La hausse importante des couts des médicaments force les assureurs à revoir entièrement la gestion de risques en assurance collective, estime Martin Papillon, PDG du cabinet de courtage AGA Assurances collectives. Avant l’arrivée des médicaments biologiques, l’assurance collective était vue comme « un programme de gestion des liquidités » par l’assureur. Le montant des primes et des réclamations était stable et prévisible.

« Là, on se retrouve vraiment avec un élément d’assurance. Pour deux à trois cas sur 1 000, il y aura un participant qui réclamera entre 60 000 $ et 900 000 $ », note M. Papillon. Les « bons groupes avec les bons risques » doivent mettre de l’argent dans le système pour supporter le cout de ces grands réclamants.

« Des ratios de pertes à 75 % dans les PME, ce n’est pas viable. Il faut que le ratio de pertes ciblé soit de 60 % ou 65 %, maximum. C’est de la vraie assurance, comme en habitation. Vous payez une prime de 1 000 $ pour couvrir votre résidence, si elle ne brule pas, vos 1 000 $ sont disparus », dit-il. La tarification reliée à la couverture des médicaments très couteux doit être revue, selon M. Papillon.

Carl Laflamme, premier vice-président assurance collective au sein de SSQ Groupe financier, partage cet avis. « Entre 2014 et 2015, les réclamations de médicaments en excédent de 25 000 $, on en a eu trois fois plus », dit-il. Quand des médicaments sont acceptés par la RAMQ, les assureurs sont tenus de les couvrir, poursuit-il en citant l’exemple récent d’une réclamation pour un seul médicament qui coute 900 000 $ par année à administrer. Un seul cas semblable dans un groupe peut nuire à l’expérience du groupe plusieurs années, ajoute M. Laflamme.

Autrefois, les couts de mutualisation ne représentaient qu’une fraction des couts des régimes collectifs. « On mutualisait l’assurance voyage, par exemple. Si tu fais un accident de la route en Floride, ça coute 100 000 $, on le sait. Mais ce n’est pas récurrent, tu ne feras pas un accident chaque année », dit Martin Papillon. Le problème avec les nouveaux médicaments biologiques très couteux est « que la maison brule tous les ans », poursuit-il.

« Si tu souffres d’une condition reliée à l’arthrite rhumatoïde, et on te prescrit quelque chose qui coute 4 000 $ par mois, c’est comme ça pour le reste de tes jours. » Le marché devra se discipliner et facturer ce cout de mutualisation même aux bons groupes où les taux de pertes sont bas, dit-il.

Selon M. Papillon, l’industrie pharmaceutique pourrait gérer le risque relié à l’efficacité des médicaments très couteux. Il prend l’exemple du traitement de l’hépatite C, qui dure 12 semaines et coute 60 000 $.

« Si c’est vraiment la solution miracle et que ça vaut 60 000 $, je suis bien d’accord. Mais si le résultat n’est pas là pour un de nos participants, et qu’il faut une deuxième ronde, on est rendus à 120 000 $. On devrait établir que le traitement de l’hépatite C coute 60 000 $, et s’il faut traiter durant 24 semaines au lieu de 12, la compagnie pharmaceutique pourrait assumer ce risque et nous facturer 60 000 $ pour le traitement complet. Il me semble que ça aurait de l’allure », propose-t-il.