L’industrie canadienne de l’assurance de dommages a démarré l’année sur le mauvais pied en raison du recul marqué de sa rentabilité, au cours des trois premiers mois de 2007.Plusieurs facteurs ont contribué à cette baisse de régime, dont une chute des résultats techniques, ainsi que la hausse des dépenses et des réclamations, révèlent les données publiées en juillet par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).Des données préliminaires du rapport trimestriel de la firme de recherche financière MSA Research, colligées auprès de 208 assureurs, font aussi écho aux résultats obtenus par le Bureau.

Les effets des réformes en assurance auto, combinés au présent cycle de marché mou, ont continué de faire chuter les résultats financiers de l’industrie en ce début de 2007.

L’impact de ces réformes continuera d’ailleurs à affecter négativement les bilans des assureurs durant toute l’année 2008, prévoient certains d’entre eux, dont ING et Co-operators.

Mauvais T1 2007

Selon le BSIF, les bénéfices de l’industrie ont plongé de 43%, entre les premiers trimestres de 2006 et de 2007, passant de 1,373 milliard $ (G$) à 774 millions $ (M$).

Cette baisse est attribuable à plusieurs facteurs. Les profits techniques des assureurs ont chuté de 66 %, passant de 775 M$ à 262 M$ durant cette même période. Les réclamations et les dépenses des assureurs ont pour leur part fait un bond de 9,5 % pour s’établir à 7,2 G$. Finalement, les revenus de placement ont chuté entre les premiers trimestres 2006 et 2007, baissant de 1,0 G$ à 893 M$.

De son côté, les résultats préliminaires de MSA Research indiquent que les ratios de sinistre des segments en assurance aux particuliers et en assurance aux entreprises ont fait un bond de 15%, entre les premiers trimestres de 2006 et de 2007.

Seul un des dix plus importants assureurs actifs au Canada, Economical Insurance Group, a enregistré des résultats à l’encre rouge. La société, qui a son siège social à Kitchener en Ontario, a rapporté une perte nette de 5,9 M$ au premier trimestre 2007 comparativement à un bénéfice net de 30,7 M$ au trimestre correspondant en 2006 ainsi qu’un déficit technique de 41 M$ comparativement à un profit technique de 3,5 M$ pour les mêmes périodes observées. L’assureur a refusé de commenter ces résultats.

Les résultats de Co-operators se sont aussi dépréciés. L’assureur a rapporté une chute de son bénéfice net de 74% au premier trimestre 2007 comparativement à la même période en 2006. Ceux-ci ont plongé de 31,6 M$ en 2006 à 8,2 M$ en 2007.

Les primes directes souscrites de Co-operators sont restés stables, passant de 267,9 à 268,2 M$. Les résultats de souscription se sont quant à eux détériorés encore plus. D’une perte de 7,6 M$ au premier trimestre de 2006, elle est passée à 28,9 M$ au premier trimestre de 2007.

Le premier trimestre a été particulièrement difficile pour Co-operators, a admis au Journal de l’assurance sa présidente et chef de la direction, Katherine Bardswick. Les sinistres en assurance aux entreprises ont augmenté en sévérité, tandis que ceux en assurance automobile ont augmenté en fréquence, affirme-t-elle.Même son de cloche chez ING Canada. En assurance aux entreprises, les profits techniques ont été de 3,3 M$ au premier trimestre de 2007, tandis qu’ils étaient de 40 M$ à pareille époque, un an plus tôt. Cette baisse s’explique par la gravité accrue des sinistres dans ce segment de marché, affirme le président et chef de la direction d’ING, Claude Dussault.

Bien que les sinistres en assurance automobile soient demeurés bas, M. Dussault anticipe une augmentation au cours des prochains mois. « Nous croyons que la fréquence augmentera ou, dans le cas où la faiblesse des sinistres constatée se prolongerait, que d’autres réductions de primes s’ensuivront », dit-il.

Pour le trimestre terminé au 31 mars 2007, ING a déclaré un bénéfice net de 126 M$, en baisse par rapport aux 185,9 M$ affichés durant la même période en 2006. Ces résultats comprennent ceux de tout le holding d’ING Canada, qui comprend entre autres Société d’assurance ING, ING Novex, Trafalgar, Bélair Direct et d’autres distributeurs.

Ce repli est essentiellement imputable à des gains moins élevés sur les actifs investis. Dans leur ensemble, les résultats techniques ont plongé de 50%, passant de 80 M$ à 40 M$, affectant aussi à la baisse les bénéfices nets.

À l’exclusion des primes obtenues par le groupement des assureurs de la Facility Association, les primes directes souscrites ont néanmoins fait un bond de 4,2 % au premier trimestre de 2007 comparativement à celui de 2006, passant de 820 M$ à 854,0 M$.

Impact jusqu’en 2008

Par ailleurs, l’impact des réformes en assurance auto continuera d’affecter à la baisse les résultats financiers des assureurs, au moins durant encore toute l’année 2008, prévoit M. Dussault.

Les gouvernements de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de l’Alberta ont notamment donné le coup d’envoi à ces réformes, en 2004, afin de limiter la hausse effrénée des réclamations liées aux blessures corporelles.

« L’impact soutenu des mesures de contrôle des coûts, qui pourrait s’atténuer après une période de temps, et les réductions éventuelles de taux de primes demeureront d’importants facteurs qui influeront sur le rendement », estime M. Dussault.

Ce point de vue est partagé par Katherine Bardswick de Co-operators. « Nous avons en effet continué à ressentir l’effet des réductions de primes liées au réformes. Nous allons continuer à les ressentir au moins jusqu’à la fin de cette année et durant la prochaine. Pourquoi? Car il faut que ces baisses fassent le tour de nos portefeuilles et cela prend du temps », dit-elle.

« Le nombre de réclamations automobiles était à la hausse, tandis que la prime moyenne a continué de diminuer en raison des baisses des taux observées dans la plupart des régions depuis deux ans », a fait savoir la présidente.

Le cycle du marché mou présentement en vigueur, et constaté surtout par la forte concurrence au sein du secteur de l’assurance des entreprises, devrait se poursuivre et affecter aussi négativement leur rentabilité, estiment les assureurs.

Le président et chef de la direction chez Desjardins assurances générales, Jude Martineau, affirme néanmoins que le plus fort de la crise de la hausse effrénée des coûts liés aux blessures corporelles, qui a frappé depuis le début des années 2000, est passé.

« Je crois que cette année, nous atteindrons le niveau plancher en ce qui touche la tarification. D’ailleurs, depuis les deux derniers trimestres, nous voyons les dépôts de modifications de tarifs et nous avons commencé à observer une hausse minime de primes. Le plancher semble être atteint! », estime-t-il.