L’industrie de l’assurance rejette quasi à l’unanimité la nécessité pour un courtier de fournir quatre soumissions à un client. Même les assureurs directs reconnaissent que cette règle serait difficile à appliquer.

Le ministre des Finances du Québec Carlos J. Leitão est toutefois resté de marbre durant la commission parlementaire du projet de loi 150, du moins en ce qui a trait à l’assurance des particuliers. Il a montré une certaine ouverture en ce qui a trait à l’assurance des entreprises.

Pourtant, les superlatifs n’ont pas manqué pour décrire ce que serait l’application au projet de loi 150 en commission parlementaire : « inapplicable », « inappropriée », « inefficace », « risques de délais interminables ».


Jean St-Gelais

Jean St-Gelais | Photo : Denis Méthot


Laisser une marge de manœuvre

Le président et chef de la direction de La Capitale Groupe financier, Jean St-Gelais, s’est prononcé contre cette obligation prévue dans le projet de loi. La Capitale possède l’assureur direct La Capitale assurances générales, ainsi que l’assureur à courtage L’Unique assurances générales.

« Il faut laisser de la marge. Ça peut être compliqué. » M. St-Gelais, qui témoignait aux côtés des représentants de la Corporation des assureurs directs de dommages du Québec (CADD), a suggéré que le nombre exact de soumissions ne devrait pas être prescrit dans la loi, préférant s’en remettre à l’Autorité des marchés financiers.

Facile de trouver 4 propositions en assurance des particuliers

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a admis, lors d’une période d’échanges qu’à ce chapitre, qu’il fallait faire une distinction entre les assurances pour les particuliers et les assurances pour entreprises. Il a laissé entendre que la loi devra le préciser pour les entreprises.


Michel Laurin

Michel Laurin | Photo : Denis Méthot


Pour les particuliers, il a rappelé qu’en faisant des soumissions par Internet, un consommateur pouvait facilement et rapidement obtenir quatre à cinq propositions. Il semble donc surpris de la résistance face à cette exigence. Sur le fond, il a toutefois eu l’appui du président de CADD, Michel Laurin, qui est aussi chef de l’exploitation d’iA Auto et habitation.

« Pour le nombre de propositions, il faudra valider. La CADD souhaite qu’il y ait un magasinage. C’est important d’avoir plus d’une offre pour chaque client. C’est la valeur ajoutée du courtier par rapport aux assureurs directs. »

Difficile de se conformer à la règle

Les arguments des opposants n’ont toutefois pas manqué durant toute la journée. Le président du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), Christopher Johnson, a décrit aux parlementaires les nombreux obstacles et les graves problèmes qu’entrainerait cette obligation pour le secteur du courtage.

Il a rappelé que seulement sept assureurs offrent des produits généralistes pour desservir environ 700 cabinets à travers le Québec. Certains assureurs, a-t-il indiqué, imposent un volume minimum de primes pour conclure un contrat d’agence avec un cabinet.


Christopher Johnson

Christopher Johnson | Photo : Denis Méthot


« Pour la majorité des bureaux de courtage dont le volume ne répond pas à ces exigences, il sera très difficile de se conformer à la règle des quatre assureurs », a-t-il souligné. Il a aussi précisé que certains assureurs réduisent le nombre de cabinets avec lesquels ils font affaire, ce qui ne fera qu’aggraver la difficulté pour certains d’aller chercher quatre soumissions.

En outre, pour certains risques spécialisés comme la protection d’une résidence située en zone inondable, a renchéri le président du RCCAQ, il y a souvent moins de quatre assureurs actifs au Québec.

Problématique pour les nouveaux cabinets

Cette obligation serait aussi problématique pour les nouveaux cabinets qui ont déjà de la difficulté à obtenir un premier contrat d’agence pour se lancer en affaires. M. Johnson y voit donc un frein majeur à l’entrepreneuriat en assurance.

Comme d’autres l’ont fait durant cette première journée d’audience, il a soulevé le long délai qu’exigerait l’obtention de quatre soumissions qu’il faudrait par la suite expliquer aux clients. Aujourd’hui, a-t-il rappelé, les gens veulent obtenir un service de plus en plus rapide. Si on garde son client au téléphone pendant un très long moment pour lui présenter les quatre soumissions, certains vont abandonner et faire des démarches ailleurs, anticipent certains, qui craignent déjà de perdre une certaine clientèle à cause de cette lenteur.


Marie-Lucie Paradis, Jean-François Desautels et Karine Iskandar

Marie-Lucie Paradis, Jean-François Desautels et Karine Iskandar | Photo : Denis Méthot


Le professionnel en mesure de choisir la meilleure offre

Jean-François Desautels, premier vice-président Québec et distribution numérique, chez Intact Assurance, a insisté sur le fait que le professionnel d’assurance qui travaille en cabinet est soumis à un code de déontologie. Ce professionnel est donc en mesure de choisir pour son client parmi ses assureurs la meilleure offre sans être en tenu de présenter un nombre X d’offres qu’il juge moins pertinentes pour ses besoins.

« C’est une offre plus globale que de revenir à un nombre précis à faire aux consommateurs, a renchéri la vice-présidente régionale Montréal d’Intact Assurance, Marie-Lucie Paradis. Il y a aussi le délai et la lourdeur que ça ajoute au processus alors que des compétiteurs assureurs directs redoublent d’efforts pour avoir des processus beaucoup plus simples et fluides. Pour nous, ça grossit l’écart de la compétitivité d’un cabinet de courtage versus un assureur direct. »

Nombre minimal de deux

Le RCCAQ y est allé de sa propre solution. Le regroupement propose plutôt de conserver l’encadrement légal actuel qui indique déjà de proposer plusieurs assureurs aux clients tout en précisant dans la règlementation que cette offre doit être de deux assureurs au minimum par proposition.