médias sociaux permettent au consommateur d’afficher une plus grande autonomie et d’assurer un plus grand leadership et contrôle de leur pouvoir d’achat. Ils redéfinissent aussi complètement leurs attentes : ils sont à la recherche d’une plus grande simplicité et d’une plus grande transparence. Cette convergence des changements technologiques et des comportements du consommateur se traduira par de nouvelles occasions pour nous. Surtout pour ceux qui sauront s’adapter à ces nouvelles tendances. C’est une occasion sans pareil de nous rapprocher des consommateurs, d’entamer un dialogue, d’élargir la gamme de produits, de leur offrir des solutions adaptées à leurs besoins et de satisfaire leurs attentes de plus en plus exigeantes », dit le président du conseil du BAC.

Nouveaux concurrents
Cette nouvelle réalité suscitera toutefois l’émergence de nouveaux concurrents, fait valoir M. Brindamour. Des concurrents qui maitrisent souvent mieux que la plupart des joueurs actuels les nouvelles technologies. Mais surtout, qui ont développé une compréhension intime des consommateurs et qui ont su, grâce à leur taille, mousser la notoriété de leur marque, dit-il.

« De nouveaux joueurs inattendus et robustes pourraient émerger. On ne devrait pas se surprendre qu’un Google, Microsoft ou Expedia décident de tabler sur leur maitrise des nouvelles technologies et leur vaste banque de données sur les habitudes d’achats pour se joindre à nos rangs. Il en va de même des grandes chaines de commerce au détail qui pourraient commercialiser des produits d’assurance en misant sur leur vaste réseau de distribution et leur notoriété. Certains le font déjà », fait-il remarquer.

Pour se démarquer, les assureurs ont trois pistes de solution devant eux, dit M. Brindamour. Tout d’abord, mettre le consommateur au cœur de leurs modèles et de leurs processus d’affaires.

« Le jour où nous pouvions nous contenter de collecter des primes et d’émettre des chèques en cas de sinistres est passé depuis bien longtemps. Nous nous devons d’accélérer notre écoute du consommateur, l’accompagner dans sa démarche, personnaliser notre offre et lui offrir une expérience exceptionnelle à tout moment. Pour ce faire, nous devrons faire preuve d’innovation et tabler sur notre entrepreneurship collectif », dit-il.

Ensuite, consentir des investissements plus importants dans l’acquisition de technologie de l’information et la promotion des marques. « D’où l’importance que jouera la taille, non seulement chez les assureurs, mais aussi parmi les cabinets », ajoute M. Brindamour.

Finalement, miser sur l’importance accrue que les consommateurs accordent à la transparence des entreprises avec lesquelles ils font affaire. « Il est primordial que tous les intervenants gagnent davantage leur respect et continue d’adhérer aux normes éthiques les plus élevées. C’est notre permis pour opérer, rien de moins. »