Les assureurs font front commun : le projet de loi 141 protègera mieux le public avec l’encadrement proposé, disent-ils.

Le Bureau d’assurance du Canada (BAC), l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et la Corporation des assureurs directs de dommages du Québec (CADD) ont tous trois demandé à rencontrer le Journal de l’assurance pour partager leur point de vue dans le débat sur le projet de loi 141. Les trois organismes ont été rencontrés individuellement. Ils ont admis s’être parlé sans se concerter quant à leur position.

Les assureurs réagissent maintenant parce qu’ils considèrent qu’il y a des dérives dans certaines prises de position énoncées au cours des dernières semaines. Les assureurs avaient choisi de débattre uniquement en commission parlementaire, mais, face à certains dérapages, ils ont décidé qu’ils ne pouvaient plus ne pas intervenir.

Y croire à force de répéter des faussetés

Lyne Duhaime, présidente de l’ACCAP-Québec, craignait qu’à force d’entendre des choses inexactes être répétées, les gens finissent par y croire. Johanne Lamanque, vice-présidente, Québec, pour le BAC, souligne que certaines organisations donnent l’impression que le système d’encadrement sera complètement évacué advenant l’adoption de la vente d’assurance par Internet.

« Ce concept semble faire peur à certains. Or, non seulement le régime actuel d’encadrement demeurera, mais il sera accru. Il est impensable de croire que l’Autorité des marchés financiers pensera à un encadrement plus souple », dit-elle. C’est une vision partagée par Lyne Duhaime. « Je ne crois pas que l’Autorité sera moins active. Au contraire, c’est le régulateur le plus actif au Canada ! »

Vue périphérique pour l'Autorité

Mme Lamanque ajoute que l’Autorité a une expérience certaine pour assurer la protection du consommateur. Avoir un régulateur intégré, à la suite du transfert des activités des Chambres, sera un avantage, dit-elle. « L’Autorité aura une vue périphérique de ce qui se fait dans l’industrie, ce qui n’est pas le cas actuellement. »

Lyne Duhaime réitère que les fonctions des Chambres demeureront. Il en sera ainsi de l’acte de surveillance, par exemple, qui sera intégré à l’Autorité. Il est vrai que les deux Chambres disparaitront, reconnait-elle.

Le consommateur décide

Denis Côté, directeur général de la CADD, défend aussi ardemment une protection accrue des consommateurs dans le futur encadrement. Il rappelle qu’en 2015, dans la présentation des résultats de sa consultation sur la vente sur Internet, l’Autorité avait établi 11 orientations pour encadrer la vente et mieux protéger le consommateur. « Ces orientations étaient contraignantes et les assureurs étaient d’accord. » Il ajoute qu’on est loin de la situation de « Far West » que décrivent certains sur la place publique.

Michel Laurin, président du conseil d’administration de la CADD, s’élève contre ceux qui s’opposent à la vente sur Internet. « Ce ne sont pas les assureurs qui veulent imposer de nouveaux moyens de distribuer de l’assurance, ce sont les consommateurs qui décident ! » Denis Côté ajoute : « C’est le consommateur qui le demande. On doit s’adapter. Le consommateur le fait dans d’autres industries. Pourquoi pas dans la nôtre ? »

Internet : outil de communication

Selon M. Laurin, on dépeint la vente sur Internet comme étant quelque chose de catastrophique, devant laquelle le client se retrouvera complètement démuni. « On présente des risques, mais on ne souligne pas que c’est exactement ce que le consommateur veut maintenant. » Même plus, ajoute-t-il : « S’opposer à la vente sur Internet, c’est ne pas être centré sur les besoins du client. »

M. Laurin admet qu’il est important de se demander si la vente sur Internet répondra réellement aux besoins du client. « Il est vrai qu’en assurance de personnes, les enjeux sont plus complexes. Par exemple, l’éducation des enfants et l’analyse des besoins financiers exigent une réflexion. Mais Internet est aussi un outil de communication pour faire prendre conscience de ces enjeux. Si on empêche cette interaction, on manque quelque chose. »

« L’industrie doit démontrer qu’elle est moderne ! »

L’industrie doit toutefois montrer qu’elle peut être moderne, dit M. Laurin. « Pourquoi obliger le client à subir une répétition verbale de ce qu’il a déjà entré dans un site Web ? On a des clients qui sont outrés de constater que nous ne sommes pas en mesure de voir quelles informations ils ont entrées sur notre propre site. Il faut aussi le considérer par la valeur ajoutée que ça apporte », dit-il.

Selon lui, plusieurs continueront de traiter avec un courtier, mais ce ne sera pas tout le monde. « On tombe dans le même débat que le courtier face à l’agent direct. Il y aura toujours de la place pour les deux. »

Aller à son rythme grâce au Web

Mme Lamanque dit aussi croire que la transmission d’informations sera meilleure grâce au Web. « Il ne faut pas sous-estimer ce que l’intelligence artificielle permettra de faire dans cette optique. L’assuré aura plus d’information à sa portée. C’est aussi un mode alternatif. » En outre, il pourra aller à son rythme, dit la vice-présidente du BAC-Québec. Il pourra magasiner le samedi matin, puis y revenir plus tard. Nous devrons cependant nous assurer que l’info dont il a besoin est là, reconnait-elle.

Pour Lyne Duhaime, la vente d’assurance par Internet est inévitable. L’industrie ne peut passer à côté du processus actuel, explique-t-elle. « Il n’y a pas eu une telle révision des lois en assurance depuis 40 ans. Il faut y inclure Internet. On ne peut attendre encore 40 ans pour le faire ! »