Les anciens parlementaires Alain Paquet et Rosaire Bertrand ont écrit conjointement une lettre aux 125 députés constituant l’Assemblée nationale du Québec. Ils les exhortent à la plus grande vigilance face à l’adoption du projet de loi 141.

Les deux hommes ont tous deux présidé la Commission des finances publiques sous des couleurs différentes. M. Paquet a été député libéral, et M. Bertrand du Parti québécois. Ce qu’ils voient dans le projet de loi 141 les préoccupe au plus haut point, indiquent-ils dans leur missive, dont le Journal de l’assurance a obtenu copie.

Une loi adoptée à l’unanimité

Ils rappellent d’ailleurs que la loi qui a créé l’Autorité des marchés financiers, ainsi que tout le cadre règlementaire actuel, avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Ils invitent les députés à mettre la partisanerie de côté pour traiter de cet enjeu et à remettre en question les dispositions du projet de loi.

« Dans sa mouture actuelle, le projet de loi 141 représente non seulement un retour des décennies en arrière de l’encadrement, mais aussi, du même coup, à une protection effective sensiblement réduite des consommateurs », disent-ils.

« Aucune réflexion digne de ce nom »

Dans leur lettre, MM. Paquet et Bertrand affirment « qu’aucune réflexion digne de ce nom » n’a été mise de l’avant pour situer une mise à jour bien campée du développement de l’encadrement du secteur financier.

« Le projet de loi propose de laisser n’importe qui pouvoir offrir des conseils financiers, sans être certifié auprès de l’Autorité, sans être imputable de ses gestes et sans avoir un code de déontologie. Les personnes physiques qui pourront “conseiller” les consommateurs le feront sans l’obligation de fournir le produit qui lui convient le mieux et sans connaissances attestées des enjeux financiers. »

Des employés non certifiés

Pour les deux hommes, les employés non certifiés des groupes financiers mettront de l’avant leurs produits. « Ils peuvent être ou ne pas être ceux qui répondent le mieux à la situation des clients. Un consommateur mal assuré ou mal desservi par son produit ne s’en rendra compte seulement lorsqu’il y aura une réclamation, souvent plusieurs années après l’achat du produit », dénoncent-ils.

Les deux anciens parlementaires déplorent aussi le cadre prévu pour la distribution d’assurance par Internet. Ils poussent leur réflexion en affirmant que le projet de loi 141 n’avantage que les grosses organisations financières, qu’elles soient sous la forme d’une coopérative, d’une banque ou d’une compagnie d’assurance. « Le projet de loi 141 leur crée une voie réservée accélérée pour influencer la règlementation avec une voix dominante », disent-ils.

Pourquoi conserver l’OCRCVM et pas les Chambres ?

MM. Paquet et Bertrand réitèrent voir d’un mauvais œil la disparition de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de dommages. Pour eux, cette ouverture à des conseils financiers par des personnes non certifiées compromet toute la valeur du conseil professionnel alors que le devoir fiduciaire devrait plutôt demeurer primordial pour protéger les consommateurs.

« Curieusement, alors que le ministre semble trouver des vertus non spécifiées et non avérées dans l’abolition de ces deux organismes d’autorèglementation, il conserve d’autres organismes d’autorèglementation, par exemple, en matière de valeurs mobilières avec l’Organisme canadien de règlementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et en matière de courtage immobilier avec l’Organisme d’autorèglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). Les modifications proposées dans le projet de loi 141 semblent donc échapper à une certaine cohérence », disent-ils.

Reporter l’adoption des points plus problématiques

Les deux hommes affirment que le projet de loi 141 comporte des problématiques majeures. Ils reconnaissent que certaines dispositions peuvent être adoptées facilement, notamment celles pour le risque systémique que pose le Mouvement Desjardins ou encore en ce qui a trait aux améliorations apportées au Fonds d’indemnisation des services financiers. M. Paquet avait d’ailleurs lancé l’idée de scinder le projet de loi la semaine dernière.

« Les dispositions relatives aux enjeux fondamentaux que nous soulevons avec et pour la majorité des intervenants (parmi les quelque 50 000 professionnels et les millions de Québécois qui seront affectés par les modifications proposées) méritent un temps d’arrêt pour bien approfondir ces questions, pour trouver les bonnes solutions et réformer adéquatement l’encadrement, affirment-ils. Ce temps d’arrêt ne serait nullement dommageable pour les consommateurs et le secteur financier, alors que tous conviennent que le système actuel est cité en exemple ailleurs au Canada. À qui profiteraient donc certains des changements significatifs mis de l’avant dans le projet de loi 141 ? »